Depuis son intronisation en 1999, Sa Majesté le Roi Mohammed VI conduit une ambitieuse politique africaine. Sous son impulsion, le Royaume est parti à l’assaut du continent. En 18 ans, le Roi du Maroc a effectué une cinquantaine de visites dans des pays de l’Afrique subsaharienne tout en mobilisant les plus grandes entreprises marocaines lesquelles ont joué un rôle fondamental dans le déploiement du nouveau paradigme des relations maroco-africaines.
Aujourd’hui, les grandes compagnies marocaines opérant dans divers secteurs économiques sont présentes dans plus de trente pays d’Afrique subsaharienne. Elles sont en phase avec les orientations royales stratégiques du Maroc, voulant instaurer un nouveau modèle de coopération Sud-Sud, axé sur le co-développement. D’ailleurs, l’Afrique subsaharienne accueille désormais 63% des investissements directs étrangers (IDE) marocains dans le monde, avec un pic de 88,2% enregistré en 2010. C’est le résultat d’une étude sur le bilan des relations Maroc-Afrique subsaharienne publiée par l’OCP Policy Center. En Afrique subsaharienne, la présence marocaine est plus marquée dans le secteur bancaire qui occupe la première position avec une part de 41,6%, suivi par les télécommunications (35,9%), le holding (10,5%) et l’immobilier (6,4%), relève l’OCP Policy Center.
L’Afrique attire les banques
Si les premières implantations des banques marocaines en Afrique remontent aux années quatre-vingt avec les filiales de la Banque populaire en Centrafrique et en Guinée, c’est surtout sous le règne du Roi Mohammed VI que le mouvement d’internationalisation des banques est devenu une réalité. Actuellement, les banques marocaines comptent une cinquantaine de filiales en Afrique qui gèrent un réseau de plus de 1.350 agences. En effet, les trois grandes banques marocaines (Attijariwafa Bank, Banque Centrale Populaire et BMCE Bank of Africa) se sont engagées dans une course effrénée à la conquête du continent.Si les trois banques ont adopté des stratégies différentes, la finalité reste la même : appliquer en Afrique la même recette de réussite qu’au Maroc. Ainsi, le Groupe Attijariwafa Banka axé sa stratégie sur les prises de participation majoritaires ou des créations de filiales alors que les Groupes Banque populaire et BMCE Bank of Africa ont opté pour des prises de participation non majoritaires avant de monter en puissance dans les tours de table. Ces stratégies ont déjà donné leurs fruits. Les chiffres en témoignent ! Les trois Groupes bancaires ont réalisé, en 2016, un produit net bancaire (PNB) de 14 milliards de DH, soit près de 30% du total engrangé sur l’année. Par ailleurs, les bénéfices nets de ces trois banques se sont établis à 9 milliards de DH depuis 2010, date du début de l’embellie financière pour elles en Afrique.Chacune à sa façon, les trois banques marocaines jouent un rôle crucial dans la hausse des investissements marocains sur le continent en tant que soutien aux entreprises marocaines qui souhaitent se développer en Afrique.
Les assurances suivent
En s’appuyant sur l’expertise et le positionnement des banques marocaines en Afrique, les compagnies d’assurances aussi s’internationalisent. C’est le Groupe Saham qui a montré la voie en acquérant en 2010 le Groupe Colina, présent dans 13 pays africains, avant d’accentuer sa présence sur le continent en multipliant les acquisitions pour être désormais présent dans 22 pays et ce, via 40 filiales. De son côté, Wafa assurance a entamé son développement à l’international par la Tunisie en créant une filiale spécialisée dans l’assurance Vie, Attijari Assurance. Aussi, la filiale d’assurance d’Attijariwafabank s’est déployée en 2014 au Sénégal en créant deux compagnies, Wafa Assurance Vie S.A et Wafa Assurance S.A.Pour sa part, RMA Watanya, du Groupe FinanceCom, a démarré son développement à l’international, en signant un partenariat avec le Groupe Beneficial Life Insurance Company (BLIC), mettant ainsi les pieds au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Togo. À l’instar des roupes bancaires, les trois acteurs d’assurances ont décidé de dupliquer, en Afrique subsaharienne, le modèle qu’ils ont réussi à mettre en place avec succès au Maroc.
Maroc Telecom, le leader africain
En avançant avec assurance sur ce sentier de croissance, le groupe Maroc Telecom s’est, en effet, inscrit positivement dans la dynamique de la stratégie de coopération Sud-Sud portée par le Roi Mohammed VI. Ainsi, l’opérateur Télecom s’est engagé dès 2001 dans un processus d’internationalisation avec la prise de contrôle de Mauritel (51,5% du capital), l’opérateur historique des télécoms mauritanien à la suite d’un appel d’offres international.Le succès de cette première opération en Afrique subsaharienne a donné de l’appétit à l’opérateur marocain qui a, par la même occasion, affiné sa stratégie pour acquérir, dans le cadre d’opérations de privatisations, 51% du capital d’Onatel (Burkina Faso) en décembre 2006, 51% de Gabon Telecom en février 2007 et 51% de Sotelma (Mali) en juillet 2009.En 2014, et suite à l’acquisition de Maroc Telecom par l’émirati Etisalat, ce dernier a cédé à sa filiale marocaine 6 de ses filiales d’Afrique subsaharienne –Bénin, Côte d’Ivoire, Gabon, Niger, Centrafrique et Togo- regroupées sous la marque Moov, pour un montant de 650 millions de dollars.A travers cette cession, Etisalat souhaitait que Maroc Telecom redresse et développe durablement ses nouvelles filiales. Et à ce titre, l’opérateur a appliqué ses recettes : restructurations, mise à niveau, investissements et adoption de nouvelles règles managériales afin de générer des revenus significatifs durant les années à venir. Actuellement, les filiales représentent actuellement plus de 60% du parc clientèle et pèsent 41% du chiffre d’affaires du groupe contre 20% en 2010.
Le dynamisme des holdings
En outre, plusieurs holdings comme Ynna Holding et la Société Nationale d’Investissement (SNI), à travers sa filiale minière Managem, interviennent en Afrique. En effet, Ynna Holding a pu réaliser un projet immobilier en Guinée Equatoriale portant sur la construction de près de 500 logements de moyen standing, à la suite d’une convention signée avec l’état en 2005. Le Groupe s’est également implanté en Côte d’Ivoire par l’intermédiaire de sa filiale SNEP avec la création de la société Houda Plastic en 1999, spécialisée dans la fabrication de tubes en PVC et polyéthylène. Sur la même année, Ynna holding avait signé une convention avec l’Etat sénégalais relative à la réalisation de 10 000 logements de moyen et haut standing.Dans le cadre du projet Costamin, Managem a conclu un accord de partenariat avec une société congolaise pour le développement de deux permis à fort potentiel en cobalt et cuivre en République Démocratique du Congo. Aussi, Managem a signé un accord avec la société Searchgold portant sur l’acquisition à terme d’une participation de 63% dans la filiale gabonaise de Searchgold concernant un programme d’exploration sur le domaine aurifère de Bakoudou au Gabon. Aussi, elle a procédé à la constitution d’une société anonyme au Gabon en 2007, détenue à 100% pour la mise en valeur du projet Eteke (projet de développement visant la valorisation de l’or au Gabon dont le potentiel est estimé à 15 tonnes d’or).
Les promoteurs immobiliers sollicités
Par ailleurs, l’expertise marocaine en matière de logement surtout social est très sollicitée dans le continent. En témoigne le nombre impressionnant de contrats conclus en marge des tournées royales en Afrique. Le groupe Addoha est le premier à avoir défraîchi le terrain en 2011. Le groupe d’Anas Sefriouis’est engagé ainsi dans plusieurs projets immobiliers en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Sénégal, au Cameroun, au Mali, au Burkina Faso, au Gabon et au Congo Brazzaville. En Côte d’Ivoire, le Groupe a lancé un programme de 8 000 logements sociaux. Idem pour la Guinée (3 000 logements), le Sénégal (2 500 logements), le Cameroun (1 700 logements), etc. Au Ghana, où le déficit en logements est estimé à plus de 1 millions d’unités, le Groupe a signé une convention portant sur la réalisation de 10 000 logements sociaux. En tout, le Groupe compte aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers de logements à réaliser. L’expansion africaine d’Addoha est accompagnée par l’implantation des Ciments de l’Afrique dans chaque pays ciblé. Pour sa part, le groupe Alliances, l’autre major de la pierre au Maroc, s’est installé au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Congo Brazzaville à travers trois grands projets immobiliers totalisant près de 60 000 logements. L’autre acteur immobilier marocain présent en Afrique n’est autre que Palmeraie Développement. Le groupe de Berrada a signé en 2014 avec le gouvernement ivoirien, un protocole d’accord pour la réalisation d’un projet touristique à Abidjan et une convention cadre portant sur la réalisation de 10.000 logements sociaux et économiques. Au Soudan du Sud, la gestion déléguée du projet de construction de la nouvelle capitale, qui coûtera près de 10 milliards de dollars étalés sur une période de 20 ans, est confiée au Groupe Al Omrane.
OCP et RAM : des acteurs solides
Le phosphatier OCP conforte sa stratégie africaine à l’image de celle adoptée par les autres secteurs marocains. Avec notamment le plus gros projet industriel conduit par une entreprise marocaine en dehors des frontières du Royaume, à savoir un complexe de fertilisants en Ethiopie de plus de 2,2 milliards d’euros, annoncé fin 2016. Il faudra citer aussi OCP Africa qui se veut le bras armé du groupe OCP pour conquérir le marché africain des engrais. La nouvelle structure a ouvert d’un coup des filiales dans quatorze pays subsahariens. Une autre entreprise marocaine entend s’arrimer aux spécificités de ce continent vers lequel le Maroc s’est résolument tourné. Il s’agit de Royal Air Maroc qui a lancé, en mars 2016, la liaison régulière Casablanca-Nairobi, sa 33ème destination africaine et la première en Afrique de l’Est.
Au-delà des secteurs clés, plusieurs autres entreprises marocaines ont fait le pari de l’Afrique. C’est le cas de Managem (Gabon, Ethiopie, Guinée, etc.), Somagec, Stroc, Sothema, Cooper Pharma, IB Maroc, etc.Cette tendance devrait connaître une nouvelle impulsion durant les années à venir. D’abord, du fait du retour du Maroc au sein de la famille del ‘Union africaine et l’élargissement des régions ciblées, avec notamment le dernier périple royal en Afrique de l’Est.
Kaoutar Khennach