Espagne : Le gouvernement veut amender la loi consacrant l’amnistie des crimes du franquisme

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Le 20 Novembre est une date importante dans l’histoire de l’Espagne dès lors qu’elle correspond d’une part à l’exécution, en 1936, de José Antonio Primo de Rivera, le fondateur de la Phalange fasciste espagnole qui avait joué un rôle déterminant face aux républicains lors de la guerre civile qui s’était étendue de 1936 à 1939 et, d’autre part, à la mort de Franco au terme d’un « règne dictatorial » de près de quarante années.

Autant de raisons pour lesquelles, la coalition gouvernementale de gauche, actuellement au pouvoir en Espagne, et comprenant le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) et Podemos (Gauche radicale), a choisi ce 20 Novembre 2021 pour amender, conformément à son projet de loi sur la mémoire démocratique,  cette loi de 1977 consacrant l’amnistie des crimes du franquisme.

Clé de voûte de la transition démocratique, qui a vu le jour après la mort de Franco, la loi d’amnistie divise les espagnols et son amendement donnerait l’occasion aux nouvelles autorités du pays d’enquêter sur tous les crimes commis aussi bien durant les trois années qu’a duré la guerre civile que pendant près de quatre décennies de franquisme et qui, selon certaines estimations, concerneraient plus de 100.000 victimes qui seraient enterrées dans plus de 4.000 fosses communes réparties à travers toute l’Espagne.

Pour rappel, les tribunaux espagnols avaient utilisé la loi d’amnistie adoptée pendant la transition démocratique pour refuser toute enquête sur les crimes du régime franquiste et Baltasar Garzon, qui avait été l’un des seuls juges à enquêter sur les disparitions de civils sous Franco, à telle enseigne qu’il avait été frappé d’une interdiction d’exercer jusqu’en 2023, estime que le nouveau projet de loi dit « loi de mémoire démocratique » ne devrait pas être un obstacle à la justice pour les victimes mais une « réponse » dès lors qu’ « il n’est pas nécessaire que ce soit une justice pénale » avec l’application d’une « peine de prison » mais plutôt « une justice visant à la réparation des victimes ».

Mais si, à ce jour, seuls quelques 9.000 dépouilles auraient été retrouvées, le nouveau projet de loi comprend un plan national d’exhumation et l’élaboration de tests ADN qui permettraient d’identifier les victimes à partir de leurs restes.

Aussi, pour Marco Gonzalez, le vice-président de l’Association pour la récupération de la mémoire historique « le premier acte de réparation consisterait à rendre les restes aux familles afin qu’elles puissent décider où les enterrer au lieu de l’endroit choisi par leurs bourreaux puis à rechercher les responsables ».

Or, pour faire adopter ce projet par le Parlement espagnol et faire approuver les 66 articles qui le composent, la coalition gouvernementale devra parvenir à convaincre la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) qui souhaiterait abroger purement et simplement cette loi et non point se contenter de son seul amendement.

Ainsi, la seule certitude est qu’à la demande d’une grande partie de sa population, le pays serait sur le point d’entamer un long processus visant à « apporter un peu de lumière sur une page non encore tournée de l’Histoire espagnole ».

Cette page « noire » de l’Histoire moderne de l’Espagne sera-t-elle tournée sans heurts et sans accrocs ? Attendons pour voir.

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