«Il faut continuer le militantisme et la lutte pour arracher plus de droits»

Elle est poétesse et militante engagée, Khadija Arouhal est l’exemple de la femme marocaine qui ne ménage aucun effort pour défendre sa culture et son identité plurielles. Khadija qui  vient de publier un nouveau recueil poétique intitulé «Tifrass» (Traits) aux éditions Machahid d’Agadir. Autre fait d’arme de cette militante fulgurante: la traduction  du statut du PPS en langue amazighe qui a été présenté lors de la célébration du nouvel an amazigh, 2968, au siège national du parti. Pour elle, la poésie et l’écriture sont un acte de résistance.

Al Bayane : Comme à l’accoutumée, les femmes du monde célèbrent le 8 Mars, Journée internationale des femmes. Que représente cette journée pour vous?

Khadija Arouhal : Cette journée est un acte louable envers les femmes. Certes, la cause de la création de cette journée est noble. Il y avait des femmes qui se sont manifestées, luttées et militées pour arracher leurs droits. Pour moi, c’est une très bonne chose d’avoir une journée célébrant la femme à l’instar des autres événements fêtés durant toute l’année. Mais, il faut dire que plusieurs choses n’ont été pas encore réalisées pour que cette journée soit considérée comme fête. Pour moi, elle en est plus une fête. C’est une journée pour faire le bilan des réalisations, des acquis et ce qui reste encore à faire dans les domaines des droits de la femme. Certes, il en reste encore un long chemin à parcourir. Il faut continuer la lutte et militantisme afin d’arracher plus d’acquis.  Nous remercions le mouvement des femmes au Maroc qui a fait le premier pas. Nous aspirons à une vraie équité. Il faut rappeler que la femme, surtout la femme dans les zones enclavées, dans les milieux ruraux vit une situation très difficile. La plus part de ces femmes n’ont aucune idée sur l’existence de cette journée.

Vous êtes à la fois militante, poétesse et journaliste. Quel regard portez-vous sur la situation de la femme amazighe ? Et qu’en est-il de la lutte pour les droits des femmes au Maroc?

La femme amazighe souffre. Si on disait que la femme marocaine souffre à50 %, la femme amazighe souffre à 100% parce que la femme amazighe a, premièrement, cette entrave de la langue. Je parle des femmes amazighes qui vivent dans le Maroc profond. Il y a souvent cette mentalité patriarcale qui domine ces régions. Les femmes dans ces régions et bien d’autres demandent leurs droits de vivre, de vivre avec dignité. Je pense que la journée internationale de la femme est une occasion pour sensibiliser aux droits des femmes, et de travailler sur la femme.  La femme amazighe souffre doublement par rapport aux autres femmes.

Vous venez de sortir un nouveau recueil poétique intitulé «Tifrass» (Traits) publié aux éditions Machahid d’Agadir. Un recueil qui transmet les lettres de noblesse d’une culture amazighe à la fois ancrée dans l’histoire et universelle. Pensez-vous que l’écriture est un acte de résistance, d’engagement et de militantisme?

C’est un recueil spécial parce qu’il est dédié à la femme. Une femme qui fait face à plusieurs enjeux, idéologies qui ont une relation avec la religion, le tabou, et une pensée purement masculine. Or, la poésie a un message noble. La poésie libre la parole. Elle y joue un rôle surtout si elle était engagée. La poésie a cette capacité de changer certaine chose, de mettre les mots sur les mots, de poétiser la vie et nuire à la bêtise.  Le problème qui se pose aujourd’hui, c’est que la langue amazighe n’est pas accessible à tout le monde. J’ai veillé à ce que ce recueil soit traduit en langue arabe pour faire entendre ma voix. Et si j’avais les moyens, j’aurai dû le traduire en français et en anglais.  En effet avec l’avènement de la nouvelle technologie, ce qui a réduit en quelque sorte les lecteurs. Malgré tout cela, le message de la poésie reste noble, et  que seule reste capable à le transmettre.

Vous-êtes également l’animatrice d’une émission TV intitulée «Amiri» pour l’enseignement la langue amazighe. Comment se porte cette langue dont plusieurs acteurs amazighs ont tiré la sonnette d’alarme vu son recul dans l’enseignement?

C’est vrai, l’enseignement de l’amazigh est en régression. C’est une problématique qui remonte à des années. L’enseignement de l’amazighe se portait bien depuis 2003 jusqu’au 2011. Mais le problème qui existait, c’est celui de la standardisation de la langue. L’apprentissage de l’amazigh était facile pour les élèves. C’est un recul en effet très dangereux parce que nous avons aspiré notamment après la constitution de 2011, qui a officialisé la langue amazighe, que cette langue aura une véritablement place qu’elle mérite. Il y a plusieurs étudiants qui ont eu leur licences et masters dans les études amazighes, mais sans horizons, ni avenir. On veut apprend cette langue parce que c’est la langue de notre pays. Il faut juste suivre la vraie âme de la constitution.

Vous avez traduit le statut du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS) en langue amazighe qui a été présenté lors de la célébration du nouvel an amazigh, 2968, au siège national du parti.  Comment vous est venue l’idée de cette traduction?

Je suis une militante amazighe. Je milite à ma façon. J’écrivais, je militais. La première chose qui a attiré mon attention dans le Parti du Progrès et du Socialisme, c’est qu’il est le premier parti marocain ayant  pris au  sérieux la question  de l’amazighe depuis Ali Yata jusqu’au  nos jours. Je me suis retrouvée dans le parti dans un temps où les amazighs avaient besoin de partis où ils pouvaient travailler. L’idée de la traduction du statut du parti est une idée qui m’est venue comme ça. Un statut que j’avais déjà préparé. Ainsi, je suis très consciente que le parti du PPS n’utilise pas la question amazighe pour des fins politiques. L’appel à l’officialisation de l’an amazigh de la part de nos camarades.  Je suis fière d’être la première militante dans les rangs du parti ayant initié ce projet. C’est le premier parti qui a fait son statut en langue amazighe.

Vous êtes la vice-présidente du Conseil régional Souss-Massa, et membre de la commission de la culture.  Comment se porte le domaine culturel dans la région?

Notre région est parmi les régions les plus riches dans le domaine culturel. Il y a les «Igoudar», les gravures qui remontent à plusieurs siècles, les arts populaires, les différentes composantes culturelles en l’occurrence de la culture de «houwara», la culture hassanie, la culture «roudaniya», la culture soufie, la culture des «Rways». Il y a un potentiel culturel diversifié, hétérogène et homogène en même temps. En revanche, il y a des entraves qui freinent la progression de cette culture dont la production…

Mohamed Nait Youssef

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