Guerre d’Ukraine : Poutine visé par un mandat d’arrêt de la CPI

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

La Cour Pénale Internationale, basée à La Haye, a émis, ce vendredi 17 mars, un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine et contre Maria Lvova-Belova, la commissaire présidentielle russe aux droits de l’enfant et ce, pour « crimes de guerre » après avoir accusé, ces derniers, d’avoir « déporté des enfants des territoires ukrainiens occupés vers la Fédération de Russie ».

L’instance judiciaire internationale reproche, en effet, aux intéressés, leur implication, dans la déportation, depuis le déclenchement de l’assaut russe contre l’Ukraine le 24 Février 2022, de 16.000 enfants ukrainiens vers la Russie où ils auraient été placés dans des institutions et des foyers d’accueil alors que Moscou a affirmé, de son côté, qu’elle n’avait fait que conduire une action humanitaire destinée à protéger les jeunes Ukrainiens.

Mais bien que ces mandats d’arrêt aient fait suite à une demande du procureur de la CPI, Karim Khan, que le président américain Joe Biden, estime qu’ils sont « justifiés » et constituent un « signal très fort » même si cette institution internationale n’est pas reconnue officiellement par les États-Unis et, qu’en y voyant une « décision historique qui marque le début d’une responsabilité historique », Kiev s’est félicitée du fait que « la roue de la justice tourne », le président de cette Cour, Piotr Hofmanski, a tenu à rappeler, néanmoins, que l’exécution de ces mandats restera tributaire de « la coopération internationale ».

En effet, même si certains se réjouissent du fait que, comme l’affirmera un juriste à La Haye, c’est la « première fois » que la CPI « remplit la fonction qui lui était assignée : montrer qu’il n’y a pas d’impunité pour un chef d’Etat qui commet des crimes » même lorsqu’il s’agit du président d’une grande puissance, de surcroit membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, l’émission de ces mandats ne pourra pas recueillir l’adhésion unanime des chancelleries du monde entier.

Il est vrai que certains gouvernements ont applaudi à la sentence prononcée à l’encontre du président russe par la Cour Pénale Internationale après que les juges de la CPI, qui avaient suspecté ce dernier de « crimes de guerre suite à la déportation d’enfants ukrainiens en Russie et aux transferts forcés d’autres enfants vers les territoires occupés de l’est du pays », aient considéré qu’il y a « des motifs raisonnables de croire que Vladimir Poutine est personnellement responsable de ces crimes ».

C’est le cas de la France notamment qui, tout en restant, arrimée au char américain, dira, par la voix de Catherine Colonna, sa ministre des Affaires étrangères, que l’émission du mandat d’arrêt contre Poutine est une « décision extrêmement importante car elle signifie que tout responsable de crime de guerre ou de crime contre l’humanité devra rendre des comptes, quel que soit son statut ou son rang (et que) désormais, aucun maillon de la chaîne ne peut penser qu’il échappera à la justice… Cela devrait en conduire beaucoup à réfléchir (…) c’est donc une décision qui peut changer le cours des événements. »

Mais ce n’est point-là l’avis de nombreux autres pays qui se verront obligés d’émettre des réserves même s’ils ne le feront que du bout des lèvres du moment que la ficelle est trop grosse car s’il est vrai, en effet, que, comme l’ont rappelé certains, c’est bien « la première fois » que la CPI « remplit la fonction qui lui est assignée », il n’en demeure pas moins vrai, toutefois, que l’Ukraine n’est ni le premier ni le dernier et, surtout pas, le seul pays à être tombé sous le coup d’une invasion étrangère.

Aussi, serions-nous en droit d’en appeler à l’objectivité de cette juridiction internationale et de l’interroger sur les raisons pour lesquelles elle ne l’avait jamais fait précédemment alors que les chars et les avions des Etats-Unis et de leurs alliés n’ont jamais apporté des gâteaux et des fleurs aux habitants de ces nombreux pays qu’ils ont « visité », durant ces dernières décennies, mais infiniment d’horreur et beaucoup de désolation.

Pour toutes ces raisons mais aussi pour le fait que, comme l’affirmera Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, « la Russie, comme un certain nombre d’Etats, ne reconnaît pas la compétence de ce tribunal », les décisions qui en émanent ne peuvent être, « du point de vue de la loi », que « nulles et non avenues » si bien que Moscou ne leur reconnaitra « aucune valeur juridique ».

L’ancien président russe Dmitri Medvedev a été encore plus explicite lorsqu’il a comparé, dans un Tweet, le mandat d’arrêt de la CPI à du « papier-toilette ».

S’agit-il d’un énième coup d’épée dans l’eau destiné, encore une fois, à permettre à Washington, d’occuper, aux yeux de la communauté internationale, le fauteuil du « bon samaritain » et de laisser celui du « grand méchant loup » aux dirigeants de Moscou ?

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

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