La culture, un souci de perfectionnement et d’humanisation de l’individu

Adil Hajji

Partant de son expérience en la matière en tant que journaliste culturel et philosophe, Adil Hajji a indiqué que la culture est définie par nombre de philosophes anciens et contemporains comme le souci de perfectionnement, de croissance et d’humanisation de l’individu, rappelant que sur le plan étymologique la culture renvoie à l’agriculture.

   En matière de culture, l’on parle de ce qui s’apprend, se partage et se transmet et il s’agit en fait de la mise en commun.

Du point de vue des grands philosophes grecs (Platon, Socrate), la culture est le souci de soi. Pour Socrate, l’individu doit avoir au fond de soi un espace de liberté. Socrate appelle l’individu en lui disant « prend soin de ton âme », « connais-toi toi-même … ». On demande à l’individu de prendre conscience de sa liberté et de sa dignité en tant qu’être humain.

De nos jours, on trouve des philosophes qui se situent dans la continuité de la pensée hellénistique comme Pierre Hadot ou Michel Faucoult. Leurs travaux portent sur ce souci de se focaliser sur soi, contrairement à la négligence, l’inattention, et la légèreté.

Dans tous les cas, tous ces philosophes réclament l’attention, à l’image de Simone Veil qui indique que l’attention est la prière de l’intelligence. La culture est la manière dont on fait fructifier notre attention en l’accordant à des questions qui sont ou non dignes d’intérêt. Pour elle l’attention renvoie à la grâce.

Dans son « traité de pédagogie », Emmanuel Kant dit que l’éducation est ce qui permet de conduire l’homme à son entière destination. Il y a la discipline qui permet à l’éducateur d’encadrer l’enfant et ce dernier par l’éducation, la réflexion et la culture accède à son humanité. La finalité de ce processus de perfectionnement est la moralité. Ce n’est pas briller dans les salons ou avoir le supplément d’âme du bourgeois, ce n’est pas du philistinisme cultivé non plus (accrocher un beau tableau chez soi ou avoir une belle bibliothèque que personne ne consulte, etc).

Une philosophe américaine et spécialiste de Platon du nom de Martha Nussbaum a envoyé dans son livre « les émotions démocratiques » un message aux doyens des facultés américaines pour attirer leur attention sur le recul de la culture générale dans leurs établissements. Et il y a donc péril dans la demeure, dit-elle, tout en rappelant que la culture ne se limite pas à la lecture des œuvres philosophiques et littéraires, mais également à l’initiation de ce qui est artistique et créatif dans le but de développer chez les étudiants le sens empathique pour pouvoir se mettre à la place d’autrui et le comprendre. La culture permet à l’individu de s’humaniser et de devenir un citoyen respectueux de la différence et de la diversité.

Cette idée se retrouve aussi chez la philosophe française Cynthia Fleury, qui dit que plus on a des individus qui se soucient d’eux-mêmes, plus on a de vrais citoyens. Car plus on a de gens qui se méprisent et se négligent, plus on a de gens manipulables et faciles à orienter dans la mauvaise direction. Le souci de soi est donc le fondement du principe de l’individuation, pour avoir une société démocratique, qui requiert de vrais individus.

Mais comment combattre en fin de compte le nihilisme ambiant, s’est-il enfin interrogé, avant de souligner que le meilleur moyen d’y parvenir est de prendre soin de soi-même.

Arthur Kusler disait dans les années 50 du siècle dernier à propos des voies de changer la société qu’il faut travailler sur soi et commencer par l’individu, au lieu de le faire par le haut.

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