La production du livre amazigh en dents de scie

Le SIEL, c’est aussi les débats  invitant les différents professionnels du métier du livre à réfléchir  sur les défis auxquels fait face leur profession. Dans ce cadre, une conférence sur l’édition, la production, la perception  et la diffusion du livre amazigh  a eu lieu lundi 10 février à la salle Marrakech.

A cette occasion, les intervenants ont l’accent sur les entraves freinant l’évolution du livre édité en langue amazighe dont essentiellement la diffusion.

La ligue  «Terra» (Agadir), explique Lahcen Zahour, a produit plus de  45 titres littéraires en 2019. Selon lui, l’association profite du soutien des institutions dont celui de l’IRCAM  qui a créé une dynamique importante dans le secteur de l’édition du livre amazigh.

«En intégrant l’IRCAM dans le Conseil national des langues et de la culture marocaine (CNLCM), l’avenir de la production amazighe sera ambigu», a-t-il souligné.

  a indiqué que le nombre de la  traduction des textes littéraire universels ont été traduits en langue amazighe a augmenté au fil des années. Or, la diffusion, a-t-il ajouté, constitue une faille dans du  secteur. «Le livre amazigh n’a pas de valeur parce qu’il n’a pas la place qu’il doit dans l’école  et l’université marocaines.

En outre, la présence du livre en langue amazighe reste très limitée», a-t-il affirmé.  Et d’ajouter : «Les libraires refusent de prendre le livre écrit en tifinagh. Il va sans dire que cette problématique  a une relation immédiate avec la généralisation de la langue amazighe».

Par ailleurs, le chercheur Jamal Abernous a mis quant à  lui  l’accent sur la traduction littéraire, tout en pointant du doigt sur sa  faiblesse par rapport aux autres langues entre autres l’arabe. Or, depuis quelques années, explique-t-il, la traduction littéraire amazighe a connu un véritable essor. En matière de la traduction, le chercheur  a mis  la lumière sur la problématique de la terminologie usée par les traducteurs. Selon lui,  50% des traductions ont été faites depuis 2013.

L’acteur associatif, écrivain et traducteur en amazighe Larbi Moumouch a souligné que l’absence du lectorat est un des problèmes  du livre publié en amazighe. «La littérature amazighe était orale et la littérature et le livre amazighs n’étaient pas assez connus soit dans le paysage médiatique ou culturel. A cela s’ajoute l’absence du mécénat littéraire», a-t-il affirmé. D’après lui, la promotion du livre amazigh reste individuelle, et les éditeurs n’investissent pas d’avantage dans le livre amazigh.

«La traduction a enrichi la production littérature. En effet, beaucoup d’écrivains ont bénéficié d’aide de l’IRCAM ainsi que des prix littéraires dédiés au livre qui ont donné plus de rayonnement à la production écrite en amazigh», a-t-il précisé.  Selon lui toujours, le livre amazigh a du mal à accéder aux différentes institutions  et au marché marocain. «La mise en place d’une stratégie nationale de la promotion du livre est nécessaire, renforcer la place du livre dans les salons, s’ouvrir sur les nouvelles technologies pour que les écrivains puissent faire circuler le livre en langue amazighe sont des clés pour mieux faire tourner la roue de ce secteur», conclut-il.

Faiblesse du taux de la production éditoriale marocaine en langue amazighe…

Il va sans dire que la roue de la production éditoriale marocaine en langue amazighe a du mal à tourner. Visiblement, les chiffres du dernier rapport annuel sur l’état de l’Edition et du Livre au Maroc au titre de l’année 2018/2019 publié à l’occasion de la tenue du Salon international du livre et de l’édition à Casablanca,  par  la Fondation du Roi Abdul Aziz  Al-Saoud pour les Etudes Islamiques et les Sciences Humaines, en témoignent… à plus d’un titre.

En effet, la langue amazighe ne représente que 1,22% de l’ensemble des titres publiés. Un taux qui reste faible par rapport à la langue arabe avec un taux dépassant 78% dans l’ensemble de la production littéraire et intellectuelle marocaine.

«Depuis le premier rapport (2015), on constate que l’amazighe, seconde langue officielle du pays, peine à dépasser quelques dizaines de titres par an. Elle ne compte cette année que 45 titres, soit 1,22% du volume des livres imprimés (papier et numérique)», peut on lire dans le rapport.

Selon le même rapport, l’examen des différentes composantes de l’échantillon montre que les usages en matière de  l’alphabet continuent à être variés en dépit de l’adoption officielle des caractères tifinagh. «La répartition des publications selon l’alphabet employé, se présente comme suit : 23 ouvrages sont imprimés en caractères mixtes latin-tifinagh, 9 titres en caractères latins, 7 titres en caractères arabes, 4 titres en arabe-tifinagh, 2 titres en tifinagh uniquement», affirme le rapport.

Mohamed Nait Youssef

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