«La révolution d’octobre»!

Par : Abdeslam  Seddiki

Le Discours prononcé par SM le Roi le 13 octobre à l’occasion de la session parlementaire marquera, à coup sûr, l’avenir proche et lointain du pays. Nous sommes tentés de dire qu’il constitue le début d’une «révolution» qui ne dit pas son nom et qui bouleversera fondamentalement les structures sociopolitiques et socio-économiques du pays. Ce changement prévisible s’est imposé au pays pour rester dans la course  vers le progrès et réaliser les grands desseins que s’est fixé le Souverain dès son accession au trône.

Il faut bien reconnaitre que notre pays a connu des progrès substantiels au cours des deux dernières décennies. Et il faut être myope pour ne pas s’en apercevoir. Mais il faut également admettre qu’il a connu des déconvenues et des échecs dans certains autres domaines. Car l’évolution des processus historiques n’est jamais linéaire. Elle est porteuse de contradictions et accouche de crises périodiques.  Parfois, la crise est salutaire tant qu’elle incite à une remise en cause  d’un certain nombre de paradigmes. En appelant à «reconsidérer notre modèle de développement pour le mettre en phase avec les évolutions que connait le pays»,  il s’agira essentiellement de corriger les dysfonctionnements qui caractérisent la société marocaine dont notamment  un partage inéquitable des fruits de la croissance et une inégalité flagrante des chances.

Ainsi, les pouvoirs publics ont privilégié pendant des années la «croissance» au «développement». Entre ces deux notions, la différence est de taille. Alors que la croissance se mesure par le seul indicateur de la richesse nationale, c’est-à-dire par le Produit Intérieur Brut (global et moyen), le développement a une signification beaucoup plus large et se veut révolutionnaire : il suppose une transformation des structures. C’est «un processus cumulatif socialement maîtrisé et continu de croissance des forces productives, englobant l’ensemble de l’économie et de la population, à la suite de mutations structurelles profondes permettant la mise à jour de forces et de mécanismes internes d’accumulation et de progrès» (Aziz Belal). Il suppose l’élimination  des blocages sociaux, politiques et idéologiques qui l’entravent. Développer un pays ne se limite pas à réaliser des taux de croissance aussi élevés soient-ils. Toute la littérature théorique sur le développement humain avait justement comme objectif de réduire ce hiatus entre croissance et développement.  En définitive, la croissance est une condition nécessaire au développement mais non suffisante.

D’où la nécessité de remettre à plat un certain nombre de programmes à l’œuvre et de voir les choses autrement. Tout doit être vu par rapport à la satisfaction des besoins des citoyens et des priorités du pays.  Limitons-nous à donner quelques exemples sous forme d’interrogations pour illustrer cet état de fait : l’objectif à assigner au Plan Maroc Vert serait d’assurer la sécurité alimentaire ou de drainer des devises au pays ? La priorité serait d’assurer l’eau potable aux citoyens ou d’irriguer des tomates et agrumes pour l’exportation?

Encourager les activités fortement créatrices d’emploi ou les activités hautement capitalistiques ? Développer des services publics de qualité ou inciter le secteur privé ? Quel équilibre entre la production pour le marché local et l’exportation ? Est-il soutenable et raisonnable de continuer à importer plus de la moitié de nos besoins ?  Est-il acceptable que des catégories appartenant aux professions libérales paient un cinquième de ce que paie un enseignant du secondaire en matière de l’IR ? Ou 2% des sociétés qui paient à elles seules 80% de l’IS et 50% déclarent des pertes ? Des exemples peuvent être multipliés à souhait.

Le Maroc est appelé à apporter des solutions appropriées aux problèmes qu’il connait. Nous avons longtemps privilégié le «changement dans la continuité». Cette manière de faire avait certainement des avantages : elle est rassurante, douce et rend le changement facilement digérable. Mais elle a un défaut majeur : elle donne la possibilité aux «passagers clandestins» pour continuer à frauder et ne jamais s’acquitter de leurs devoirs vis-à-vis de la patrie. Les vieilles recettes ont fait leur temps et ont montré leurs limites. L’heure du changement a sonné. Le pays en a besoin pour continuer de respirer: élargir des espaces de liberté, donner la parole au peuple sans le craindre, rendre effective la reddition des comptes à tous les niveaux, mettre tous les acteurs devant leurs responsabilités. Le pays a fait des accumulations quantitatives, il a besoin d’un saut qualitatif.

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