Au cours de cette première séance, présidée par Pr El Moussaoui El Ajlaoui, l’intellectuel Abdellah Saaf a traité du thème « Abdelaziz Belal et les facteurs non économiques du développement, rappelant que l’œuvre complexe par ses matériaux et approches du défunt s’apparente à l’histoire de la pensée au Maroc en général dont les noms se comptent au bout des doigts : Mohammed El Jabiri, Paul Pascon, Abdelkader Khatibi, El Mahdi El Mandjra. Toutefois, A. Belal se démarque du lot par sa référence au socialisme scientifique, sa présence continue à l’université et par sa rigueur et sa capacité en qualité de chercheur très rigoureux et méthodique.
C’était une véritable force calme, dotée d’une grande capacité d’écoute dans ses discussions régulières avec les étudiants et d’une honnêteté intellectuelle exceptionnelle. C’est la raison pour laquelle, il est considéré comme l’un des grands penseurs influents non seulement dans les rangs des étudiants et à l’université, mais également dans la société et parmi les militants.
Abdelaziz Belal avait aussi le mérite d’avoir choisi l’engagement politique de lutter dans les rangs du Parti Communiste Marocain, du PLS et du PPS à un moment où il fallait lutter dans la clandestinité.
Pour ce qui est de son œuvre écrite sur les facteurs non économiques, le défunt n’avait pas pu la compléter comme il le souhaitait. C’est un travail non techniciste car l’auteur croyait fermement en l’action humaine et en la richesse de l’héritage national.
Tout en soutenant que l’infrastructure détermine la superstructure, A. Belal insistait sur le rôle des facteurs politiques, sociaux et culturels dans l’œuvre de développement, précisant par ailleurs le rôle des identités culturelles..
Pour sa part, Pr Abdeslam Seddiki a affirmé avoir eu le privilège d’avoir côtoyé le défunt en tant qu’étudiant et professeur assistant, mais en même temps en tant que militant dans les rangs du PPS et ailleurs.
Il a traité du sujet « Abdelaziz Belal, le modèle de l’intellectuel engagé et le fondateur de l’école économique marocaine » et après un bref retour aux recherches de feu Aziz Belal, il s’est arrêté sur la question que s’était posée un jour le défunt de savoir si la bourgeoisie marocaine est-elle ou n’est-elle pas ? pour répondre à une autre affirmation de l’économiste Habib Malki : « la bourgeoisie marocaine non bourgeoise !. Il a souligné que Pr Belal affirmait toujours que ses réflexions tournaient toujours autour des préoccupations du peuple et qu’il n’y a rien à tirer d’une théorie si elle n’est pas liée à la réalité.
Il a fait savoir aussi que l’homme forçait le respect de tous par sa droiture, sa rigueur et sa discipline, lui qui avait toujours en tête ses rendez vous sans avoir besoin de les noter dans un agenda.
Il était aussi un grand orateur qui attirait de grandes foules et représentait une véritable encyclopédie scientifique en matière de sociologie, de culture et d’histoire.
Il a toujours rejeté le dogmatisme et développé une véritable théorie de l’investissement au Maroc pour mettre fin au pillage des biens du pays et pour l’édification d’une économie nationale souveraine et indépendante, condition sine qua non d’une véritable libération nationale.
Tout en rejetant l’économisme et les tenants de l’économie vulgaire, il estimait que l’investissement national fondé sur les propres capacités intrinsèques est à même d’aboutir à une véritable révolution nationale devant permettre au pays de mettre fin à toute dépendance des centres de domination. Autrement dit, A. Belal avait déjà défini les grandes lignes du Nouveau Modèle de développement dont le pays vient de se doter.
Pour sa part, Pr Moussa Kerzazi a indiqué que le PPS, conscient de l’importance de mettre à la disposition du public et des chercheurs l’œuvre colossale de feu Aziz Belal s’attèle à la collecte de tous les documents.
Traitant du thème « empreintes du rayonnement intellectuel de Abdelaziz Belal », il a rappelé que la disparition tragique et prématurée du Pr Aziz Belal dans un incendie d’hôtel à Chicago où il est parti représenter la commune d’Ain Diab avait choqué tout le monde, surtout que tous les autres membres de la délégation qui l’accompagnaient sont revenus sains et saufs au pays. Et depuis, l’on ne cesse de se poser des questions sans réponse.
Selon Kerzazi, Pr A. Belal exerçait une grande influence sur toute une génération de chercheurs, d’étudiants et de militants de tout bord, ajoutant que son influence va au delà des frontières nationales en Amérique, en Asie et en Afrique (Mozambique, Angola et d’autres) et représentait de ce fait le symbole du sacrifice pour ses compagnons de lutte, ses étudiants, ainsi que pour de nombreux chercheurs et militants progressistes.
Quant au Pr. Fouad Ammor, il a examiné dans sa présentation de « la pensée du développement selon Abdelaziz Belal et de l’école du suivisme à l’école de la construction », tout en rendant hommage à la capacité exceptionnelle d’écoute du Pr A. Belal.
Il dénonçait dans ses analyses les relations de dépendance et d’exploitation par le centre de la périphérie, qui sont à l’origine de la reproduction du sous-développement dans ses différentes manifestations, a indiqué le conférencier.
De ce fait, A. Belal appelait à la création d’une école de l’indépendance et à sa réhabilitation, a rappelé Pr Ammor, tout en mettant en lumière la justesse d’une telle vision qui explique l’échec de la politique d’ouverture ayant abouti au plan d’ajustement structurel aux conséquences catastrophiques sur le pays et les masses populaires.
Après cette phase, les pays du sud avaient connu une autre étape marquée par leur endettement excessif qui dépassait leurs capacités et avait ouvert la voie à l’interventionnisme des puissances industrielles.
Plus tard, l’on est entré dans une troisième phase d’effondrement du mur de Berlin et de la glasnost de Gorbatchev qui ont constitué une véritable rechute et ouvert la voie à la mondialisation envahissante.
Cette dernière, marquée par ce qu’on a appelé le développement durable et durable, a ouvert la voie au néolibéralisme rampant, que la Chine et la Russie tentent actuellement de stopper en se lançant dans des expériences inédites en Afrique, en Asie et en Amérique Latine.
Et il a fallu attendre la crise du Covid pour que les pays se rendent compte de l’importance de préserver leur souveraineté sur tous les plans y compris numérique.