Ouardirhi Abdelaziz
En 2020 le nombre de cas de tuberculose détectés au Maroc était de 29.018, un chiffre qui ne laisse pas insensible, et qui suscite beaucoup d’inquiétude, combien même tous ces cas ont été mis sous traitement grâce aux services spécialisés du ministère de la Santé, qui font un travail remarquable depuis des dizaines et des dizaines d’années, ce qui a permis au Maroc de réaliser de très grandes avancées dans la lutte contre la tuberculose.
Mais la pandémie du Covid-19 est venue chambouler bien des programmes sanitaires, ce qui a entrainé quelques modifications et effets auxquels le département de la Santé tente de faire face.
Une maladie emblématique
La tuberculose est une pathologie emblématique, lourde d’histoire, ayant causé des milliers de morts par le passé, surtout quand il n’y avait pas les moyens nécessaires de diagnostic (radiologie, bacilloscopie), ni les traitements anti-bacillaires.
Les malades tuberculeux étaient envoyés au Senatorium de Bensmim. Depuis, beaucoup de progrès ont été réalisés et la lutte contre la tuberculose a été placée au rang de priorité sanitaire, en particulier depuis 1990 date qui correspond à la réévaluation du programme national de lutte contre la tuberculose, au cours duquel le ministère de la Santé a introduit la stratégie DOST (directly observed treatement short course) dont l’efficacité a été prouvée dans tous les pays où elle a été mise en place.
Mais il faut dire que la tuberculose de nos jours reste désespérément actuelle, puisque notre pays a enregistré 29.018 cas de tuberculose détectés en 2020.
Ce qui a motivé la décision prise par le ministère de la Santé de lancer l’extension du plan stratégique national de prévention et de contrôle de la tuberculose 2021-2023. L’objectif est de réduire le nombre de décès liés à cette maladie de 60% en 2023 par rapport à l’année 2015, où le nombre de décès dus à la tuberculose était de 656
L’épidémie de coronavirus a complètement déstabilisé la donne en ce qui concerne les stratégies sanitaires, les approches préventives et curatives des autres maladies, ce qui a eu pour effet l’émergence de certaines pathologies qui étaient jusque la bien maitrisées.
A titre d’exemple, la pandémie de Covid-19 a représenté une véritable menace pour la lutte anti tuberculeuse à l’échelle mondiale et les modélisations de l’OMS laissent entrevoir qu’il y aurait des centaines de milliers de décès supplémentaires dus à la tuberculose entre 2021 et 2025, en raison de la baisse des performances de détection et des difficultés d’accès aux soins antituberculeux.
La situation dans le monde
On estime qu’à l’échelle mondiale, 10 millions de personnes ont contracté la tuberculose en 2019 : 5,6 millions d’hommes, 3,2 millions de femmes et 1,2 million d’enfants. La tuberculose touche tous les pays et toutes les tranches d’âge.
Par contre ce que l’on ne connait pas très bien, c’est que la tuberculose est l’une des 10 premières causes de mortalité dans le monde. Parmi les maladies dues à un agent infectieux unique, la tuberculose est celle qui est à l’origine du plus grand nombre de décès. Au total, 1,4 million de personnes sont mortes de la tuberculose en 2019.
Selon les statistiques du ministère de la santé le nombre de cas de tuberculose détectés au Maroc en 2020 était de 29.018 cas, le taux d’incidence de la maladie avoisine les 87 cas pour 100.000 habitants,
En 1998 l’incidence de la tuberculose était de 60 nouveaux cas pour 100.000 habitants, et en 2007, cette incidence était de 82 atteintes pour 100.000 habitants.
Quid de la précarité ?
Au Maroc, les études réalisées font ressortir que la tuberculose reste présente dans les grands centres urbains, elle y est, en tout état de cause, plus fréquente.
On constate, par ailleurs, que l’incidence la plus élevée de la maladie se retrouve généralement dans les milieux où sévit une forte précarité.
En effet, le bacille de Koch ou BK, qui est la bactérie responsable de la maladie se plait, se réveille dans des situations de grande précarité, parce que les conditions de vie insalubres, la promiscuité, la malnutrition, le stress abaissent les défenses immunitaires des individus, et par conséquent se sont les plus pauvres qui sont la cible du BK.
Les cas déclarés au Maroc sont, tout d’abord, assez fortement concentrés géographiquement puisque c’est dans les grands centres urbains
La distribution géographique révèle que 5 régions ont totalisé, à elles seules, 58 % des cas de tuberculose notifiés, avec une incidence dépassant la moyenne nationale. Ces régions étaient représentées par le Grand Casablanca, Tanger-Tétouan, RabatSalé-Zemmour-Zaër, Gharb-Chrarda-Beni-Hssen et Fès – Boulemane .
La maladie s’est concentré en milieu urbain et a affecté plus particulièrement les quartiers défavorisés des grandes villes.
Faire preuve de vigilance
Tout cela pour expliquer qu’aujourd’hui, nous ne devons pas baisser la garde, car les chiffres sont parlants, la tuberculose demeure une menace et nous devons faire preuve de vigilance et savoir que le dépistage et le diagnostic précoces de la tuberculose sont deux éléments importants aux cotés du traitement adapté que nécessite cette maladie qui, faut il le rappeler, est guérissable, mais qui peut aussi s’avérer grave avec des risques d’apparition de multirésistances.
C’est dire toute l’importance de la sensibilisation des malades et de leur entourage, sur l’importance du traitement qui doit pris à heures fixes, être suivi et respecté conformément à la prescription médicale.
Il y a aussi lieu d’insister sur l’importance de bien informer sur la tuberculose tant les professionnels de santé que les personnes à risque de tuberculose.