L’Administration publique entre le marteau des difficultés et l’enclume des défis

Il est sans conteste reconnu que l’Administration publique marocaine doit être réformée et modernisée, pour qu’elle puisse remplir pleinement ses missions politique, économique et social. Cette nécessité de remodelage s’impose au vu des difficultés qui perdurent depuis l’indépendance et des défis actuels auxquels fait face cette administration.

Les tares de l’Administration marocaine sont de plusieurs ordres, allant des aspects matériels relatifs aux structures lui permettant d’accomplir ses missions et faire un bon usage des moyens dans le but d’adapter ses structures, et faire face aux mutations de son environnement en perpétuel structuration et déstructuration.

L’Administration publique marocaine concorde avec la bureaucratie Weberienne dans son acception classique. Témoin de cela, une administration fortement centralisée et hiérarchisée, avec des structures administratives nombreuses dont les traits particuliers sont l’anonymat et l’impersonnalité des rapports dans l’administration ou de l’administration avec ses usagers.

Sur un autre registre, cette administration connait un chevauchement des compétences et une centralisation accrue, malgré un processus de déconcentration et de décentralisation entamé à l’aube de l’indépendance; L’administration publique marocaine reste caractérisée par une centralisation accrue, avec l’importance des prérogatives reconnues aux structures centrales ainsi que des pouvoirs discrétionnaires et des moyens qui leurs sont dévolus.  De même la déconcentration, qui n’apporte aucune modification à la structure centralisée, ne participe qu’à un aménagement du pouvoir de décision. Lequel pouvoir déconcentré demeure subordonné à un contrôle hiérarchique, ce qui se répercute nétivement sur l’efficacité des Administrations publiques.

En outre,   la masse salariale de l’administration marocaine représente une autre entrave à sa réforme .Dans la mesure où une part conséquente de ses ressources sont consacrées à la rémunération de ses fonctionnaires au détriment du développement des investissements publics. Pire encore, ces les milliers de fonctionnaires dont le rendement n’est pas sujet d’évaluation dans l’écrasante majorité des cas, pour que cette évaluation se limite à une ancienneté en termes d’années de service et les fonctionnaires touchent leurs salaires selon leur grade de manière égale indépendamment de leurs résultats, de leur discipline et leur persévérance. Il s’agit d’une injustice frappante qui renforce les personnes qui se cachent dans le bureau, pour garantir un morceau de pain pérenne, et qui décourage au même titre les compétences ambitieuses qui ne se voient pas s’octroyer un plan de carrière digne de leur abnégation.

Par voie de conséquence, l’une des tâches de l’administration marocaine réside dans la maîtrise de la masse salariale, des initiatives ont été lancées dans ce sens à l’image de la campagne des départs volontaires, et qui n’a fait que vider les rouages de l’administration des compétences chevronnées, chose qui interpelle à concevoir une nouvelle façon pour absorber ladite masse.

De point de vue culturel, S’il  existe une problématique partagée par l’ensemble des administrations publique de par le monde, c’est bien celle  de l’éthique. En effet, des maux tels que la corruption, le trafic d’influence, la concussion ou encore l’abus de pouvoir sont présents, à des degrés divers, dans toutes les administrations publiques. Et sont considérés comme des pratiques contraires à l’éthique.

L’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication  a eu un impact considérable sur le fonctionnement des administrations publiques par le biais de l’instauration de la  « E-administration » ou encore la « E-government ». Toutefois, ces technologies se trouvent confrontés à plusieurs embûches, qui pénètrent négativement l’essence du  service public. En effet, Nous ne saurons imaginer comment un citoyen analphabète vivant dans une zone rurale caractérisée par l’absence d’infrastructures de base pourrait prétendre utiliser l’outil informatique en particulier internet comme moyen pour se rapprocher de l’administration. L’ « E-administration » pourrait donc être  non pas une source d’efficacité de l’administration mais plutôt une source d’inégalité et de discrimination quant à l’accès au service public.

Il en est de même pour les coûts relatifs à l’acquisition des équipements nécessaires et ceux relatifs à l’’accès  et la maîtrise de ses outils tant par les acteurs publics que par les citoyens. Or, nul ne peut remettre en question la nécessité d’une adaptation technologique de l’administration publique, mais en phasage avec la réalité sociale et géographique des citoyens.

Point sur un autre défi de l’administration publique marocaine, et nous notons à ce niveaula notion de la gouvernance,qui renvoie à l’idée d’une administration performante dans l’accomplissement de ses missions d’intérêt général. En d’autres termes, il s’agit  de qualifier l’administration pour se recentrer sur ses missions stratégiques liées à la conception, l’élaboration et  l’évaluation des politiques publiques, en plein respect du quadruplet au cœur de la gouvernance à savoir, la transparence, la participation, l’Etat de droit et la responsabilité.

Somme toute, comme nous pouvons le constater à travers les difficultés structurels, culturels et les défis auxquels font face l’administration publique marocaine, le thème de la modernisation  de l’administration publique comme l’ont déjà si bien souligné plusieurs chercheurs, est une question ouverte, permanente. L’administration publique en tant qu’organisation humaine et sociale insérée dans un environnement est appelée à se restructurer en fonction des changements s’opérant en elle et autour d’elle. Ceci en gardant en ligne de mire sa raison d’être au sein de son environnement.  Il est de plus en plus demandé à l’administration d’être performante, de fournir des résultats dans l’accomplissement de ses missions d’intérêt général. Il va sans dire alors que les règles traditionnelles de gestion administrative, immuables pendant de longues années, sont inadaptées aux nouvelles exigences de la modernité.

Amine Sennouni

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