Passé le côté passionnel, il faut bien se rendre à l’évidence. Je fais partie de ceux qui pensent que le locataire actuel de la Maison blanche (espérons pas pour longtemps) a réussi une formidable opération de diversion avec l’annonce du transfert de l’ambassade de son pays à Alkods. Pur produit de la culture du bluff en vogue dans le showbiz dont il est issu, il a trouvé dans les médias sociaux le prolongement de cette pratique de l’occupation de l’espace sémantique par du «bruit», au sens que lui donnent les spécialistes de la communication. Faire du buzz, en termes d’aujourd’hui.
A coup de tweets il mène la danse médiatique. Au détriment de la pratique classique de la politique. Est-ce que vous savez que ce qui tient lieu du ministère des affaires étrangères de la première puissance mondiale à savoir le département d’Etat non seulement ne sait plus où donner de la tête mais est condamné quasiment au chômage technique. Le détenteur actuel du poste est, dit-on, sur le départ. Fatigué de faire de la figuration. «Trump s’inscrit ainsi dans une lignée de personnages étonnants, dont le succès fut toujours lié à des moyens de communication de masse : la presse d’abord, puis la radio; la télévision hier, les réseaux sociaux aujourd’hui» écrit un observateur de la vie politique américaine. Il est l’incarnation jusqu’à la caricature d’un personnage du XXIème siècle.
Si beaucoup y trouvent leur compte, notamment les lobbies qui l’ont fait élire, les classes dominantes dans certains régimes conservateurs ; il n’en demeure pas moins qu’il a mis le monde sur la pente d’un désordre international aux conséquences imprévisibles.
Pendant ce temps là, en parallèle à cette diversion, un autre désordre est en train de se mettre en place au sein de cette Amérique qui génère dans un même mouvement désir et haine ; fascination et rejet. Dans le secteur qui a fait sa séduction planétaire, le cinéma, et suite à l’affaire Weinstein, des mutations sont en cours qui sont une véritable révolution. Il y a quelques temps, le Maroc et certains pays musulmans ont été au cœur d’une polémique suite à l’affaire Exodus, le film de Ridley Scott : au Maroc, le film a été retiré des salles ; puis remis en circulation après à une légère coupe…qu’est ce qu’on n’a pas entendu alors sur la liberté de création; le droit d’un film à son intégrité…
Aujourd’hui, le même Ridley Scott prépare la sortie de son nouveau film, Tout l’argent du monde (grandiose sortie mondiale prévue pour les fêtes de fin d’année). Et bien ce film est en train de subir un nettoyage en règle! because? Il faut supprimer toue trace de son comédien phare Kevin Spacey! Celui-ci a été coupé au montage, purgé numériquement des plans où il apparaissait et suppléé à l’image par Christophe Plummer. Tout cela a été mené en vitesse pour ne pas nuire au calendrier de distribution commerciale du film. Cet acharnement contre le comédien du film culte des cinéphiles Usual suspects intervient dès le lendemain d’un déluge d’accusations d’agressions sexuelles visant Kevin Spacey.
Cela ne se limite pas d’ailleurs au seul film de Ridley Scott, tout le cinéma américain vit des purges et des révisons déchirantes allant parfois jusqu’à revoir l’aura dont jouissent certaines œuvres à la lumière des révélations concernant la vie intime de leurs auteurs. Le retour à un ordre moral qui réveille des réflexes de censure et d’autocensure. Une partie de l’intelligentsia américaine s’inquiète avec raison de cet essor exacerbé du moralisme, version soft du maccarthysme. Les black listes sont déjà ouvertes.