Le financement de l’entreprenariat

Par : Abdeslam Seddiki

Parmi les freins à l’investissement, la question du financement vient en premier lieu notamment pour les petites entreprises et les jeunes qui se lancent pour la première fois dans l’aventure de l’entreprenariat. Il a fallu attendre le discours du Roi lors de l’ouverture de la dernière session parlementaire  dans lequel le Souverain a exhorté le secteur bancaire à s’engager en faveur de l’entreprise pour assister à une nouvelle dynamique qui n’a pas tardé à donner ses fruits. Désormais, le verrou du financement est levé. Les mesures annoncées récemment d’une façon officielle et solennelle nous laissent penser qu’une nouvelle phase est ouverte  pour l’avenir.

Ainsi, ce sont 8 milliards de DH qui viennent d’être éjectés dans le compte d’affectation spéciale créé dans le cadre de la loi de finances 2020 dénommé «Fonds d’appui au financement de l’entreprenariat».  Le secteur bancaire et le budget y contribuent à hauteur de 3MM DH chacun, le Fonds Hassan II pour le Développement Economique et Social  mobilise un complément de 2 MM DH. Ces crédits répartis sur une période de 3 ans, seront octroyés à des conditions extrêmement avantageuses avec des taux d’intérêt ne dépassant pas 2%, voire beaucoup moins pour le monde rural (1,75%).  Y sont éligibles : les jeunes porteurs de projets, les PME, les entreprises exerçant dans l’informel qui souhaitent s’intégrer dans le secteur formel.

Outre ces incitations financières, d’autres mesures non moins importantes sont prévues : simplification des procédures, facilitation des garanties en éliminant les garanties personnelles, création de commissions régionales sous l’égide des CRI pour assurer le suivi des projets et procéder régulièrement à l’évaluation.  En somme, toutes les précautions sont prises pour éviter les erreurs ayant conduit à l’échec du programme «Moukawalati» de triste mémoire ! Il est à rappeler, en effet, que d’après  une étude d’évaluation de ce programme, effectuée par le Ministère de l’Emploi,  la raison fondamentale de l’échec réside justement dans l’absence des mécanismes d’accompagnement et d’évaluation. Deux propositions phare ont été formulées par ladite étude : donner la priorité aux jeunes  ayant déjà passé quelques années en tant que salariés dans une entreprise ; responsabiliser les grandes entreprises à accompagner les jeunes promoteurs notamment au niveau de l’accès au marché. La présence de la CGEM au sein des commissions régionales  va certainement  faciliter  la tâche aux  grandes entreprises pour jouer ce rôle pédagogique  et d’encadrement.

Il est prévu également que ce programme  intéresserait l’accompagnement de 13500 entreprises supplémentaires et  contribuerait à la création annuelle de 25000 emplois.  Mais au-delà de ces effets mesurables  qui sont au demeurant d’une grande importance, il y a lieu de voir l’impact global de ce programme s’il est bien  mené, comme prévu, à son terme.

Tout d’abord, il aura un impact sur le comportement des acteurs, en premier lieu sur le secteur bancaire qui sera sollicité à être présent sur le terrain au lieu de se contenter du rôle d’intermédiation.

Ensuite,  il impactera   la jeunesse marocaine en lui insufflant une dose d’espoir  pour qu’elle puisse, enfin,  croire qu’il sera possible de  passer de l’idée (d’entreprendre) à la concrétisation. En effet, les études effectuées par le GEM (Global Entrepreneurship Monitor) dépendant de l’Université Hassan II de Casablanca ont montré que la jeunesse marocaine dispose d’un grand potentiel en matière d’entreprenariat mais elle rencontre des obstacles pour passer à l’action par peur d’échouer. D’ailleurs,  à peine 6 à 7% des jeunes qui pensent se lancer dans l’entreprenariat concrétisent leur rêve.  C’est dire  que l’esprit d’entreprendre est présent, il faut simplement le concrétiser et lui créer des conditions favorables à son épanouissement.

Enfin,  l’impact le plus important  est celui qui traverse la société dans son ensemble  et entraine des transformations de structure  y compris sur notre système éducatif qui ne donne qu’une place marginale à l’enseignement de l’entreprenariat.  Le changement souhaité ne peut  se produire sans l’implication de notre système éducatif appelé à  changer de fond en comble ses méthodes pédagogiques à tous les niveaux  du préscolaire au supérieur.  Il s’agit d’inciter l’apprenant à la créativité,  de  cultiver  en lui l’amour du travail, l’esprit critique,  la responsabilité,  la confiance en soi,  la volonté de transformer une difficulté en opportunité, le refus de la résignation…

Ces mesures prises en faveur de l’entreprenariat dont on ne décrira  jamais assez tous  les bienfaits  appellent un assainissement du paysage économique en le débarrassant des positions de rente et des droits acquis. La transparence doit être de mise et les règles, une fois arrêtées,  doivent s’appliquer à tous.  «Quand on veut, on peut» : on vient d’en avoir la confirmation à travers ces mesures pertinences et ambitieuses.

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