Le Kirghizistan à l’heure de la révolution?

Nabil El Bousaadi

Le Kirghizistan, ce pays montagneux d’Asie centrale, d’un peu plus de 6 millions d’habitants, se  trouvant sur le trajet de l’ancienne route commerciale reliant l’Asie à l’Europe dite «route de la soie», a vécu dimanche dernier, à l’heure d’élections législatives malheureusement ternies par des accusations de fraude après que les deux partis proches du pouvoir aient été déclarés vainqueurs.

Mais même si ces allégations suscitent une «sérieuse inquiétude» quant à l’existence d’un éventuel «commerce des voix» qui aurait bénéficié aux partis qui soutiennent le chef de l’Etat, Thomas Boserup, le chef de la mission des observateurs dépêchée, à l’occasion, par l’Organisation de la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), a jugé que le scrutin de ce dimanche s’était «bien déroulé dans l’ensemble».

Or, ce n’est point-là l’avis des électeurs kirghizes qui, non contents de formuler leur rejet du scrutin par la seule dénonciation de ses résultats, seraient immédiatement descendus dans les rues de la capitale pour signifier leur désapprobation à telle enseigne que lundi, au moins 120 personnes – dont la moitié seraient issues des rangs des forces de l’ordre – avaient dû être hospitalisées à la suite des heurts qui avaient opposés les manifestants ayant répondu à l’appel lancé par les cinq partis politiques ayant échoué à atteindre le seuil de 7% qui leur aurait permis d’entrer au Parlement, à des forces de police contraintes de faire usage de grenades assourdissantes et de bombes lacrymogène pour les disperser. Selon un communiqué du ministère kirghiz de la Santé, un manifestant décèdera des suites de ses blessures.

Dans la nuit de lundi à mardi, ce sont plusieurs centaines de protestataires qui prirent d’assaut des bâtiments officiels du pouvoir dont le siège du gouvernement, surnommé «La Maison Blanche», et saccagèrent de nombreux bureaux sans, toutefois, que les gardiens des lieux ne leur opposent aucune résistance.

Après avoir réclamé la démission du président Sooronbay Jeenbekov, 61 ans, élus en 2017, et la tenue de nouvelles élections, les manifestants se sont dirigés, dans la matinée, vers le bâtiment du Comité pour la Sécurité Nationale où était incarcéré l’ancien président Almazbek Atambaïev condamné à onze années d’emprisonnement. N’ayant rencontré aucune résistance de la part des gardiens des lieux, ils feront sortir, sans heurts, l’illustre prisonnier de sa cellule; ce que confirmera, aux correspondants de l’AFP, Adil Turdukuov, un partisan de l’ancien président qui a assisté à la scène.

L’autre confirmation sera donnée par l’actuel président Sooronbaï Jeenbekov lui-même lorsqu’il déclarera «contrôler la situation (…) avoir pris toutes les mesures requises pour empêcher son aggravation (…) et ordonné aux forces de l’ordre de ne pas ouvrir le feu et de ne pas faire couler de sang».

Ainsi, bien que le chaos qui semble régner au Kirghizistan et la crise qu’il traverse, aujourd’hui, laissent supposer que le pays soit en train de vivre une profonde révolution, le président Sooronbay Jeenbekov, confiant que «les forces politiques vont placer l’intérêt du pays au-dessus des leurs», a laissé entendre qu’il se serait plié aux injonctions des manifestants lorsqu’il a déclaré que les résultats des élections, à l’origine des heurts, pourraient être revus et qu’il se tient prêt à rencontrer les dirigeants des seize partis ayant participé aux élections pour en discuter.

L’organisation d’un nouveau scrutin parviendra-t-elle à ramener la paix et la concorde dans le pays ? Rien, pour l’heure, ne permettrait d’en douter mais attendons pour voir…

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