Le nouveau recueil de Loubaba Laalej

«Pensées vagabondes»

Par :M’barek Housni

Elle persévère et signe. Car l’écriture lui colle à la peau, une présence en mots qui l’annonce au monde. Et parce qu’elle est hantée par l’art, cette image authentique d’elle-même.

L’inéluctable choix de vie, choix décidé par elle, décidé pour elle. Entre ces deux continents, le courant passe avec cette aisance acquise, sans que cela soit teinté de facilité. Penchée sur la feuille, debout face à un chevalet, elle est dans l’univers éloigné et intérieur de la création.

On a eu l’occasion heureuse d’approcher la féerie colorée et foisonnante de ses tableaux, là ce sont ses poèmes qui nous interpellent, et ça  sonne comme un redoublement affirmatif de ce qu’on a pu apprécier auparavant dans son précédent recueil «Fragments». Il ne s’agit nullement cette fois de fragments, mais d’un vagabondage, haut et spirituel, par le biais des vers, même si la même veine les inspire, les provoque et leur donne cet effet stimulateur du plaisir de lecture, un  vol vers des contrées où l’on goutte aux sources célestes. Prenons des exemples qui signifient, quelques poignées de citations poétiques qui ont cet élan évocateur du mystère de la vie. «J’entre dans l’imaginaire imaginé et je crée l’errance voulue».

Voilà, il s’agit donc d’une errance préméditée comme une sentence décrétée pour soi-même à soi-même via un imaginaire lui-même imaginé !  Ces «pensées vagabondes» promettent bien des surprises plaisantes et, dans un même élan,  fort suggestives. Il faut posséder l’audace créative d’une poétesse bien versée dans l’invention des phrases tranchantes pour écrire un tel aveu.

En voilà une autre, dans un autre registre. «Elle ne retrouva plus ses clés, laissa sa porte ouverte, puis partit se coucher». Tout le mystère de l’existence réside dans ce bref étal poétique qui a l’attrait d’une confession arrachée à la nuit.

Cette femme entrevue ici, est-elle à l’intérieur ? Est-elle ailleurs ? Et cette porte ouverte ? Et cette clé introuvable ? Aucune réponse n’est nécessaire, les mots suffisent, car l’image est tellement forte conjuguée à une enveloppe narrative restituant l’image dont il est question avec les faits racontés avec une brièveté tranchante. On voit à la fois la femme, la porte, la clé et les pas.

Le critique Hassan Lghdache l’a si bien noté : «Ainsi, l’artiste écrivaine  oscille entre le dedans et le dehors, l’ici et l’ailleurs, oscillation inhérente à l’esprit aventureux. Il s’agit avant tout d’épouser le mouvement de la vie, se porter aux limites même de son existence car l’écriture est le seul véhicule qui permet à la pensée de s’installer dans l’intimité même de l’être».

Ce face-à-face, relevé comme défi par la poétesse, est l’un des passages les plus marquants de ce nouveau recueil qui regorge d’autres thèmes et cible bien des sujets qui touche l’artiste poète Loubaba Laalej au fond de sa sensibilité aiguisée par la vue du monde. Un monde dont elle exprime par un détour langagier l’emplacement hésitant, fluctuant, et néanmoins si réel dans sa réalité effarante et cachée à la fois.

Elle écrit/ déclame: «Quel magnifique tableau entre ombre et lumière !». C’est l’entre-deux papillotant que Loubaba, cet artiste jusqu’au bout de son être, avec son élégance inégalable, ses chapeaux et ses robes  d’une dame nourrie et par la noblesse de Fès et la modernité des beaux quartiers de ce Paris des rêves. Aragon n’est pas loin.

Qu’il est beau de vagabonder en poésie.

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