Le «Photojournaliste», piment de la presse

La «Photographie de Presse» sous l’œil du Ministère de la Communication

Le ministère de la Communication a organisé, le jeudi 16 février, à l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication (ISIC), une rencontre pour discuter de la place de la photographie dans la presse marocaine.

Après le mot d’ouverture de la ministre de la Communication et Porte-parole du gouvernement, Bassima Hakkaoui, un panel d’intervenants pesants dont Noureddine Miftah, président de la Fédération Marocaine des Editeurs de Journaux (FMEJ), et Abdallah Bakkali, président du Syndicat National de la Presse Marocaine (SNPM), ont avancé, dans une atmosphère chaleureuse, leurs regards respectifs sur le sujet abordé sous le thème : «Photojournalisme : réalité de la profession et ses perspectives».

«Il est impératif aujourd’hui de donner son importance à la profession de photojournaliste». C’est sur ces mots qu’ont été ouvertes cette rencontre et la première séance à laquelle ont pris part différents acteurs de la presse marocaine.

Partant d’un constat négatif que justifie la position d’infériorité du photojournaliste dans le paysage médiatique nationale, cette manifestation a porté comme objectif la revalorisation de cette profession. Ainsi le ministère de tutelle a cherché par cette initiative à sensibiliser tous les acteurs du rôle primordial de la photographie, et par conséquent, du photojournaliste, dans l’exercice de la presse.

_KIL5643C’est dans ce sens que M. Bakkali a appelé le gouvernement à veiller à la protection de cette profession et insisté par la même occasion à subventionner le secteur et instaurer une politique de «formation continue» pour une meilleure adaptation aux défis des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC). Le président de la SNPM n’a aussi pas manqué de rappeler que «le photojournalisme est une profession et il faudra que les institutions en soient conscientes».

PH MACAO ) (3)Propos appuyé par M. Miftah, qui n’a pas maqué de rappeler que «le statut du photojournaliste était bien meilleur que celui du journaliste».

Après avoir brossé lors de la séance d’ouverture l’état des lieux et les défis auxquels sont confrontés les photojournalistes et la photographie de presse face au texte, une deuxième séance, présidée cette fois-ci par M. El Hassan Lemallem, directeur de L’Ecole des Sciences de l’Information (ESI), s’est ouverte sur trois thèmes : «La photo de presse au Maroc : les moyens et les outils de son amélioration», abordé par Jaâfar Akil, photojournaliste et professeur à l’ISIC, «Les conditions de réussite de la photographie de presse», exposé par son collègue, le professeur Moulim Laaroussi, puis, le troisième et dernier thème, «Le photojournalisme au Maroc et son rôle dans la valorisation du contenu du journal » explicité par M. Abdelwahab Errami, professeur à l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts.

PH MACAO ) (4)Pour M. Akil, il a été question de mettre l’exergue sur les avantages et les inconvénients qui découlent de cette profession. Parmi les avantages, il a souligné le nombre ascendants des photojournalistes au Maroc, la diversité des genres photographiques qui offrent une multiplicité de choix quant à la question de l’usage et de l’exploitation par les supports de presse, puis, et surtout, la reconnaissance du statut professionnel du photojournaliste. Après  quoi, il s’est penché sur quelques inconvénients qui amoindrissent la valeur de la photographie de presse qui jouit de son propre jargon. Faisant par là allusion à la non prise en considération de la «rectitude photojournalistique», signifiant dans ce cas, la négligence de la valeur artistique même de la photographie. D’où l’importance de s’assurer des côtés «technique», «esthétique» et «éthique», qui doivent normalement épouser la conscience avant comme après la prise de la photographie. Ce qui induit la nécessité de réviser ses prises par le photojournaliste ! Ce qui permettra à sa photographie d’assurer le passage de la photo «enregistrée» à la photo qui « s’exprime ». Cela dit, M. Akil a encouragé toute initiative de création d’agences de photographies dédiées à la presse.

La photographie est un art

PH MACAO ) (5)Dans sa prise de parole sur le thème «Les conditions de réussite de la photographie de presse», M. Laaroussi a opté pour une approche historico-philosophique pour expliciter la valeur artistique de la photographie et faire l’éloge du photojournaliste dans une tentative de rendre à César ce qu’on lui a ôté. D’après lui, «l’Histoire a tellement sacralisé l’écriture que la photographie s’est vu presque refoulée». Et de rajouter : «Dans la mesure où la photographie est à la base une écriture, le photojournaliste est donc un écrivain avec la lumière, ce qui lui octroie la qualité d’un artiste».

Cela dit, le Docteur en philosophie, a insisté sur la nécessité du photojournaliste à s’ouvrir sur plusieurs domaines, car la polyvalence dans le savoir, accentue et élargit son œil d’expert quant à la tâche qui lui échoit.

Secrétariat de rédaction et photographie

PH MACAO ) (6)Le professeur Errami a mis l’accent à travers le thème «Le photojournalisme au Maroc et son rôle dans la valorisation du contenu du journal», sur le déploiement d’un effort de communication entre le secrétariat de rédaction et la photographie qui est plus que nécessaire. Le but de cette démarche mènera, selon le critique d’art qu’il est, à une meilleure appréhension du message de la photo et par conséquent une meilleure adéquation avec le contenu du texte : car si la connotation de l’image reflète peu ou pas la portée sémantique et pragmatique même du texte, cela risquerait de faire perdre au texte la valeur souhaitée et l’impact qu’il est censé opérer chez le lecteur. Raison pour laquelle, il serait judicieux d’adopter une classification préalable des genres de la photographie dans un souci de pertinence dans le choix.

PH MACAO ) (5)Cependant, M. Errami n’a pas manqué de rappeler que «le journal n’est pas la télévision et qu’il devient inadmissible de le l’encombrer de photos». Surtout que certains types d’articles journalistiques tels le billet ou la chronique, n’acceptent pas d’être accompagnés d’une photo, cette dernière pouvant entraver leur message réel, voire son authenticité même !

Et pour clore, le professeur a mis le point sur l’approche Genre dans l’exercice de cette profession qui n’encourage toujours pas assez les journalistes photographes femmes à y accéder. Ce qui sera indéniablement d’un grand apport à cette profession au Maroc.

Prix national de la Photographie

Parmi les points essentiels abordés durant cette rencontre qui, rappelons-le, est un soutien moral aux photojournalistes, figure celui du Prix national de la Photographie. Ce Prix qui, selon les responsables, doit voir ses critères revisitées pour que la participation soit plus significative en termes de qualité. Dans ce sens, il a été déclaré par M. Noureddine Miftah, président de la FMEJ, quelques propositions qui pourraient augmenter la compétitivité de ce Prix pour le valoriser davantage, notamment au niveau du nombre de photos soumises à compétition par chaque photojournaliste. Car cela permettra d’avoir un corpus de photos, ce qui offrira une matière riche pour le Jury en vue de consacrer les plus méritants.

Et…la parole aux photojournalistes

PH MACAO ) (7)Cette rencontre était un hommage effectif aux photojournalistes, pièce maitresse du paysage médiatique marocain. C’est pourquoi il a été l’occasion pour ces derniers de s’exprimer devant les responsables du secteur de la presse et des parties concernées, afin de poser le doigt sur les plaies qui entravent la bonne marche de secteur, aujourd’hui en pleine mutation. Un droit qui leur a été bel et bien et enfin octroyé. C’est ainsi qu’ont été attentivement appréciées plusieurs déclarations et anecdotes tirées de l’expérience de certains photojournalistes qui ont, à travers leurs discours respectifs, manifesté leur amour pour la profession qui nourrit plus leur âme qu’autre chose ! Espérons donc un meilleur avenir pour cette profession que le ministère de la Communication, avec la participation de l’ISIC, ont tenté de défricher pour la remettre sur son piédestal et l’ancrer davantage dans son éthique et sa déontologie.

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Entretien avec Bassima Hakkaoui,

ministre de la Communication et Porte-parole du gouvernement

_KIL5966 Interview« Nous aspirons aujourd’hui à une reconsidération de la place du photojournaliste dans le paysage médiatique marocain. »

Comment vous est venue l’idée de cette initiative?

Il faut dire qu’après une révision de la situation générale du «photojournaliste» dans le paysage médiatique marocain, il vous sera très clair que la profession a perdu sa valeur d’antan. Plus grave encore, en ce sens que la profession se voit de plus en plus relégué au second plan par le secteur même qui l’abrite. D’où la nécessité de se pencher sur cette question pour la penser, d’une part, scientifiquement par des experts en la matière, et d’autre part, dans la perspective d’asseoir un cadre adéquat pour l’exercice de cette profession sans laquelle la presse et les médias en général seraient orphelins.

Quelles mesures seraient porteuses du changement souhaité de la situation professionnelle défavorable que vit le «photojournaliste» au Maroc?

Il est clair que le changement ne se fera pas seulement par le théorique. Ce dont le secteur a besoin aujourd’hui pour ressusciter l’image qu’il portait auparavant et faire revaloir l’importance du photojournaliste dans son support respectif et dans la psyché des professionnels des médias, est une réglementation effective. La loi rendra à César ce que le temps lui a subtilisé à savoir, sa réputation.

Quid du Grand Prix de la Presse, en parlant de la section «Photographie de presse»?

Nul ne peut nier l’importance de ce Prix. Les consécrations font l’objet d’une reconnaissance à un effort personnel des gagnants et cela ne peut que les réjouir et nous avec. Mais ce à quoi nous aspirons aujourd’hui surpasse ce stade, dans la mesure où il est temps d’octroyer davantage de place à la profession elle-même de sorte à reconsidérer unanimement les photojournalistes; cette entreprise étant le but même de cet rencontre qui se veut une occasion pour rendre hommage à ceux qui enjolivent le paysage médiatique marocain.

Ahmed Mesk

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