Les pistes indispensables pour engager la réforme du code la famille

Conférence conjointe du FPE et OSFI

La réforme du code de la famille requiert une vision moderniste qui répond aux mutations socio-économiques de la société marocaine et respecte les engagements du Royaume en matière des droits de l’Homme à l’échelle internationale, ont souligné les participants à la conférence-conjointe, organisée mercredi 20 décembre 2023 à Casablanca, par le Forum Parité et Egalité (FPE) et  l’Organisation Socialiste des Femmes Ittihadies (OSFI).

Il va sans dire que cette rencontre, inscrite dans le cadre du rapprochement du Parti du Progrès et du Socialisme et l’Union Socialiste du Forces Populaires (USFP) vise à contribuer à l’enrichissement du débat social autour de ce chantier national et se positionner en tant que force de proposition, a souligné Rachid Roukbane,  membre du Bureau politique du Parti du Livre, qui a modéré le premier panel.

Rehausser le seuil des réformes

Même son de cloche, chez Charafat  Afailal, présidente du FPE, qui a mis l’accent dans son discours d’ouverture sur la nécessité de rehausser le seuil des réformes afin de se conformer aux dispositions constitutionnelles et les traités internationaux ratifiés par le Maroc en vue d’élaborer des politiques publiques justes et équitables. L’enjeu, a-t-elle poursuivi, est celui de poser les jalons d’un Maroc plus moderne tout en veillant à s’approprier l’esprit de la Constitution 2011. « On ne veut pas seulement apporter des retouches au texte de loi mais on aspire à une réforme plus audacieuse dans le dessein de bâtir un Maroc, plus intégré  dans son environnement international».

Une vision partagée par Hanane Rihab, Secrétaire générale de l’OSF, qui, pour sa part, a mis l’accent dans son allocution sur la nécessité d’entamer une réforme qui s’inspire des valeurs de gauche et de la citoyenneté tout en privilégiant l’intérêt de la famille.

Prenant la parole, Meriem Jamal idrissi,  avocate au barreau de Casablanca, a appelé dans son intervention à l’abrogation de l’article 400 du code de la famille qui a une connotation religieuse,  limitant le pouvoir du juge en matière de la jurisprudence. « Il s’agit d’un article qui ne prend point en considération les besoins actuelles de la famille et dévalorise le rôle de la femme, a-t-elle noté en substance.  L’avocate a également relevé l’article 283 du code de la famille qui contient des dispositions aberrantes quand il s’agit du testament ou en encore en ce qui concerne le droit de succession, étant donné qu’il n’existe point dans le texte coranique des versets « Jus cogens».

De son côté, Loubna-Sghiri, avocate au barreau de Casablanca,  a axé son intervention sur les lacunes de la loi en vigueur aussi bien au niveau de la pension alimentaire que la tutelle légale. Pour elle, l’application des articles concernant la pension alimentaire sont très compliqués, citant dans ce sens le problème de la procédure de la notification personnelle qui implique la remise de la convocation à l’époux. Abordant dans le même ordre d’idées, elle a fait également allusion aux  difficultés de l’application de  l’article 191 portant sur les moyens d’exécution du jugement de condamnation à la pension alimentaire et l’article 202 concernant les dispositions relatives à l’abandon de la famille.

Contrer le mariage des mineures

Dans le deuxième panel de cette rencontre, qui s’est déroulé sous la modération de Mehdi Mezouari, membre du Bureau politique de l’USFP,  Nadia Touhami, députée du PPS et vice-présidente de la chambre des représentants, a évoqué la question du mariage des mineures, une exception qui a été érigée en règle. Chiffres à l’appui, la conférencière a mis l’accent sur les statistiques qui montrent la prolifération vertigineuse de ce type de mariage, selon une étude éditée par le ministère public.

En fait, l’étude dévoile que le pourcentage des mariages des filles mineures par rapport au total des actes conclus entre 2004 et 2019 varient entre 99,11% et 53,7%. Cependant, ce pourcentage  ne s’élève qu’à 1% chez les garçons, a-t-elle, fait remarquer.

 Pour elle, le législateur doit impérativement faire face à ce phénomène en légiférant une loi contenant des dispositions plus draconiennes. Qui plus est, elle a mis l’accent sur la nécessité de la réforme de la procédure de la réconciliation afin de contrer l’hémorragie de divorces. 

Un code de la famille discriminatoire…

Sur un autre registre,  Souad Bennour,  Professeure de l’enseignement supérieur à la faculté Ain-Chok à Casablanca, s’est penchée sur la question de la parenté dans le code de la famille et l’entêtement des fouqahas, qui rejettent toute tentative d’herméneutique des textes religieux. Autrement dit, l’actuel code de la famille s’inscrit aux antipodes de la Constitution marocaine qui dispose dans l’article 32 que l’Etat assure  une égale protection juridique et une égale considération sociale et morale à tous les enfants, abstraction faite de leur situation familiale.                             

« Or, malheureusement, ce n’est plus le cas dans la réalité », a-t-elle assené.  La professeure a, en outre, relevé les dispositions discriminatoires du code de la famille à l’égard de la femme, particulièrement dans l’article 148 qui dispose que lorsque l’enfant est illégitime, le père n’assume aucun des effets de la filiation. »

Par ailleurs, Fatima-Zahra Barrassat, chercheure en droits de l’Homme a consacré son exposé à la question du droit de garde et de tutelle.  Ainsi, elle a pointé du doigt les faiblesses de loi qui limite ce droit en cas du remariage de la femme divorcée avec une autre personne ayant une affiliation religieuse différente. Bref, le législateur a mis le père et la mère sur le même pied d’égalité sauf dans le cas où les liens conjugaux subsistent. « Une règle synonyme de discrimination à l’ égard de la femme », a-t-elle déclaré avec insistance.   Idem en ce qui concerne le cas où elle veut faire voyager l’enfant en dehors du Maroc, étant donné qu’elle a besoin du consentement du représentant légal….

Cela étant, toute réforme du code de la famille, en bonne et due forme, doit prendre en considération l’intérêt suprême de l’enfant, a-t-elle conclu. 

Khalid Darfaf

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