«Nour est un personnage problématique et complexe»

 Rencontre avec l’acteur marocain, Ayoub Gretaa 

Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef

«La mer au loin» de Saïd Hamich Benlarbi est un film sur l’exil, l’exil intérieur, le déracinement, le déplacement et la quête de soi. Ce mélodrame projeté dans le cadre de la compétition de la 21ème édition du festival international du film de Marrakech, tourne autour de l’identité, de l’altérité, mais aussi de la mélancolie. De Oujda à Marseille, Nour, incarné par le talentueux Ayoub Gretaa, a traversé les vagues agitées d’un vécu complexe où l’exil, et l’altérité changent les sorts des personnages ayant tout laissé derrière leurs dos.  «La mer au loin » raconte des vies par des images, des lumières et des chansons. Le mal de mer, tel que l’on le voit dans une séquence du film, lorsque Nour était de retour à ville natale, Oujda, après une longue absence, témoigne de cette douleur profonde, insaisissable peut-être, mais qui se dégage des yeux de chaque personnage. De Oujda à Marseille, Nour cherche une place au soleil. Son vécu n’était pas facile, mais la mer console, panse les plaies, concrétise rêves et enterre des vies. C’est le lieu de tous les drames et les aspirations. Rencontre avec l’acteur Ayoub Gretaa.

Al Bayane : par le prisme de la lumière contrastée, les plans rapprochés,  Saïd Hamich Benlarbi a pu saisir le regard puissant et le jeu juste des personnages en travaillant sur leur façon de regarder et   d’agir dans le film. Parlez-nous de cette collaboration  avec le réalisateur qui vous a confié un rôle qui n’est pas assez facile ?

Ayoub Gretaa : Au début, je ne connaissais pas Saïd Hamich Benlarbi, je ne connaissais pas sa méthode. Il a parlé à des gens, et ils m’ont recommandé. Par la suite, j’ai passé le casting en trois étapes. J’ai travaillé sur le texte qu’il m’a envoyé en appliquant mon analyse dramaturgique. Il faut rappeler je suis un lauréat de l’ISADAC c’est-à-dire on a des méthodes pour  trouver les traits de caractère du personnage à travers une méthode analogique et des méthodes pragmatiques. Ensuite, j’ai envoyé tout mon travail au réalisateur. Il m’a dit : « maintenant, tu connais ton personnage, alors tu vas me suivre et tu vas me faire confiance.»

À vrai dire, j’ai le personnage dans mon inconscient et Saïd avec sa méthode, tant que ce personnage reçoit des gens, il fallait qu’il intériorise les choses. Et puis, quand tu joues à l’intérieur, tu minimalises  le jeu qui se focalise sur le détail d’un regard, d’un sentiment qui se dévoile sur le grand écran. Pour ce faire, on a travaillé scène par scène, réplique par réplique. J’ai bien travaillé sur ça avec tous les comédiens. En réalité, c’était stressant, mais inconsciemment on se glisse dans la peau du personnage. C’était ainsi la démarche.  

«La mer au loin» est un mélodrame qui traite de la question de l’exil, parfois de l’exil intérieur. En effet, Nour que vous avez incarné,  a immigré d’Oujda à Marseille avec ce ‘’mal de mer et de mère’’, est un personnage problématique, dramatique, mélancolique et assez complexe. Avez-vous pu se détacher facilement de ce protagoniste après le film ?

Certes, on donne de nos émotions, de nous-mêmes  et nous essayons de changer ces sentiments, mais il faudrait contrôler les choses  parce que finalement c’est l’acteur qui joue le personnage. C’est une machine de sentiments et d’idées  qui restent et qui nous essayons parfois d’en détacher après chaque rôle. Dans le personnage Nour, il y a de bonnes choses. On y voit le monde à travers ses yeux, l’autre monde, au-delà de la mer, son vécu. Le personnage Nour voit les choses d’un œil humaniste, tolérant et ouvert sur les autres. C’est un personnage qui parle peu, qui reçoit beaucoup des autres, qui intériorise les choses, c’est un personnage complexe.

Le Raï des années 70 était un personnage à part entière, un  Raï  mélancolique et sentimental. Comment  avez-vous côtoyé ce ‘’personnage’’ omniprésent dans le film ?  

D’ailleurs, les personnages ont immigré pour faire de la musique. Ils ont grandi avec. C’est un constat : la musique est liée au monde du cinéma de l’acting. Il faut dire aussi que le  Raï  a voyagé tel que les personnages. C’est une musique qui parle de l’amour, de l’exil, et c’est la seule musique qui est à la fois festive et mélancolique.  C’est un choix artistique du réalisateur qui était très correct et juste.

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