L’exercice du leadership dans le système international

adhérer. Elle cherche à assurer la cohésion de cet ordre. Son atout reste qu’elle présente cet ordre en termes universels valables et bénéfiques pour tous. L’étude des ambitions de certaines puissances peut renseigner sur leurs ambitions à l’égard de l’exercice du leadership.
– La Russie, héritière de l’ancienne URSS, demeure rivée et obnubilée par ce qu’elle appelle «l’étranger proche», espace constitué par les républiques de l’ex-Union soviétique. La Russie est consciente que son avenir est fonction de son hégémonie sur cet ensemble géographique, et donc cherche à imposer un leadership régional, de proximité. La tâche n’est pas aisée car la tentation de voir l’étranger proche s’arrimer à l’Occident est grande.
Par ailleurs, la Russie a volontairement tourné le dos à l’exercice du leadership mondial, et ceci peut être décelé dans ce qui fut appelé le projet de la nouvelle doctrine militaire de mai 1992 par lequel elle renonce à l’utilisation de la force militaire à des fins politiques. Chose totalement démentie par les guerres livrées en Tchétchénie et récemment en Géorgie 2008.  Il est vrai que, actuellement, la politique étrangère russe n’a cessé de se distinguer sur certains dossiers à savoir le nucléaire iranien et la crise syrienne.  En effet, la Russie commence peu à peu à sortir de sa léthargie pour vouloir s’affirmer plus qu’une puissance régionale, une puissance au rôle régulateur au sein du système international. Avec des prétentions et une puissance régionales, la Russie privilégie sa sécurité par l’hégémonie et le maintien sous sa tutelle d’un espace tampon. C’est une attitude impériale relevant d’une logique sécuritaire.
– L’Europe et le Japon : Ce sont deux acteurs, du système international, qui ne veulent pas et qui ne peuvent pas exercer le leadership international.
Concernant l’Europe, ou plutôt l’Union européenne, la question du choix d’être une puissance ou n’être qu’un marché, continue à se poser. Face à ce dilemme non encore surmonté, l’Union européenne peine à se trouver une identité.
Cependant, les divergences de vue, concernant une conception de l’Europe, ont été éclipsées à cause de la crise économique, financière et sociale que traverse l’Union. Cette crise qui touche principalement la Grèce, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, a mis a nu et la solidarité et le système financier de l’union Européenne. La Grèce, durement touchée, a soulevé l’éventualité de sortir de l’Union.   
Sur le plan de la politique extérieure, force est de constater que les Européens eux-mêmes ont porté atteinte et faussé leur politique extérieure et de sécurité commune (PESC), la crise yougoslave des années quatre-vingt-dix, la guerre contre l’Irak en 2003, en sont des exemples. Dans ce même ordre d’idées, l’Europe reste démunie de puissance militaire. Sur ce plan, elle souffre de deux incapacités : des moyens et une volonté.
De plus, l’Union européenne n’arrive pas à imposer un leadership, même vis-à-vis de ses voisins du Sud. Pour tous les problèmes qui touchent à la sécurité, elle préfère un règlement par le biais économique, par l’argent. L’Union européenne est toujours prompte à ne voir dans les problèmes du monde que des solutions où le levier économique est la clef. Son influence politique n’est pas à la hauteur de son influence économique.
Quant au Japon, deuxième puissance économique mondiale, il ne peut endosser le rôle du leadership mondial. Il est déficitaire en matière de «sens» dans la mesure où son modèle culturel n’est pas exportable et, par conséquent, ne peut prétendre à l’universalité. En revanche, le modèle américain le submerge en partie.
Parmi les obstacles à l’exercice du leadership mondial, peut-on relever l’incapacité du Japon à transformer sa puissance économico-financière en puissance politique. En outre, sa diplomatie laisse apparaître deux tares essentielles, l’utilisation de l’argent comme levier. En second lieu, la diplomatie japonaise traîne derrière elle l’étiquette d’opportunisme.
Si toutes les puissances précitées ne peuvent pas ou/et ne veulent pas exercer le rôle de leadership mondial, les Etats-Unis, eux, adoptent une attitude pour le moins ambiguë.         
Economiquement, le PIB est de 15685 milliards de dollars, le PNB est de 15290 milliards de dollars en 2012. Diplomatiquement, l’influence des Etats-Unis, sur et au sein des organisations internationales, n’est pas à démontrer. De plus, ils font l’objet «d’appels d’empire», leur aide est sollicitée par une grande partie de la planète.
On doit rappeler que leur volonté de conduire les affaires du monde a été caractérisée par un jeu de pendule, entre l’isolationnisme et l’engagement. Au lendemain de la Guerre froide, même si l’isolationnisme a été projeté comme la conduite future des Etats-Unis, il a vite laissé la place à plus d’engagement extérieur.
Les Etats-Unis, abusant d’un « unilatéralisme », ont été critiqués pour son manque de cohérence, chaque fois une nouvelle vision de l’intérêt national, et de stratégie pour le long terme, pas de substitut à la doctrine du «containment». La guerre contre le terrorisme n’a pas pu combler le vide laissé béant par cette doctrine.
Malgré l’existence de ces faiblesses, on peut dégager quelques priorités de la politique étrangère américaine. Après l’ère Bush, caractérisée par l’unilatéralisme, d’ailleurs souvent critiqué, le président Obama s’emploie à ancrer les Etats-Unis dans la logique multilatérale. Seule la guerre contre le terrorisme est menée dans le cadre de la pure tradition de l’administration Bush. Elle a été même intensifiée par l’utilisation des drones -érigée en doctrine- et l’ouverture de nouvelles bases principalement en Afrique.
Dans ses rapports avec les autres puissances, les Etats-Unis préfèrent encourager et maintenir des relations de partenariat avec la Russie ; même si ce genre de relations a été mis à rude épreuve lors de l’accord d’installation des premiers missiles anti-missiles (ABM system) en Pologne, de la crise syrienne, et de l’affaire d’espionnage par la NSA mise à jour par Edward Snowden. A l’égard de la Chine, force est de constater que les Etats-Unis ont une double approche. Sur le plan économique, la coopération et l’intensification des échanges commerciaux ne connaissent aucun ralentissement. En revanche, sur le plan militaire, la présence américaine dans l’Océan Pacifique s’est accrue, plus de 60% des forces navales font face à la chine.
En général, la politique étrangère américaine laisse apparaître une volonté de moindre effort, ou plutôt, laisser l’Histoire parfaire son processus. Les Etats-Unis paraissent être envahis par une vision fataliste des relations internationales.
En effet, les Etats-Unis sont rebutés par le coût des engagements, et c’est dans ce sens que leurs intérêts nationaux sont définis en termes de choix et d’options.  
Le gouvernement veut exercer un leadership partiel, par intermittence, qui va dans le sens d’un leadership exercé par une puissance arbitrale. Puissance «arbitrale», n’est pas un choix volontaire étant donné les contraintes propres de l’Amérique et celles que lui impose le système international.
Il est vrai que l’attitude des Américains est ambiguë, car c’est un mélange de leadership timide, d’unilatéralisme égoïste, « d’altruisme », d’isolationnisme. Ils sont dans une situation qui ne leur permet pas de dominer le monde, ni ne leur procure le luxe de s’en détourner.
En définitive, aucune puissance n’est actuellement capable d’exercer le leadership mondial de manière permanente et soutenue. Pour pouvoir le faire, il faut exiger énormément de la puissance, l’utiliser jusqu’à l’usure. Imposer son ordre aux autres Etats ne se fait pas sans engagement et mobilisation. Ce qui ressort des faits, c’est que les Etats-Unis n’ont ni les moyens, ni la confiance des autres puissances pour exercer le leadership mondial. Ce qu’on constate, c’est que chaque puissance veut faire la différence et marquer une certaine notoriété internationale par rapport aux autres puissances. Le système international vit un déficit de pouvoir, de puissance, de leadership. Les priorités sont plutôt l’accumulation des richesses et, par conséquent, à quoi pourrait servir le leadership ?

*Chercheur

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