Al Bayane: Considérez-vous en tant que présidente de l’APEBI que le Maroc réussit sa transition digitale?
Saloua Krakri-Belkeziz: Pour mieux réussir la transition digitale, il faut d’abord assurer un environnement général adéquat. Au niveau des fonds d’investissement, l’Etat marocain joue un rôle significatif avec notamment la participation de la de CCG. Donc il y a des fonds d’investissement pour accompagner les startups ou les entreprises innovantes. Outre le volet financement, la transition digitale se base également sur le génie des jeunes créateurs de ces entreprises innovantes. Ce matin, j’ai fait un petit déjeuner avec une dizaine de jeunes, qui ont cherché des marchés à Dubai et ailleurs à l’international, car ici ils n’ont pas encore la confiance des grands donneurs d’ordres qui sont en principe les grands établissements industriels, financiers… ou même les entreprises publiques qui sont appelés à écouter leurs idées innovantes. Il est à noter que les multinationales spécialisées dans les NTIC ont été au départ des micro-entreprises avec un petit capital mais qui répondent à un besoin effectif sur le marché et qui ont attiré des donneurs d’ordre pour mobiliser les fonds de financement nécessaires.
On ne peut plus continuer avec une économie de rente. Les gens qui ont des moyens financiers importants sont appelés à investir dans des entreprises créatrices de valeur-ajoutée. Continuer à se positionner en tant que de simples consommateurs des produits high-tech, sans participer à la production, se répercute négativement sur l’économie nationale. Pour preuve, le déficit commercial se creuse jour après jour au cours des dernières années.
Certes les efforts consentis au niveau des autres industries, permettront de créer de l’emploi, notamment la main-d’œuvre bon-marché. Pour autant, il faut qu’on aille vers l’innovation et la technologie parce-que les robots remplacent progressivement ces métiers. C’est pourquoi j’ai tenu à ce qu’on ait un robot au niveau du forum, ce qui n’était pas facile, notamment au niveau de la douane, rien que pour montrer que c’est la nouvelle réalité.
Quel rôle vous avez réservé pour aux startups à l’occasion de l’AITEX?
Cette année, l’AITEX est orienté principalement vers les startups. Pour preuve, on a fait un appel à projets, tout comme nous avons invité 150 start-ups. Il y a 40 start-ups en provenance d’autres pays africains et même des représentants des Marocains résidant à l’étranger. Cette participation est une occasion pour dévoiler leurs idées et leurs innovations afin de retrouver justement des donneurs d’ordres. Ainsi, d’un côté, nous avons les jeunes entrepreneurs porteurs d’idées innovantes et de l’autre, des donneurs d’ordre.
Quel bilan faîtes-vous pour le partenariat public-privé actuel et les perspectives?
Il faut avouer que nous communiquons facilement avec le ministère et l’information circule facilement dans les deux sens. Nous avons participé également à la détermination des principaux axes de la nouvelle stratégie, même si la mise en œuvre tarde à venir. Nous avons participé également à la création de plusieurs structures, mais il faut avouer que ce secteur doit avoir un portefeuille totalement indépendant. Nous avons évoqué plusieurs fois pendant la conférence le rôle important assumé par Othman El Ferdaous, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Economie Numérique, chargé de l’Investissement, mais le jour où nous l’avons reçu au niveau de l’APEBI, il m’a dit clairement «moi je ne suis pas secrétaire d’Etat de l’économie numérique, ma spécialité c’est l’investissement». Et donc l’économie numérique n’a pas encore la place qu’elle mérite au niveau de ce gouvernement, qui compte quand même une quarantaine de ministres.
Pour autant, tous les pays africains qui réussissent leur transition numérique ont un portefeuille consacré uniquement à l’économie numérique car c’est un secteur important qui impacte significativement les autres secteurs.
Badr Atabi