Comprendre les perceptions du marché des véhicules d’occasion, en saisir le comportement, cerner les intentions d’achats, évaluer le taux d’équipement des ménages en ces véhicules et identifier leurs attentes. C’est ce à quoi s’est essayé l’Observatoire Wafasalaf à travers une étude menée sur 8 villes marocaines et dont les résultats ont été présentés hier mardi. A travers les résultats de l’enquête se dégage le portrait d’un marché abondant mais opaque, souvent qualifié de «jungle».
L’automobile est ce secteur qui témoigne de l’évolution des modes et niveaux de vie des Marocains. L’année précédente a connu un record de vente des véhicules neufs avec 163.000 voitures immatriculées. Mais qu’en est-il du marché de la voiture d’occasion ? Quand même, le marché de l’automobile est en cours de structuration, où plus de la moitié des ménages envisage les transactions en dehors des circuits commerciaux ou de distribution professionnels. D’où le poids grandissant des véhicules de «seconde main».
Une étude menée par l’Observatoire Wafasalaf, organisme qui s’attèle à scruter la consommation des ménages, et dont les résultats ont été présentés mardi 24 octobre à Casablanca, révèle les intentions des Marocains vis-à-vis de leur futur achat motorisé. Dans les conclusions de cette enquête, effectuée sur un échantillon de 1200 personnes sur 8 grandes villes du Royaume, 53% des répondants favorables à une acquisition s’expriment en faveur de la voiture d’occasion. Au volet du financement, on remarque une faiblesse des intentions de recours au crédit, car la grande majorité des sondés (8 sur 10) envisagent de payer en fonds propres pour l’achat d’une voiture d’occasion.
Parmi les attraits forts de ce segment, le prix et la marque de la voiture sont les principales motivations d’achat. De plus, les intermédiaires ne bénéficient pas de la suprématie qu’on envisagerait de leur accorder sur ce canal, car plus d’un ménage sur deux envisage l’achat d’un véhicule d’occasion via le canal de particulier à particulier. Enfin, le budget moyen que les ménages prévoient pour l’achat d’une voiture d’occasion s’élève à 70 000 DH.
Un marché opaque, risqué mais à l’offre abondante
Pour les Marocains donc, ce marché dynamique où la demande forte rejoint une offre abondante est «immense». Il est caractérisé par une multiplicité des canaux (intermédiaires, particuliers, garages…), ce qui joue à son avantage. De plus, l’offre est assimilable, selon l’étude, à un « marché de légumes. Il y a le luxe et le basique, le bon et le mauvais. On peut faire bonne affaire comme on peut tomber sur la très mauvaise occasion». Les prix sont jugés corrects, cependant le danger est bien présent. C’est un «marché opaque, risqué, pas du tout transparent. Un marché qui fait peur où chacun privilégie ses intérêts et personne n’en dit la vérité», expliquent non sans consternation les meneurs de cette enquête.
Globalement, les intentions d’équipement automobile en 2017 ont légèrement diminué par rapport à 2016 : 10% des ménages contre 12% auparavant envisagent d’acheter une voiture au cours des 12 prochains mois. Ceci-dit, les intentions de près d’un foyer sur deux penchent sur l’achat d’une voiture d’occasion, une proportion supérieure de 17% à celle de 2016. L’achat d’une voiture d’occasion est le plus souvent prévu au cours des 6 à 12 prochains mois (42%). En outre, 58% des ménages envisagent acheter une voiture d’occasion en 1er équipement, alors qu’un tiers d’entre eux est plutôt dans le renouvellement.
Le prix prime comme premier critère d’achat
Prix, marque et état mécanique du véhicule sont les 3 principaux critères de choix retenus par les foyers envisageant l’acquisition d’un véhicule d’occasion. Mais pas chez tout le monde. Notons que chez les catégories socio-professionnelles A et B, la marque est assez nettement l’atout numéro un (73 % vs 58% pour l’ensemble de l’échantillon). Cette même tranche attribue plus d’importance à l’année de mise en circulation (40% vs 19%) et au kilométrage (38% vs 22%) qu’au total de l’échantillon, ce qui laisse penser qu’il existe auprès de cette CSP des adeptes de véhicules d’occasion relativement récents.
Le budget moyen envisagé pour l’achat d’une voiture d’occasion est de 69.500 DH. Celui-ci varie du simple au double entre les CSP A et B (120 000 DH) et les CSP D (53.000 DH). Il est cependant intéressant de remarquer que le budget varie selon le mode de transaction : l’enveloppe moyenne envisagée pour l’achat d’une voiture d’occasion atteint 61.000 DH lorsque l’achat est envisagé via un courtier, soit le montant le plus bas. Cependant, il s’élève à 70 400 DH quand l’acheteur décide de passer par Internet, à 72 000 DH quand la transaction se fait de particulier à particulier et à 84.000 DH lorsque l’achat est envisagé via un garage spécialisé.
Comment ne pas rater son démarrage?
Le particulier est le canal qui inspire le plus confiance, car le danger de se faire arnaquer est beaucoup moindre. «On est encore plus rassuré lorsqu’on achète le véhicule chez une connaissance ou quelqu’un recommandé par un proche», relève l’étude. Lorsque le particulier choisit la vente directe «évitant l’intermédiaire», c’est qu’il est «soigneux» mettant en vente un véhicule correctement entretenu. De même, l’acquisition revient moins chère que l’achat auprès du courtier, car il est possible d’obtenir la meilleure négociation du prix de vente, en plus de l’absence de commission. Deux contraintes sont pourtant citées : il est plus difficile de trouver la voiture recherchée sur le marché des particuliers sans intermédiation, et le particulier n’a pas la même responsabilité qu’un garage professionnel, du moins en matière de vice caché.
L’Internet sied en seconde position. Support idéal pour une bonne connaissance du marché car il «permet d’avoir une idée précise sur le prix selon des critères divers : marque, ancienneté du véhicule, kilométrage…», et offre un choix très large, intégrant des véhicules d’occasion des différentes villes du Maroc. Donc, la possibilité d’acquérir le véhicule correspondant le mieux aux attentes est bien réelle. Ce canal offre un avantage de praticité et le gain du temps. Son défaut réside toutefois dans son avantage : C’est une plateforme qui réunit différents types de revendeurs (particuliers, courtiers, garagistes…) et «on ne reconnait pas forcément le statut du revendeur à travers l’annonce», alors qu’on souhaite généralement rencontrer directement des particuliers en recourant à l’internet.
Quant à eux, les intermédiaires constituent le nerf du marché informel selon les répondants. Leurs fiefs sont les souks comme celui de Sbata, qui ressort comme le plus grand marché à Casablanca et l’un des plus importants au Maroc. Un seul point fort cité : possibilité d’acquérir à travers ce canal un véhicule correspondant à ses envies (marque souhaitée au budget fixé) «car les intermédiaires ont toujours une masse de voitures d’occasion à revendre. Toutes les marques, tous les modèles, les bons et moins bons». Mais c’est un canal jugé «dangereux» et un marché qualifié de «jungle» où l’absence de transparence règne car, selon la majeure partie des réponses, «l’intermédiaire ne dit jamais la vérité». Ventes de voitures accidents «mais maquillés», minoration du kilométrage… Autant de magouilles qui font perdre leur attrait aux «samsara». Le recours à un mécanicien «que l’acquéreur devra choisir lui-même» pour la vérification du véhicule est indispensable, selon les répondants, pour éviter toute déconvenue.
Iliasse El Mesnaoui