Sékou Oumar Sylla, président de la commission bourse de l’ASEGUM
Propos recueillis par Romuald Djabioh
Depuis un certain temps, les étudiants de diverses communautés subsahariennes observent des grèves auprès des consulats. Nous avons de ce fait souhaité en savoir davantage sur ces faits inhabituels. Un cas spécifique parmi tant d’autres a attiré notre attention: celui des étudiants guinéens au Maroc. Dans un entretien, le président de la commission bourse de l’Association des élèves, étudiants et stagiaires guinéens au Maroc (ASEGUM), Oumar Sylla, nous a donné son point de vue sur la problématique des bourses, les primes de vacances, la bancarisation…
Al Bayane : Il y a quelques jours, vous avez décidé de manifester auprès de votre ambassade. D’après nos informations, plusieurs étudiants(e) peinent à avoir leur bourse. Depuis combien de temps n’ont-ils pas perçu leur dû?
Sékou Oumar Sylla : Pour les étudiants guinéens, cela fait trois mois que nous n’avons pas perçu notre bourse. C’est-à-dire, le mois d’avril, mai et juin. Sans oublier la prime de vacances. La bourse par mois est fixée à 50 dollars, alors que les primes de vacances sont fixées à 500 dollars. Donc si l’on fait le cumul avec les trois mois sans bourse, chaque étudiant devrait normalement avoir 650 dollars.
Il est constaté d’après le mouvement de grève lancé récemment par votre communauté, notamment, les élèves, étudiants et stagiaires guinéens, que nombreux ont du mal à joindre les deux bouts du fait de l’arrivée tardive de la bourse. Quel est votre avis sur le sujet?
Après maintes revendications sans suite, nous avons eu à écrire une lettre ouverte au président de la République Alpha Condé. Nous croyons qu’il a pu lire la lettre. Lundi nous sommes partis au niveau de l’ambassade. Le but de cette visite était de leur faire comprendre que si la bourse n’est pas versée mercredi, nous devrions employer des moyens forts dans les jours qui viennent. Du coup, ils nous ont fait savoir que la bourse était déjà disponible, mais qu’il fallait que l’on attende.
Dans ce genre de situation, il est souvent plus judicieux de rencontrer les officiels pour avoir davantage d’informations. Les étudiants Guinéens ont-ils pu rencontrer leur ambassadeur ou encore les membres administratifs?
Tout à fait. Nous avons rencontré notre ambassadeur lundi aux environs de 11h. Nous avons eu à discuter avec lui des différentes problématiques liées à la bourse. Deux points principaux étaient inscrits dans le cadre de cette rencontre, notamment, la bancarisation, et ensuite le paiement de nos compléments de bourse.
Pour la bancarisation, la plupart de nos amis quittent de Tanger, Agadir, des villes assez éloignées de Rabat, pour venir parfois récupérer seulement 150 dollars ici. La bourse se paye par tranche. La première tranche, c’est 150 dollars. La deuxième, 200 dollars. Et ensuite la dernière tranche, 650 dollars. Vous conviendriez avec moi que ce n’est pas chose facile, dans la mesure où la plupart de ces personnes qui se déplacent des zones éloignées pour venir chercher leur bourse dépensent près de la moitié de cette somme dans le transport.
Que souhaitez-vous réellement face à ce constat? Quelles sont les actions envisagées par votre communauté pour des perspectives meilleures et apaisées?
Nous voulons que cette situation cesse. Déjà, avec l’intermédiation, ce n’est pas toujours évident. Lorsque que la bourse vient, certaines personnes ont tendance à garder l’information. Du coup, elle nous parvient assez tardivement. Et pendant ce temps, nous avons du mal à joindre les deux bouts.
Une organisation bien ordonnée de la part des étudiants et les membres de l’administration pourrait être d’un apport important, n’est-ce pas Omar?
Tout à fait. En fait, l’information nous arrive tardivement, parce que la problématique de la bourse est actuellement liée à la présidence de la république. Et ce, depuis la période 2010. Depuis l’accession à la magistrature suprême d’Alpha Condé, ce sont eux qui donnent l’ordre de virement au niveau du trésor public. Il y a également d’autres intermédiaires comme l’Office national des bourses extérieurs, l’ambassade aussi, et ensuite, les étudiants. Il y a tout un processus qui fait que les choses puissent aller lentement. Du coup, nous voulons mettre fin à cette intermédiation pour que la bourse soit virée directement du trésor public dans les comptes bancaires.
La plupart des étudiants guinéens ont-ils des comptes bancaires? Si oui, Il aurait été plus judicieux de passer par ce mécanisme dont vous faites allusion.
En fait, la plupart des étudiants guinéens en ont. A l’exception de certains qui viennent d’arriver. Et là aussi, nous comptons vraiment les accompagner dans la création de leurs comptes bancaires. Avec Banque populaire, ça ne prend pas assez de temps. Tout ce qui constitue un obstacle en ce moment résulte tout simplement d’un manque de volonté de la part des autorités en charge des questions boursières.
Pour les démarches, nous sommes vraiment aptes à faire le nécessaire afin que cette bancarisation soit une réalité. Parce que pour nous, après maintes analyses, nous nous sommes rendus à l’évidence que la bancarisation est un passage obligé pour l’amélioration de nos conditions de vie dans le royaume, et à l’étranger en général. Il y a aussi les étudiants boursiers guinéens en Algérie. J’ai eu à parler avec certains d’entre eux. Nombreux se retrouvent également dans la même situation. Ils sont assez loin de l’ambassade et sont obligés de se déplacer pour venir jusqu’au consulat. C’est un véritable problème!
Au regard de ce qui précède, quel message pouvez-vous adresser à l’endroit de vos autorités?
En fait personnellement, je me suis présenté en tant que président de la Commission bourse, parce que justement, je me disais que cette situation ne pouvait pas perdurer. Parce que moi par exemple, en première année, j’ai vraiment connu le calvaire. J’étais dans la ville d’El Jadida. Ce que l’AMCI payait, je consacrais tout cela aux charges de la maison, à mes besoins fondamentaux et les documents : l’électricité, l’eau, le wifi, la nourriture, les documents scolaires… Il est donc important que nos Etats puissent également jouer leur partition convenablement au même titre que l’Agence Marocaine de Coopération Internationale (AMCI).
L’Agence Marocaine de Coopération Internationale (AMCI) joue sa partition. Pourquoi faut-il forcément qu’il y ait un mouvement de grève pour que les Etats de l’Afrique subsaharienne puissent en faire de même?
Exactement. Et c’est cela le véritable problème. C’est pourquoi pour nous, notre mouvement de grève reste maintenu. Nous avons demandé à ce qu’une délégation soit là pour nous épauler dans les démarches administratives en rapport avec la bancarisation et bien d’autres maux. Mais le directeur de l’Office national de bourse extérieur M. Dione, nous a fait comprendre qu’il n y a pas moyen. Pourtant, c’est lui qui nous avait promis qu’une délégation devrait être là pour nous épauler en ce sens, depuis la deuxième tranche. Mais, il dit finalement que cette délégation ne sera pas disponible. Et c’est justement là où il y a le bras de fer…
Nous, ce que nous demandons, c’est vraiment d’asseoir les bases de cette bancarisation afin que les prochains représentants de l’association puissent continuer dans cette logique. C’est justement cela notre principal point de revendications actuellement.