Politique monétaire et croissance moins atone

Par Alla El Ayachi*

L’un des faits marquants de l’actualité de cette semaine est relatif à la réunion trimestrielle du Conseil de Bank Al Maghrib, tenu le 19 Mars 2019. Dans un communiqué de presse, faisant, par ailleurs, état des indicateurs de croissance, de conjoncture économique chiffrés, réalisés et prévisionnels pour les années 2018 et 2019, le Conseil informe du maintien du taux directeur à 2,25%, niveau demeuré, du reste, inchangé depuis Mars 2016 où il fut ramené de 2,50%   après avoir été de 2,75% en 2014.

Ce maintien qui s’inscrit dans  le cadre du ciblage d’une inflation faible, tout en se voulant favoriser le climat des affaires, ne va pas sans susciter, pourtant, moult interrogations.

 En effet, certes, ce maintien au même niveau, depuis maintenant trois ans, s’explique à la fois par les tendances de conjoncture, les situations de liquidité des banques et des conditions de la circulation fiduciaire, la situation des taux d’intérêt sur les différents compartiments de marchés des capitaux, principalement monétaires, et par les indicateurs prévisionnels de croissance et d’inflation. Mais on peut, néanmoins, se poser la question selon laquelle pourquoi le taux directeur n’a pas varié, à la baisse, à un moment où le climat des affaires est, comme le précise Mr Abdellatif Jouahri, Gouverneur de Bank Al Maghrib, «atone» (conférence de presse donnée le 19 Mars 2019). De même, souligne Mr Jouahri, la croissance relève beaucoup plus du Politique. Si tel est le cas, qu’on ne peut aucunement contester, que reste-il à la politique monétaire, notamment la politique des taux d’intérêt, déterminés, faut-il le souligner, par les mécanismes du marché, en tant que diffuseur des messages de ciblage d’inflation et d’amélioration des conditions de financement de la croissance. Quel rôle devrait jouer le crédit bancaire, source essentielle de création monétaire, dans le financement de la croissance.

L’on sait, en effet, que «  le rythme de progression du crédit bancaire s’est amélioré de 3,2% en décembre 2018, résultant principalement, par secteur institutionnel et par branches d’activités, des crédits aux entreprises publiques sous forme de facilités de trésorerie, des concours aux industries chimiques et para chimiques et des prêts aux ménages par crédits à la consommation et prêts à l’habitat »(Revue mensuelle  de la conjoncture économique, monétaire et financière, Février 2019, Bank Al Maghrib).

 Le taux débiteur moyen se situe autour de 5%. Les crédits aux entrepreneurs individuels sont assortis d’un taux moyen de 6,5% en Décembre 2018, alors que les taux des crédits immobiliers dépassent 5,75%.

Une telle situation des taux d’intérêt invite à la réflexion. Si, en effet, ils sont déterminés par les conditions du marché et de la concurrence entre les établissements de crédit, ils peuvent apparaître relativement élevés, comparés aux taux de rémunération des comptes d’épargne qui ne dépassent pas 2% en 2018, laissant dégager aux banques des marges d’intermédiation relativement confortables.

Ainsi, analysée en termes de taux tendanciels de croissance, de conditions de financement de cette croissance, de conditions de régulation par la Banque Centrale, notamment par le biais du taux directeur, la situation économique ne prête guère à l’optimisme et est réellement «atone». Plus que des actions politiques, elle nécessite résolument la redéfinition d’un nouveau modèle de croissance, un modèle qui se traduira par des taux élevés de croissance, durables, inclusifs et mobilisateurs de toute la Nation entière. Ce qui permettra, moyennant des politiques publiques sociales hardies, de mettre en œuvre un nouveau modèle de développement économique et social au bénéfice de la population.

*Economiste et Ingénieur d’Etat Statisticien Economiste,
ancien directeur adjoint principal à Bank Al Maghrib

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