Quid du ressenti des Tangérois?

Tracts moralisateurs ou actes provocateurs

Karim Ben Amar

Les tangérois ont découvert aux premières heures de la matinée du dimanche 28 mars, des tracts moralisateurs affichés en plein centre de la ville, non loin de Sour Maâgazine, à deux pas du mythique café Paris. Depuis, ces tracts visant les parents qui permettent à «leurs femmes ou filles de porter des pantalons serrés dans la rue», ont inondé les réseaux sociaux. De nombreux sites électroniques ont affirmé qu’à Tanger, les habitants, ont dans la grande majorité, condamné «ces affiches haineuses». Mais qu’en est-il vraiment ? L’équipe d’Al Bayane a questionné des natifs de la perle du Détroit. Les avis sont partagés.

Des tracts moralisateurs ont été affichés dans le centre-ville de Tanger. Relayés par les réseaux sociaux, ces trois tracts visaient les parents qui permettent à «leurs femmes ou filles de porter des pantalons serrés dans la rue». Découvert pas les habitants les plus matinaux le dimanche 28 mars, ces tracts ont d’après certains médias électroniques, soulevé un tollé dans la ville, indignant ainsi une grande majorité des tangéroises et tangérois.

Questionnés par l’équipe d’Al Bayane, de nombreux autochtones se sont livrés sans détour. L’avis sur la question est réellement partagé. Autant dire que dans la perle du Détroit, les tracts moralisateurs sont une sorte d’«Affaire Dreyfus». De nombreuses personnes interrogées sont tout à fait pour ces affiches. D’autres sont profondément choquées. Ayant recueilli de nombreux témoignages, nous ne citerons que deux tangérois : Karim, un jeune trentenaire partisan de cette opération de tractage et Saloua, la quarantaine à peine entamée rejetant catégoriquement cette pratique «hors-la-loi».

Karim, jeune tangérois à peine pratiquant, ayant grandi dans le centre-ville, a affirmé que cette opération de tractage est la bienvenue. «Les jeunes femmes des années 90-2000 s’habillaient de manière moderne. Malheureusement, depuis quelques années, elles s’habillent de plus en plus vulgairement. Parfois dans la rue, on peut lire sur le T-Shirt d’une jeune femme «Kiss me», ou bien «I’m Hot». Cela peut parfois prétendre à confusion, et mettre la demoiselle en péril : harcèlement sexuel, attouchements ou même viol».

«Ces tracts sont tout simplement un rappel à tous les pères, les exhortant à ne pas laisser leurs filles sortir avec des tenues provocatrices. C’est en parfaite adéquation avec notre éducation, notre culture sans même parler de notre religion, d’autant plus qu’à Tanger, même le non-pratiquant est conservateur», souligne-t-il.

Ce jeune homme ayant vécu de nombreuses années en Espagne a déclaré que malgré les grandes avancées du Maroc, la mentalité est encore très étriquée. «On ne va pas se mentir, on vit dans un pays où l’éducation sexuelle n’est pas enseignée à l’école ». Et de conclure «la plupart de nos jeunes se familiarisent avec l’acte sexuel sur les sites pornographiques. À la maison, il est strictement interdit de parler sexualité, contrairement aux pays européens où l’on parle de cela à table. Tant que cet obstacle n’a pas été franchi, notre société ne sera pas prête à assimiler l’essence de la liberté d’autrui : se vêtir et même de son orientation sexuelle».  

Saloua pour sa part a affirmé être outrée par ces actes hors-la-loi. « Nous sommes tous musulmans, et l’Islam défend l’individu de s’immiscer dans les affaires d’autrui. Nos pouvons être conseillées, mais être agressées par des tracts rappelant le Moyen-âge, nous disons non. Chacun a le droit de choisir le style vestimentaire qui lui plait», martèle cette femme voilée.

Tanger est une ville qui a un riche passé. Depuis l’antiquité, cette cité a évolué au fil des siècles, et a toujours joui d’un statut particulier. Autrefois, nid d’espions mais aussi point de rendez-vous d’immenses artistes, musiciens et écrivains. «La tolérance et le respect des différences ont toujours été des principes à Tanger. Vouloir dicter à toute une ville l’aspect vestimentaire en sachant qu’ils n’ont aucun droit est l’opposé de notre religion», a-t-elle tonné.

Cette action émanant uniquement d’une extrême minorité d’extrémistes est véritablement aberrante. C’est très grave et ne doit surtout pas se reproduire. D’ailleurs, nous avons été soulagées lorsque nous avons appris que les autorités compétentes allaient enquêter sur cette triste affaire», a-t-elle conclu.

En effet, une enquête judiciaire a été ouverte par les services de sécurité de Tanger, dans la soirée du dimanche 28 mars 2021, sous la supervision du Parquet, afin de déterminer les circonstances de l’apparition de tracts et d’affiches collés par des inconnus dans la ville.

L’enquête se focalise actuellement sur les lieux où se situent des caméras de surveillance, notamment du côté du  Sour Maâgazine, où des individus non encore identifiés ont collé trois affiches sur les façades de commerces ou sur des poteaux électriques.

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