Rencontre-débat organisée au siège national du PPS

«Les transformations digitales, un levier du développement du secteur financier national»

La digitalisation est un levier non seulement du secteur financier national marocain mais de l’ensemble de toutes les composantes de la société et de l’économie, a affirmé le président de l’Union nationale des ingénieurs marocains (UNIM), Abderrahim El Handouf, lors d’une rencontre-débat organisée, mercredi soir au siège national du PPS à Rabat, à l’initiative de l’UNIM et du Forum de l’ingénieur de la modernité et du progrès sous le thème «les transformations digitales, un levier du développement du secteur financier national» avec la participation d’experts de très haut niveau.

 Sans s’attarder sur le distinguo entre «digitalisation» et «transformations digitales», El Handouf a insisté sur l’extrême importance de la thématique. Qu’on le veille ou non, on baigne actuellement dans la digitalisation à laquelle il faut plutôt s’adapter au lieu de lui tourner le dos, a-t-il expliqué, rappelant avoir adhéré sans hésiter un seul instant à la proposition du président du Forum de la modernité et du progrès d’organiser ce débat car l’UNIM s’appuie désormais sur toutes ses composantes pour servir le secteur et contribuer à la propagation de la connaissance et du savoir. Si on rate cette fois le train de la digitalisation, on va rater le rendez vous avec le développement du pays, selon lui.

M’hamed Amine Arahou, consultant transformation digitale, modérateur du débat : la transformation digitale c’est l’avenir

 La transformation digitale est un constat étant donné qu’on est totalement impacté par la technologie, a-t-il dit, ajoutant que l’arrivée du Smartphone, il y a 2 ans, a tout façonné et changé.

 Cette percée technologique se sent partout et nous impacte, qu’on le veuille ou non car elle nous facilite l’accès à un nouveau monde et à des services nouveaux.

Ça a changé pratiquement notre quotidien, a affirmé Arahou, qui essaya par la suite d’avancer une série de définitions du phénomène en se référant notamment à Jeff Bezos Amazon qui parle de l’économie du savoir à laquelle il faut adhérer.

Selon John Chambers cité par Arahou, 40 pc du business va disparaitre dans les cinq prochaines années pour laisser place aux affaires par le digital.

C’est ce qui explique d’ailleurs le succès d’UBER, cette application qui vous permet de commander un véhicule avec chauffeur en quelques minutes, 24h/24, 7j/7.

Plus besoin de chercher une place pour vous garer, avec Uber, un clic suffit pour commander une course. Le paiement est simple et automatique. Que vous alliez à l’aéroport ou en ville, Uber est toujours là.

Créé en mars 2009, Uber est présent dans 83 pays et 674 villes à travers le monde. Ce géant (il l’est déjà) a à son compte à ce jour 40 millions de courses et de trajets. Il emploie 160.000 chauffeurs.

Le capital de ce géant se ramène à une application digitale.

Il a cité aussi l’exemple d’AIRBNB, qui est une plateforme communautaire payante de location et de réservation de logements de particuliers fondée en 2008 par les Américains Brian Chesky et Joe Gebbia, dont il a raconté l’histoire.

Il est revenu ensuite sur Amazon pour achat et vente en ligne parmi des millions de produits en stock, lancé en 1994 par Jeff Bezon. On a commencé par la vente de bouquins et livres.

 Le groupe occupe en 2017 la 12ème  place dans la liste des plus grosses fortunes dans le monde.

 Selon Arahou, tous ces exemples montrent que tout l’avenir relève désormais des transformations digitales qu’il convient d’adopter sans plus tarder, car il n’est plus permis de rater son rendez-vous.

Jamal Atte :Directeur marché innovation &Multicanale chez Banque centrale populaire: le plan de transformation digital de la BCP se poursuit: La réglementation en la matière est en  déphasage avec les progrès intervenus

Présentant brillamment le plan de transformation digitale de son groupe bancaire, il a fait savoir que la BCP c’est d’abord plus de 5 millions de clients, plus de 1800 guichets et au-delà de 11.000 collaborateurs opérant dans de nombreuses agences réparties partout dans le pays.  Mais c’est quoi la transformation digitale s’est il interrogé.

C’est un ensemble de mutations technologiques qui se traduisent par la dématérialisation des processus, le lancement de sites Internet et d’une application.

Mais c’est plus que ça, a-t-il dit, ajoutant que cette transformation digitale qui met le client au cœur des préoccupations et projets de la banque, vise à rendre la banque plus agile pour accompagner les nouveaux besoins des clients en s’appuyant sur les nouveautés technologiques.

Partant de ces considérations, a-t-il dit, le plan de transformation digitale en cours au sein de la BCP concerne les modèles d’affaires, les modèles relationnels, les modèles opérationnels, les expériences clients, le management et la collaboration, le marketing et la communication outre le modèle de distribution.

C’est pourquoi, il faut souligner encore une fois que la transformation digitale ne se réduit pas à un simple processus technique. Elle porte évidement sur cet aspect, mais également sur les produits et les canaux, a affirmé Jamal Atte.

Appliquée au cas de la BCP, la transformation digitale a porté sur 5 axes et permis la simplification des processus et des parcours à 21 parcours seulement.  Il a en outre fait savoir que tout le processus de digitalisation est très consommateur en budget, qu’il convient de mobiliser pour financer l’opération.

Il est ensuite revenu en détail sur les réalisations accomplies en matière de digitalisation des produits, des canaux de distribution, des donnes, de la culture et plateforme d’exécution avant de s’attarder sur les autres étapes relatives à la sécurisation à travers la mobilisation des moyens financiers nécessaires pour engager les chantiers de transformation, le sponsoring de la direction générale, l’adoption d’une structure organisationnelle plus agile et plus réactive, l’alignement stratégique du système d’information, l’urbanisation du système d’information, la qualification des ressources humaines et l’accompagnement par des experts en droit, presque introuvables sur le marché national.

Avant d’atteindre le 5ème parcours, la stratégie digitale de la BCP s’est heurtée à plusieurs obstacles ayant trait notamment à la rareté des talents digitaux et à la non disponibilité des experts métiers tout au long du cycle de développement et parcours.

Il a fait état aussi d’une série d’autres obstacles découlant de la difficulté d’adopter un état d’esprit expérimental et une approche agile au delà du cycle de développement. Une autre difficulté s’explique aussi par la résistance des anciens au changement, a-t-il dit.

Quant à la réglementation en la matière, elle est tout simplement en déphasage et est très dépassée la plupart du temps, a-t-il martelé, citant le cas de la signature électronique qui tarde à venir. La loi réglementant le secteur date de 2007, alors que les développements les plus rapides sont intervenus à partir de 2009. Il a enfin fait état de l’inaction et de l’inertie des fonctions régaliennes internes de la banque : juridique, conformité, contrôle permanent…

Jacques Moulin, Directeur général d’Idate DigiWorld (autrefois Idate): des transformations spectaculaires grandioses dans les cinq prochaines années

Parlant en connaisseur de son monde, Jacques Moulin, Directeur général d’Idate DigiWorld (autrefois Idate), à partir du 1er juillet 2017, une entreprise qui accompagne l’Administration marocaine, en consulting, recherches et processus de digitalisation, a indiqué que la digitalisation n’a ni frontières territoriales, ni frontières sectorielles, ni limites en interne même. Il a ensuite énuméré les 5 D du processus à savoir le D de la digitalisation, qui signifie que ce qui est « digitable » sera digital.

Ce n’est pas un choix, mais une question de « destin », de survie. Il fait état dans ce cadre d’une série d’exemples dont celui d’Accor, du Watsap, Airbnb, d’Uber. Toutes ces applications grignotent à longueur de journées, de semaines et d’années aux opérateurs traditionnels des services qu’ils détenaient sans partage, a-t-il dit.

Quant au 2ème D, il se traduit par désintermédiation, suivie par Démonétisation, puis Dé-cloison.

Evoquant l’exemple de la voiture autonome attendue pour 2025, il a rappelé que le phénomène a déjà semé la panique non seulement parmi les actuels constructeurs de modèles traditionnels mais surtout des assureurs, qui n’auront plus de personnes à assurer, étant donné que de telles voitures seront téléguidées par des intelligences artificielles. C’est la mort donc de tout le secteur.

C’est pourquoi, le Maroc à l’instar d’ailleurs de l’ensemble des pays africains ont énormément intérêt à mettre en place des plans ambitieux de digitalisation tout en préparant pour ce faire les conditions de réussite d’une telle œuvre à travers une éduction et formation plus efficientes des capacités nationales requises et l’adoption de réglementations adéquates, a-t-il dit.

Mohamed Al Mahdi Naji, DG chez Al Akhdar Bank: la transformation digitale envahissante a remis en cause tous les modèles de développement.

La transformation digitale envahissante en cours n’est pas un choix à faire ou non, c’est un levier mais surtout un nouveau modèle de développement par la digitalisation, une option peu couteuse en investissements pour l’Etat mais très rentable, a affirmé pour sa part, Mohamed Al Mahdi Naji, Directeur général chez Al Akhdar Bank, qui a exposé l’exemple de sa banque, créée cette année dans le sillage de la finance islamique et qui est autonome du groupe mère.

On compte beaucoup sur l’agilité pour assurer à la banque plus de rentabilité, a-t-il dit, ajoutant qu’elle fonctionne différemment des banques connues sur la place.

Revenant sur le processus de création de sa banque, il s’est dit tout simplement frustré par le déphasage de la réglementation en vigueur, allant jusqu’à affirmer que le Maroc est en train de rater la révolution numérique comme il avait raté les autres révolutions industrielle et scientifique.

Il a également pointé du doigt le manque de formation des spécialistes en matière de droit numérique et informatique, c’est à dire des ingénieurs disposant des connaissances juridiques nécessaires pour la conclusion des contrats, des marchés et transactions en la matière.

Appliquée au cas bancaire en général, la digitalisation a permis à d’aucuns de lancer une monnaie numérique, dans un contexte où certaines crypto-monnaies comme le Bitcoin suscitent beaucoup d’intérêt.

Commentant cette tendance, l’expert n’a pas caché ses craintes, affirmant que les banques marocaines s’attendent du jour au lendemain à un coup sûr sans savoir d’où va-t-il venir et quand l’attaque va avoir lieu.

C’est le moment d’aller de l’avant tout en s’inspirant des expériences pilotes dans ce domaine, a-t-il dit, citant le cas de l’Estonie, ce petit pays dans le Nord de l’Europe de 1,3 million d’habitants, qui propose depuis quelques années un statut de « e-résident » afin d’attirer les entrepreneurs. Une démarche d’une redoutable simplicité, qui lui a permis d’attirer d’importants investissements dans le pays.

N’est-il pas donc temps de faire avec « les révolutionnaires » du digital au lieu d’attendre qu’ils nous marchent dessus?

M’Barek Tafsi

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