Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
Si la fuite de Bachar al-Assad a été accueillie avec un grand soulagement et a rassuré de nombreux syriens, elle a aussi suscité une immense frayeur au sein de la communauté «alaouite» dont est issu l’ancien chef de l’Etat, qui craint que la «fitna» – à savoir, la discorde – qui pourrait s’installer, dans le pays, ne lui fasse payer les «pots cassés» par l’ancien régime en la punissant, sans discernement, pour les «crimes» commis par le clan al-Assad depuis plus de cinq décennies et notamment pour ceux dont s’est rendu coupable l’ancien président depuis le déclenchement de la guerre civile en 2011.
Avec des effectifs estimés à 1,7 million de personnes, soit à 9% de la population totale du pays, la communauté alaouite, qui est un courant dissident du chiisme et qui constituait, selon le politologue Francis Balanche, la «garde prétorienne» de l’ancien régime, a peur pour son avenir et redoute une marginalisation ou des représailles après avoir été livrée à elle-même depuis la fuite du président et de ses proches qu’elle considère comme étant une trahison.
Mais, bien que, depuis leur prise du pouvoir, les nouvelles autorités se sont attelées à éviter l’explosion des violences intra-confessionnelles, les récentes manifestations qui ont eu lieu, à l’appel de la communauté alaouite, dans plusieurs villes et notamment dans ses bastions des régions de Tartous et Lattaquié à l’ouest du pays, se sont soldées par la mort de 17 personnes d’après l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) parmi lesquels 14 appartiendraient au ministère de l’intérieur, selon un communiqué du nouveau ministre, Mohammed Abdel Rahman qui a, également, fait état de 10 blessés.
Autres faits marquants ; à Tartous, sur la côte méditerranéenne, 14 membres des forces de sécurité du nouveau régime sont tombés dans l’«embuscade» qui leur a été tendue, ce mercredi, par des membres de la communauté alaouite, au moment où ils ont essayé de perquisitionner le domicile d’un officier de Bachar al-Assad qui était aussi l’un des principaux responsables de la sinistre prison de Saidnaya et, le même jour, des «milliers d’alaouites» ont manifesté leur colère après la diffusion d’une vidéo montrant le saccage d’un sanctuaire alaouite à Alep, au cours duquel cinq employés auraient été tués selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
Désireuses d’apaiser les tensions, les nouvelles autorités, qui ont multiplié les gestes d’assurance envers toutes les minorités d’un pays traumatisé par treize ans d’une guerre civile dévastatrice, déclenchée en 2011 par la répression brutale de manifestations prodémocratie, et qui a fait plus de 500.000 morts, ont publié un communiqué dans lequel elles ont tenu à préciser qu’il s’agit d’une « ancienne » vidéo qui date de la prise de la ville d’Alep le 1er Décembre, dont les protagonistes sont des «groupes inconnus» et dont la diffusion n’a pas d’autre objectif que celui de «semer la discorde parmi le peuple syrien».
Il semblerait, enfin, qu’avec le référentiel islamiste qui leur colle à la peau en dépit du fait que, dès 2016, ils s’étaient officiellement débarrassés de la « tunique jihadiste », les dirigeants de Hay’at Tahrir al-Sham, qui sont les nouveaux maîtres de la Syrie post-Assad, auront bien du mal à rassurer une population multiconfessionnelle meurtrie par 53 ans de dictature et 13 années de guerre civile mais attendons pour voir…