Taïwan au cœur du bras-de-fer entre Pékin et Paris…

«Nous sommes opposés à toute vente d’arme ou échange militaire ou sécuritaire avec la région de Taïwan (…) Nous exhortons la France (…) à annuler son projet de vente d’armes à Taïwan afin d’éviter de nuire aux relations sino-françaises».

Tels sont les termes du communiqué transmis, ce mardi, par le ministère chinois des Affaires étrangères à l’Agence France-Presse à travers lequel Pékin met en garde Paris contre un contrat d’armement passé avec Taïwan après que la marine taïwanaise ait indiqué, dans un communiqué en date du 7 avril dernier, qu’elle comptait moderniser les frégates acquises auprès de la France.

Pour rappel, en 1991, Paris avait vendu à Taïwan des frégates Lafayette pour la somme de 2 milliards d’euros. Or, cette vente avait provoqué un gel des relations diplomatiques sino-françaises car, pour Pékin, ce territoire insulaire est une province chinoise avec laquelle aucun pays ne peut entretenir des relations officielles.

Taïwan qui, en 1949, après l’accession des communistes au pouvoir en Chine continentale, était devenue le refuge des nationalistes du Kuomintang, est un sujet ultra-sensible pour la République populaire de Chine si bien que tout échange entrepris par un pays étranger avec ce territoire qui compte 23 millions d’habitants et qui est soumis, depuis lors, à un régime différent de celui du continent, est formellement condamné par Pékin qui l’assimile à un soutien au séparatisme taïwanais.

Une source proche du dossier a confirmé à l’AFP qu’un contrat de plus de 800 millions de dollars taïwanais (24,6 millions d’euros) a été passé avec Paris par le ministère taïwanais de la Défense pour la modernisation des lanceurs qui équipent lesdites frégates. Refusant, toutefois, de se laisser intimider par les menaces de la Chine, le ministère français des Affaires étrangères, a balayé d’un revers de manche, ce mercredi, les critiques faites par cette dernière et l’a invitée à concentrer ses efforts sur les moyens d’endiguer la pandémie du nouveau coronavirus et non pas sur une ancienne querelle qui n’a plus aucune raison d’être.

A l’heure où Taïwan a lancé un vaste programme de modernisation de ses armées, le contrat passé avec Paris ne peut pas être considéré par Pékin comme étant autre chose qu’une sérieuse provocation et un fâcheux précédent dont l’Allemagne, l’Italie et même les Pays-Bas pourraient tirer profit.

Mais l’outrage fait à Pékin, qui ne cesse de nourrir le patriotisme à l’effet de protéger son « intégrité territoriale », risque d’être mal perçu par son opinion publique qui pourra y voir l’incapacité de l’Empire du milieu à «récupérer» Taïwan et appeler, en conséquence, au boycott des produits français (luxe, agro-alimentaire, grande distribution). Et si, par ailleurs, pour lui dissimuler cette information, Pékin ne l’a point diffusée dans les médias officiels du pays, il y a fort à parier que les taïwanais vont faire en sorte que la nouvelle soit connue de tous sur le continent et plus vite qu’on le pense.

Enfin, avec une économie fragilisée et se trouvant accusée de tous les maux pour n’avoir pas pu juguler la pandémie du coronavirus, la Chine va devoir mettre de l’eau dans son vin pour ne point se mettre à dos une France qui est, avant tout, son allié principal au sein de l’Union européenne. Or, en adoptant cette position elle prend le risque de froisser son opinion publique et sera appelée, en conséquence, à jouer le rôle du parfait équilibriste. Y parviendra-t-elle ? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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