Qui veut la peau de « Maroc 2026 »?

Sans être partisan de la théorie du complot qui fait fureur dans le monde à chaque fois que le pays de l’oncle Sam se trouve impliqué dans une quelconque entreprise, il est désormais évident que quelqu’un veut la peau de Maroc 2026. Les critères du système de notation de la Task Force, chargée d’évaluer les candidatures, n’ont été communiqués à la partie marocaine qu’à 48h du délai limite du dépôt des dossiers. Et si l’on se fie à ces critères, il vaudrait mieux attribuer la coupe du Monde aux Etats-Unis pour les 50 prochaines années…

A force de scander l’honnêteté et l’équité à répétition, la FIFA anime les suspicions, à tort ou à raison. L’insistance de Gianni Infantino sur le «scrupuleusement juste et honnête» lorsqu’il évoque le processus de sélection du pays hôte de la Coupe du monde de 2026 s’est heurtée au mur de la transparence, au point d’éveiller des soupçons autour de l’usage de tactiques sournoises de la FIFA sur le système de notation utilisé pour évaluer les deux prétendants.

La pomme de discorde a été révélée dans une lettre adressée par le président de la FRMF, Faouzi Lakjâa, au patron de la FIFA. Dans la missive en date du 25 mars et dont nous avons reçu une copie, Lakjaâ fait part des «inquiétudes de la FRMF concernant l’équité et la transparence de la procédure de candidature».

L’histoire a commencé en 2017, lorsque la FIFA a transmis à la FRMF des informations sur les règlements et procédures de candidature, avec notamment la mise en place d’une Task Force chargée d’évaluer les candidatures sur la base d’un système de notation de 0 à 5.

Selon la lettre, la fédération marocaine a demandé à plusieurs reprises à la FIFA et ce, dès le 6 décembre 2017, de recevoir la méthodologie détaillée du processus de notation et ses conditions d’application par la dite Task Force. En conséquence, «vous n’ignorez pas en effet que ces informations étaient de nature à orienter tout ou partie du contenu du dossier de candidature qui était en cours de constitution par la FRMF», est-il expliqué, comme pour reprocher à la FIFA d’avoir forcé le Maroc à s’assujettir au fait accompli car à la «très grande surprise» de Lakjaâ, le document de 50 pages détaillant le système de notation n’a été transmis à la partie marocain que le «14 mars 2018 à 16h18», soit moins de 48h avant la date limite réglementaire fixée au 16 mars à 17h00, «une date qui ne permettait plus, matériellement, la moindre prise en compte du système de notation par la FRMF dans la préparation de son dossier de candidature».

L’on imagine ainsi facilement la stupéfaction des membres du Comité marocain de Candidature et celle du patron de la FRMF, car le document reçu «ajoute de nouveaux critères techniques qui ne figuraient pas dans les prescriptions transmises initialement par la FIFA», voire pire car «il modifie certains critères existants et impose de nouvelles règles/limitations», des éléments qui n’ont jamais été portés à la connaissance de la FRMF durant la préparation de son dossier de candidature.

N’est-il pas ainsi légitime pour la partie marocaine de s’étonner du désir de la FIFA d’assurer un vote «scrupuleusement juste et honnête» comme se plaît à le scander son patron à qui veuille bien l’entendre, surtout que par rapport aux exigences initiales de l’institution internationale, les déviations majeures apportées par le système de notation concernent, au volet de l’hébergement, la modification des jauges d’hôtels requises et l’introduction d’un plafonnement de l’augmentation admissible du parc à l’horizon 2026. Idem pour les stades, à travers l’introduction d’un «risque de durabilité des infrastructures» et d’un autre lié «aux nouvelles constructions», et pour les aéroports avec l’exigence d’au moins 60 millions de passagers par an alors qu’aucune capacité n’était mentionnée auparavant. S’y ajoutent la limitation de 90 minutes maximales en guise de distance entre la ville et l’aéroport et l’exigence pour la première fois d’une taille minimale d’une ville hôte (250.000 habitants pour un score de 2 pts).

Il devient clair comme de l’eau de roche que la connaissance de ces éléments en amont de la procédure de candidature aurait été de nature à déterminer les orientations que le Comité marocain aurait suivi dans la préparation de son dossier, aboutissant à un autre contenu que celui actuel.

La FRMF a donc «la conviction» que ce système de notation «n’est pas conforme aux exigences des règlements relatifs à la candidature et la sélection des pays hôtes», se demandant même, «est-il exclu pour la FRMF d’accepter que la FIFA puisse introduire des différences substantielles aux exigences initiales à un stade critique et tardif de la procédure de candidature»?

Enfin, la lettre du patron de la FRMF chute un ton strict, en s’opposant «fermement à ce que le Scoring System soit maintenu en l’état et encore moins publié par la FIFA», et en considérant que «toute action dans ce sens serait inéquitable», pour inviter Infantino par la suite à «prendre en considération nos sérieuses inquiétude et notre position légitime» et de «bien vouloir donner instructions (aux) équipes (de la FIFA) de sursoir à la publication de ce Scoring System».

Iliasse El Mesnaoui

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