A l’approche de l’anniversaire du déclenchement du Hirak
Les Algériens assistent, «impuissants», à une «fermeture totale de l’information et son contrôle quasi-total par le pouvoir», a dénoncé le chercheur algérien, Djidjeli Nacer.
«Après quelques velléités d’un printemps médiatique très éphémère, nous assistons impuissants à une fermeture totale de l’information et son contrôle quasi-totale par le pouvoir», regrette-t-il dans une contribution intitulée «La gouvernance par la peur : contre interview», publiée samedi par le site d’information «TSA».
Dans cet article, en réaction à une «pseudo-interview», qui «s’apparente plus à un tract de propagande qu’à un travail de journaliste» que le ministre algérien de la Communication et porte-parole du gouvernement avait donné récemment à un quotidien algérien privé, le chercheur rappelle «la véritable crise frisant l’hystérie» qui avait frappé les dirigeants algériens quand le parlement européen avait dénoncé il n’y a pas si longtemps le non-respect des droits de l’Homme dans leur pays.
«En dehors de la confusion que font nos dirigeants entre parlement et commission européenne, de l’éternelle rhétorique du danger extérieur qui nous guette, des pays qui nous jalousent», il se demande : «Qu’en est-il réellement des droits de l’Homme dans mon pays?»
Censure d’internet, fermeture de médias et des journaux en ligne le plus souvent sans aucune décision de justice avec comme principal chef d’accusation avoir déplu au pouvoir en place, énumère-t-il, faisant état de médias publics, télévisions, radios complètement verrouillés.
A part les communiqués dithyrambiques louant la pertinence des actions du pouvoir en place et la vigilance de l’armée populaire nationale, l’auteur dit lancer un défi à quiconque de trouver la moindre opinion contraire à la feuille de route tracée par le pouvoir.
«Le nettoyage est parfait, invités triés sur le volet, journalistes ronronnant et complaisant, une véritable glaciation a figé les rédactions», fait-il observer.
Tout en relevant que la peur plane dorénavant sur les rédactions, il estime que même la presse privée, jadis espace de liberté, tétanisée par les menaces financières qui pèsent sur elle, a fini par s’auto-censurer et rentrer dans les rangs.
Selon lui, la menace d’arrêter par simple fait du prince, l’octroi de la publicité étatique à un journal qui ne plait pas, véritable arme de dissuasion massive a eu raison des plus récalcitrants.
«Avis aux amateurs, tel semblait être le message du pouvoir. Et apparemment ce message a été reçu cinq sur cinq par les intéressés, le paysage médiatique s’est complètement figé», fait-il remarquer, notant que cette gouvernance par la peur s’est même traduite clairement dans cette pseudo interview par tout un paragraphe de menaces même pas voilées, égrenées par le ministre algérien de la communication et porte-parole du gouvernement.
M. Nacer soutient que ce haut responsable reprend dans le détail une série d’articles du code pénal avec les peines de prison, les amendes qui attendent tout citoyen qui voudrait user de son droit constitutionnel de manifester pacifiquement.
«Hallucinant, du jamais vu !!!», s’indigne l’auteur de l’article, estimant que le message est clair au cas où des citoyens à l’approche de l’anniversaire du déclenchement du Hirak aurait l’idée saugrenue de vouloir manifester, ils sont avertis de ce qui les attend.
«Comment peut-on nous faire croire encore alors que les mosquées, restaurants, cafés etc, sont rouverts, que les manifestations publiques pacifiques garanties par la Constitution constituent encore un danger pour les citoyens ?, s’interroge encore avec inquiétude ce professeur de chirurgie pédiatrique.
Il relève, par ailleurs, «un fait caricatural de l’ineptie» du système judiciaire algérien qu’est cet «incroyable procès» du jeune étudiant Walid Nekiche.
Il rappelle qu’on est passé d’un réquisitoire d’un procureur demandant la perpétuité contre un jeune étudiant à sa libération le lendemain car son dossier était finalement vide.
Pour le chercheur, «cette inconsistance et cette légèreté de la justice nous fait peur et devrait faire honte à la justice».
Il souligne qu’évidemment, cette affaire n’intéresse ni «notre ministre ni son pseudo-intervieweur qui n’en soufflent pas un mot sûrement trop occupés à menacer les hirakistes», rappelant que ce jeune étudiant a passé néanmoins 14 mois de détention préventive sans jugement.
«C’est vrai que sous la pression médiatique et des avocats le parquet a décidé d’ouvrir une enquête préliminaire, mais nous n’avons entendu ni le président de la république, ni le premier ministre ni monsieur le ministre de la communication porte-parole du gouvernement, ni le ministre de la Justice s’exprimer sur cette affaire d’une extrême gravité», déplore-t-il.
Cette accusation de torture et de sévices sexuels à l’encontre de ce jeune étudiant est d’une extrême gravité car elle interpelle le subconscient et la mémoire collective des Algériens marqués par les affres du colonialisme et de la décennie noire, note-t-il.
M. Nacer indique avoir cité le cas de Walid Nekiche, mais des dizaines de citoyens, étudiants, journalistes croupissent dans les prisons du pouvoir pour délits d’opinions, le plus souvent sans jugement et dans des conditions abominables.
«Évidemment de tout cela pas un mot de la part de notre vaillant journaliste intervieweur ou du ministre interviewé», observe-t-il.