Brahim El Mazned : «la célébration ne doit pas rester dans sa dimension folklorique»

Les Ṛṛways ont désormais une Anthologie…

Mohamed Nait Youssef

Un temps fort de l’année. Une date importante dans le calendrier des amazighs du Maroc et même  ailleurs. En effet, pour Brahim El Mazned, manager culturel, directeur artistique et organisateur de nombreuses manifestations musicales, «Id Yennayer» est une tradition rurale hivernale célébrée depuis longtemps. «Les amazighs sont très attachés à cette fête depuis des milliers d’années », a-t-il dit.

Et d’ajouter : «cette tradition prend ces trente dernières années plus de place avec une organisation dans les différentes villes. Puis, la portée de la chose amazighe dans sa composante à la fois politique, sociale et culturelle  approuve à quel point les marocains sont très  attachés à cette célébration qui est une célébration hivernale mais qui a une portée symbolique». Selon le directeur de l’entreprise culturelle Anya, beaucoup de familles marocaines la célèbrent d’abord dans leur intimité, mais beaucoup de gens les fêtent aussi dans l’espace public.

«Il faut considérer cette fête comme une chance pour le Maroc parce que les gens  sont encore attachés à des célébrations millénaires. Aujourd’hui, il faut le dire, cette tradition n’est plus uniquement amazighe mais elle réunit aussi des gens des autres cultures ; au moment où  beaucoup de pays à  travers le monde cherchent tout ce qui peut prouver leur identité dans leur patrimoine et leur héritage immatériel», a-t-il fait savoir.

Pour nous, poursuit-il, c’est une chance d’avoir cette date. Car, au-delà du symbole, affirme-t-il, c’est une étape qui nous permet aussi de voir où en est-on avec une composante essentielle de notre société qui est la question amazighe.

«Il ne faut pas que cette célébration soit restée seulement dans l’intime, mais plutôt une célébration nationale puisque beaucoup s’y attachent. Et ça rejoint aussi la mise en œuvre de nos diversités. En d’autres termes, cette célébration ne doit pas rester uniquement dans sa dimension folklorique», a-t-il fait savoir.

Yennayer, une fenêtre pour les artistes amazighs

Yennayer,  c’est aussi la fête, la musique, les chants et les rythmes. Ce rendez vous important de l’année est une occasion idoine pour de nombreuses voix amazighes de briller de mille feux sur les scènes et dans les différents espaces culturels d’ici et d’ailleurs.  «C’est une opportunité pour beaucoup d’artistes amazighs qui sont très sollicités au Maroc et même ailleurs pour se produire à l’occasion de cette fête à laquelle même les élus français répondent  pour des raisons parfois électoralistes ou de pression  des composantes amazighes pour mettre en place les outils et les places municipales pour pouvoir célébrer Yennayer », nous confie le directeur artistique du Festival Timitar des Musiques du Monde.  Cette année, a-t-il affirmé, c’est un manque à gagner pour nos artistes.

L’anthologie des Ṛṛways

Un événement ! L’Anthologie «Ṛṛways, Voyage dans l’univers des poètes chanteurs itinérants amazighes »,  produite par l’association Atlas Azawan et portée et éditée par la structure culturelle Anya, vient d’enrichir la bibliothèque musicale nationale. Un travail énorme ayant vu le jour en 2070.

«C’est l’une des riches traditions musicales du Maroc, mais qui est quelque part en danger parce que cette communauté qui n’est pas habituée aux plateformes digitales, et qui commencent pour des raisons précaires d’enregistrer des choses qui ne sont pas forcement de grande qualité », nous confie Brahim El Mazned.

Selon ce dernier, le paysage musical marocain commence à perdre les sonorités des Ṛṛways. Maintenant  avec  la disparition de l’objet parce qu’on va vers le digital, il faut conserver et préserver ce qui  reste. Pour ce faire, El Mazned et son staff ont invité des artistes qui ont forcement arrêté parce qu’ils sont dépassés par ce qui se passe au niveau de l’industrie musicale avec la disparition des labels et la disparition de l’objet sachant qu’une bonne partie de ces artistes ont arrêté d’enregistrer parce qu’ils n’ont plus les moyens.

Un beau projet artistique. Ce coffret de 10 albums avec 100 titres enregistrés par plus de 80 artistes, s’offrir et à offrir. Il est à rappeler que cette Anthologie composée de 3 livrets de 120 pages, en arabe, français et anglais est un hymne au patrimoine musical national.

«On a  pris cette communauté pour les enregistrer, prendre les meilleurs de ce qu’ils ont fait dans  leurs carrières, et ce afin de nourrir la bibliothèque musicale nationale tout en faisant de cet coffret un objet académique pour tous ceux qui souhaitent chercher parce que l’intérêt de cette anthologie n’est pas immédiat non plus, mais dans les années à venir», nous explique El Mazned. Et d’ajouter : «On l’a fait  dans un très bel objet pour que  les responsables puissent prendre aussi leur part de responsabilité, que ça soit au niveau du Ministère ou au niveau de la région où il y a cette tradition musicale, notamment à Agadir, à Casablanca ou à Marrakech pour réfléchir ensemble sur comment faire pour que cette riche tradition musicale et patrimoine immatériel puissent continuer, parce que c’est ça qui fait l’identité plurielle de notre pays».

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