«Tassanou Tayrinou», hymne à l’amour, à la poésie et au chant amazighs

«Tassanou Tayrinou » est le nouveau documentaire du réalisateur Kamal Hachkar qui a été diffusé dimanche 5 février sur 2M. Le jeune réalisateur a sillonné les villes du sud-est du Maroc à la quête de la définition de l’amour chez les Amazighs. Dans ce travail, Kamal rend hommage à deux figures emblématiques de l’art de la chanson et de la poésie amazighes à savoir M’ririda N’Ait Attik et Hadda Ouâkki. Un road-movie musical et un périple artistique de Tinghir à Demnate en passant par Magdaz qui braque la lumière sur les valeurs humaines et l’héritage artistique partagés par les Marocains. Les propos.

Al Bayane : «Tassanou Tayrinou» est un documentaire inspiré des chants de Tassaoute amont de M’ririda N’Ait Attik. De prime d’abord, parlez-nous de cette découverte, de cette poétesse que bon nombre de Marocains ne connaissent pas?

Kamal Hachkar : J’ai été bercé par les chants d’Ahidous, car chaque été à Tinghir, j’assistais à des mariages. Et du coup, je demandais aux gens qu’ils me traduisent ce que les hommes et les femmes disaient. Je trouvais que les paroles étaient extrêmement libres. Je voulais rendre hommage effectivement à ces musiques qui ont bercé mon enfance.  Et M’ririda N’Ait Attik, que je ne connaissais pas auparavant,  je l’ai  découverte juste avant de commencer à  réfléchir sur  ce que j’allais raconter comme histoire dans ce film. Je me suis retrouvée dans un Riad amazigh à Meknès, dans la bibliothèque des chants de la Tassaoute de René Euloge. Là, j’ai commencé à lire le prologue de René Euloge et les poèmes de M’ririda N’Ait Attik. J’ai trouvé cette poétesse mystérieuse et fascinante.

Dans le film, j’avais envie d’imaginer cette femme du Maroc le plus profond, la famille du bout du monde en train de chanter et déclamer ses textes. Elle était analphabète. On a perdu sa trace après la seconde guerre mondiale. Je trouve aussi qu’elle avait quelque chose d’original comme quelqu’un le dit d’ailleurs dans le film : «une personnalité singulière». Je voulais  rendre hommage  à  ce personnage et  surtout, ce qui m’intéressait d’ailleurs dans mon travail cinématographique c’était de mettre en lumière et en valeur des gens et des histoires qu’on a oubliés tout comme l’histoire de la coexistence juive/berbère à Tinghir.

Je trouve anormal que des poétesses comme M’ririda N’Ait Attik ne soit pas enseignées à l’école par exemple. Je crois que si on veut que les Marocains se réapproprient leur histoire, il faudrait aussi qu’on puisse transmettre cet héritage poétique et historique à l’école.

«Des histoires et des hommes » est un road-movie musical sur le thème de l’amour. Pourquoi le choix de la musique ? Est-ce un choix esthétique?

Quand Ali’n m’a proposé ce projet avec 2M, j’ai commencé à écrire. Je me suis demandé ce que j’allais raconter à travers ce documentaire. Je me suis plongée dans mes racines de Marocain et je me suis inspirée des musiques des Amazighs et des Marocains d’une manière générale. Effectivement, nous les Marocains sommes baignés tout le temps dans la musique : lors des fêtes de mariage, de circoncision… et les soirées chez les Amazighs.

Cette richesse se perd. Heureusement qu’il y’a des gens comme René Euloge, instituteur français, sans qui les textes de M’ririda n’auraient jamais été chantés et traduits en amazigh. Grâce à sa trouvaille, amis Moha Mellal et Omar Nait Said ont traduit ces textes pour sauvegarder la mémoire de M’ririda. Je crois qu’il faudrait que ces textes soient traduits notamment par l’IRCAM et pourquoi pas être interprétés par des artistes.

Dans le documentaire, vous avez rendu un vibrant hommage à la diva de la chanson amazighe Hadda Ouâkki. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette diva?

Comment j’ai découvert Hadda Ouâkki? J’étais chez moi à Mellab, je préparais mon petit déjeuner. Une amie à moi, Rkia El Baz m’a envoyé une chanson de Hadda Ouaki que j’ai écoutée. Aussitôt, j’ai commencé à pleurer d’émotions. J’étais submergé car ça  me rappelait mon père qui l’écoutait dans sa voiture sur la route Paris/ Tinghir. Pendant les trois jours de voyage, nous écoutions Rouicha, Hadda Ouâkki. Ce sentiment nostalgique qui m’a envahi m’a poussé à faire des recherches sur internet. J’ai trouvé que son histoire était extrêmement intéressante. Un jour je suis allé à Meknès, j’ai rencontré mon ami Fatima Attif.

Je lui ai parlé de ma découverte de Hadda Ouâkki dont elle avait fait la connaissance lors d’un festival à Walili. Elle m’a organisé un rendez-vous avec le musicien Zahraoui.  J’ai parlé avec Hadda qui m’a invité à Azrou. Je suis allé chez elle l’été dernier et c’était le coup de foudre. C’est un personnage qui mérite d’être mis en avant.

Mohamed Nait Youssef

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