Une initiative des grandes Fondations politiques nationales
M’Barek Tafsi
Réunies, samedi 24 avril au siège national du PPS à Rabat, dans le cadre d’une conférence d’introduction à une série d’autres rencontres qui vont suivre, sept Fondations nationales et Centres nationaux portant les noms de grands leaders politiques et nationalistes de renommée, ont « lancé un appel à toutes les forces vives du pays pour un dialogue national global autour de l’édification d’un Maroc nouveau, un Maroc de la citoyenneté renouvelée», selon les termes de l’allocution, présentée au nom des ces organisations par Ismail Alaoui, ancien premier président de la Fondation Ali Yata.
L’organisation de cette rencontre est l’aboutissement d’un long processus préparatoire et d’une série de réunions, de débats et de consultations entre les représentants de ces fondations et centres: la Fondation Allal El Fassi, la Fondation Abderrahim Bouabid, la Fondation Ali Yata, la Fondation Aboubakr Al Kadiri pour la pensée et la culture, la Fondation Mohamed Abed Al Jabiri pour la pensée et la culture, le Centre Mohamed Bensaid Ait Idder pour les recherches et les études, le Centre Mohamed Hassan Al Ouazzani pour la démocratie et le développement humain.
D’autres fondations ont exprimé leur soutien à cette initiative dont l’Académie Mehdi Ben Barka, la Fondation Abdelhadi Boutaleb, la Fondation Abdelkhalek Torres et l’Association des démocrates marocains en Belgique, a fait savoir Moulay Ismail Alaoui, qui a rappelé que la porte est ouverte à tous les acteurs qui désirent adhérer à cet appel.
Un nouveau projet pour un contrat social renouvelé
Le lancement de cet appel pour un Maroc de la citoyenneté renouvelée, a-t-il noté, a notamment pour but de s’assurer la mobilisation des citoyennes et citoyens et de leur réaction positive, de renforcer la confiance et de créer les conditions nécessaires au succès d’un nouveau projet qui devra constituer le socle d’un contrat social renouvelé.
Pour ses initiateurs, il s’agit d’œuvrer pour renforcer la mobilisation nationale pour parvenir à l’édification collective d’une citoyenneté renouvelée et à l’immunisation du pays.
Après moult échanges et débats, les participants à cette initiative ont convenu de lancer le présent appel dans le but de combler le vide et de créer les conditions propices au débat et au dialogue sans dogmatisme ou rigidité intellectuelle, a-t-il ajouté.
L’initiative lancée n’est ni figée ni fermée sur elle-même. Elle n’est dirigée contre personne.
Une initiative ouverte
C’est une initiative nationale ouverte sur tous les acteurs et toutes les capacités du pays et à toutes les propositions qui vont dans le sens des grands desseins qui encadrent son action collective.
Les initiateurs de cette action ont convenu pour ce faire d’organiser une série de rencontres et des conférences thématiques autour d’un ensemble de grandes questions fondamentales.
Cet appel est lancé à tous ceux qui sont en charge de la chose publique pour ouvrir un dialogue autour du devenir du pays qui devra porter dans les quelque semaines à venir sur certaines axes concernant les réformes politiques qui s’imposent, le moyen de donner une contenance productive et convaincante à la démocratie au niveau local, régional et national, a-t-il dit. Ce dialogue devra porter aussi sur les mesures politiques et juridiques susceptibles de mettre le pays sur les bons rails pour mettre fin à la prévarication et à la corruption et lutter contre l’abus de pouvoir ainsi que sur les décisions à prendre pour renforcer l’indépendance de la justice, consacrer les libertés et préserver les droits civiles sans oublier les exigences de développement de services publics de qualité dans tous les domaines en particulier de l’enseignement et de la santé.
Au-delà de leur action, les représentants des fondations à l’origine de cette initiative ne sont mus que par leur sens supérieur de responsabilité et par leur patriotisme sincère, a-t-il souligné, ajoutant qu’il s’agit aussi pour eux de rendre hommage et d’exprimer leur reconnaissance aux grands leaders et personnalités qui ont donné leurs noms.
Le Vide à combler
C’est pour ce faire, que les représentants de ces fondations ont estimé qu’il est temps d’agir de manière collective et dans un esprit unitaire pour combler le vide et appeler à un débat public et au dialogue pour un Maroc de la citoyenneté renouvelée.
Les citoyennes et les citoyens aspirent en effet à l’édification d’un Maroc de la démocratie, de l’égalité, de la liberté et de la justice sociale suivant une approche évoluée, a-t-il indiqué.
Ils aspirent à un changement en mesure de satisfaire leurs attentes et d’impacter positivement leurs conditions de vie et ce en dépit des efforts déployés dans les différents domaines nationaux.
Le Maroc des grands chantiers
Parmi ces chantiers figure en premier le dossier de l’intégrité territoriale du pays, qui a connu récemment des développements positifs, qui constituent en fait un tournant historique décisif et un indicateur fort qui présagent de grands changements devant renforcer davantage la dynamique de la préservation de la marocanité du Sahara marocain et rapprocher l’espoir des peuples de la région d’édifier le Grand Maghreb avec ses cinq pays.
Parmi les autres initiatives salutaires, il a cité notamment l’approche poursuivie pour la généralisation de la couverture sociale au profit des citoyennes et citoyens à l’horizon 2025, soulignant que ce grand chantier revêt une importance majeure pour jeter les bases d’un projet sociétal fondé sur la dignité et la justice sociale.
Il a également fait état du développement notable qu’a connu l’infrastructure du pays, soulignant qu’il s’agit de réalisations appréciables à tous points de vue.
Les insuffisances
Toutefois et nonobstant toutes ces réalisations, a-t-il commenté en toute objectivité et sans surenchère gratuite, il importe de reconnaitre les insuffisances et les lacunes constatables au niveau social et dans les programmes de lutte contre la précarité. Selon lui, il s’agit d’échecs qui trouvent leur explication dans l’approfondissement des disparités sociales et spatiales, l’aggravation du sous développement et de l’exclusion sociale et l’exacerbation des sentiments de privation et de misère chez un grand nombre citoyennes et citoyens. Ce sont là, a-t-il expliqué, les résultats de la mauvaise répartition de la richesse nationale et de l’inefficacité des politiques publiques dépourvues de performances, en raison du manque de convergence et de l’incompatibilité entre les exigences économiques et le besoin de la justice sociale dans le but de parvenir à un développement durable et global.
De larges couches sociales sont négativement impactées par cette situation en particulier les couches pauvres et celles vivant dans une situation de précarité, a-t-il affirmé, faisant remarquer que nombreuses sont les couches qui recourent à tous les moyens pour subvenir à leurs besoins au détriment notamment de l’équilibre écologique et de la préservation des ressources naturelles du pays.
Un constat inquiétant
C’est pourquoi, il est permis d’affirmer que le Maroc vit depuis des années dans une situation pour le moins inquiétante qui interpelle tous les acteurs et toutes les forces vives du pays, a-t-il dit, ajoutant que la pandémie du Covid-19 est venue approfondir la précarité et dévoiler au grand jour les limites et l’incapacité des options adoptées pour la gestion de la chose publique.
Selon lui, le redressement de la situation qui se détériore de plus en plus requiert notamment la création des conditions nécessaires au lancement d’un débat national global entre les composantes du Maroc, peuple et Etat, dans le but de promouvoir un climat propice à cet exercice.
La confiance perdue
Il est en effet indispensable de restaurer la confiance dans le relation entre la société et les institutions du pays, a-t-il dit, notant que de nombreuses études et recherches académiques et de nombreux rapports émanant d’institutions de l’Etat (Conseil économique social et environnemental, Institut royal des études stratégiques) indiquent que l’érosion et la perte de confiance sont la plus grande fissure et la cassure dont souffrent le pays.
Ce qui explique pourquoi tous les plans de l’Etat et tous les efforts consentis en matière de financement des projets de développement humain ou pour réduire les disparités régionales ou humaines, ou combattre les risques de déséquilibre écologique ne produisent pas les résultats escomptés au profit des couches ciblées.
Désespoir et mécontentenment
Ce qui se traduit évidemment par l’exacerbation du désespoir, les déceptions et finalement par la perte de confiance, a-t-il expliqué, estimant que le dialogue constructif, tel que prévu dans la Constitution de 2011 est le seul moyen de remédier à cette situation. Ce dialogue doit se dérouler dans le respect de la différence et de la diversité des opinions, selon la Constitution.
L’Etat en question ?
Dans le cadre de cet échange, il est indispensable pour l’Etat, avec toutes ses composantes administratives et élues, d’écouter les cris du mécontentement et des douleurs des citoyens, qui montent de temps en temps des fonds de la société, pour éviter les comportements négatifs qui se manifestent à travers des épisodes de tension ou même des confrontations, a-t-il noté.
De tels comportements se traduisent aussi par l’adoption de positions négatives à l’égard de la chose publique de la part des citoyennes et citoyens qui finissent par bouder les élections, a-t-il ajouté, faisant observer que ceci aboutit aussi à réduire le rôle de la médiation entre les société et l’Etat dévolu en principe aux organisations partisanes, syndicales et civiles.
Il n’y a pas d’autre moyen de remédier à cet état de fait que le recours au dialogue et au débat, dont l’acceptation représente une valeur civilisationnelle fondatrice de la modernité des nations et des peuples, a-t-il martelé.
Il n’y a pas de voie de traiter positivement la diversité de l’acte de la société marocaine et de la différence intellectuelle et politique des élites que le recours au dialogue dans le respect de toutes les opinions et des idées, a-t-il souligné.
Au-delà de cet exercice, il s’agit de parvenir à l’édification du Maroc moderne de la citoyenneté renouvelée pour lui permettre de faire face à tous les défis auxquels il est confronté, car on est loin du Maroc fondé sur les appartenances tribales qui avait lui aussi cédé la place au Maroc des liaisons spirituelles.
La citoyenneté renouvelée est un projet ambitieux à réaliser pour l’édification d’un Maroc productif, solidaire, démocratique et garant de toutes les libertés, un Etat de Droit et d’égalité de tous devant la loi, riche par sa diversité et sa vivacité, a-t-il souligné.
Réactions de l’assistance
Réagissant à cet argumentaire exposé par Moulay Ismail Alaoui, de nombreux intervenants ont souligné le bien-fondé de cette initiative louable visant à redresser la situation et à lancer le débat autour des moyens de relancer le processus démocratiques sur de nouveaux rails.
Il en est du Pr. Abd El Filali El Ansari, selon lequel les réactions violentes aux revendications légitimes traduisent l’échec des thèses néolibérales en vigueur au Maroc depuis 2005.
Pour sa part, Dr. Lahlou a suggéré aux auteurs de cette initiative de ne pas omettre de tenir compte dans leur réflexion de la politique géopolitique du Maroc.
Pour un autre intervenant, tous les représentants des Fondations nationales doivent en principe se reconnaitre dans le document exposé.
Quant au Pr. Noureddine Afaya, il a estimé que l’appel lancé par Moulay Ismail Alaoui constitue en fait une véritable déclaration, qui constitue une plateforme au dialogue souhaité autour du nouveau modèle de développement.
Intervenant au nom de la fondation Mohamed Abded El Jabiri, Pr. Hasna Abou Zaid a indiqué que cette initiative a pour but majeure de débattre des moyens de rétablir la confiance.
Prenant la parole au nom de la fondation Ali Yata, Azzouz Senhaji a souligné qu’il s’agit pour les auteurs de cette initiative de parvenir à un dialogue qui devra déboucher sur un nouveau contrat social.
Sans renier les réalisations positives accomplies par le Maroc, le projet attire toutefois l’attention sur les insuffisances, a-t-il dit, notant que le premier message à retenir de cette initiative a trait à l’importance de l’action unitaire pour garantir au projet de dialogue et de débat des grandes questions du pays la continuité requise.
L’autre message de cette action porte sur le rétablissement de la confiance à travers le dialogue et le respect de la différence et de la diversité des opinions et des idées, a-t-il indiqué.
Pr. Ahmed Ouihmane a estimé de son coté que le succès de cette initiative sera conditionné par le degré d’indépendance des Fondations qui l’ont lancé.
Quant au Pr. Mohamed Chaouki, directeur de la Fondation Abdelhadi Boutaleb, il a souligné l’adhésion de son organisation à cette initiative à l’instar du Pr Othmane B. au nom de l’Académie de Mehdi Ben Barka, qui a appelé à ne pas rééditer l’expérience ratée de la Koutla.
Eclairage supplémentaire
Dans un souci d’éclairer davantage les motifs de cette initiative, Mohamed Achaari a pris la parole au nom de la Fondation d’Abderrahim Bouabid pour souligner que l’absence de débat et de dialogue affaiblit la possibilité pour le pays de s’en sortir.
Evoquant le cas des élections, il a indiqué qu’elles n’intéressent en fait que les acteurs politiques en contrepartie de la nonchalance des citoyens, car l’Etat ne les écoute pas obligeant les citoyens à bouder tout ce qu’il entreprend.
Pour sa part, l’Etat veuille à respecter la périodicité de ces élections, tout en évitant de faire fonctionner les instruments de la participation citoyenne (pétitions, motions, etc….).
Au niveau des collectivités territoriales, aucun effort n’est fait pour informer les citoyens ou les faire participer aux décisions prises, sachant que la démocratie participative est en mesure de venir en aide à la démocratie représentative.
Ce qui explique les raisons pour lesquelles les citoyens ont perdu leur confiance dans les institutions étatiques.
A terme, a-t-il ajouté, l’on est aussi en train de préparer la mort de la démocratie tout court.
Pour les initiateurs de l’actuel appel pour un Maroc de la citoyenneté renouvelée, ils estiment qu’il est temps d’agir pour sauver la démocratie, à travers notamment le changement de la relation entre gouvernés et gouvernants et le partage de la responsabilité, en attendant le nouveau modèle de développement, dont la mise en œuvre requiert le développement de la démocratie participative et le respect des libertés et des droits pour permettre aux citoyens de s’en approprier les vertus, les données et les objectifs.
Au nom de la Fondation Allal El Fassi, Abdelouahed El Fassi a réitéré le bien-fondé du projet et le soutien de la fondation au même titre que Pr. N. Chakir au nom de la Fondation Hassan Ouazzani.
Il en est aussi de Khalid El Kadiri, au nom de la Fondation Abou Bakr El Kadiri, de Khalid Soufiani, au nom de la Fondation Mohamed Abed El Jabiri et de Said Bensaid Alaoui au nom de Cermbensaid.