Diana Holding : la forteresse de la viticulture marocaine

Acteur majeur de l’industrie agroalimentaire, le groupe familial Diana Holding consolide et développe sa présence au Maroc depuis plus de 50 ans. C’est en 1956, sous l’impulsion de Brahim Zniber que la première graine de l’histoire du groupe a été semée.

Les relations familiales facilitent les affaires

En effet, c’est en 1956 qu’a démarré l’aventure agricole de Brahim Zniber avec l’acquisition du Domaine «Aît Harzallah» dans la région de Meknès, d’une superficie de 740 hectares. Dans une interview accordée en 2009 à un hebdomadaire de la place, Brahim Zniber déclarait «qu’il avait bénéficié d’un crédit de la Caisse fédérale pour acheter ce terrain, et avait eu recours à la Compagnie Marocaine de Crédit et de Banque (ancêtre du groupe Wafabank) pour acheter le matériel». Mais surtout que «ces facilités de financement, il les doit à la réputation de sa famille et à ses connexions avec les nouveaux dirigeants du Maroc indépendant». Plus encore, il rapporte dans ce même entretien qu’un patron de banque lui a dit à l’époque qu’il n’aurait pas eu un sou s’il n’était pas le fils de Taher Zniber, qui était responsable de la Koutla nationale, ancêtre du Parti de l’Istiqlal.  Ces témoignages de feu Brahim Zniber montrent que le réseau et les relations familiales jouent un rôle déterminant dans le bon fonctionnement des affaires.

Stratégie de diversification

En 1964, Brahim Zniber crée les Celliers de Meknès qui exploitent, aujourd’hui, plus de 2 000 hectares de vignes, soit cinq domaines viticoles répartis sur les trois plus prestigieuses appellations du Maroc : l’AOG Guerrouane, l’AOG Béni M’tir et la seule AOC du pays et les Coteaux de l’Atlas. La filière, les Celliers de Meknès contrôle plus de 85% du marché du vin, avec une production annuelle de 35 millions de bouteilles. Le groupe familial a, aussi, investi au milieu des années 1970 dans Atlas bottlingcompany (ABC), le premier embouteilleur Coca-Cola au Maroc. Présent dans le domaine de l’aviculture, il possède aussi notamment la Société nouvelle de volailles (SNV), spécialisée dans les aliments composés. Diana Holding fut créée en 1986 pour piloter l’ensemble des sociétés agricoles et industrielles de la famille Brahim Zniber. Ainsi, la holding s’est spécialisée dans l’agroalimentaire notamment dans les huiles comestibles, la vinification, la transformation de viande et les pépinières commerciales. Par ailleurs, Diana Holding opère dans le tourisme, via sa filiale K’ozi Bar, dans le textile (Société de confection industrielle du littoral), la production de fruits (Fruitness, Riad de la clémentine), l’huile d’olive (Maasera Brahim Zniber) ou encore dans la construction (Ferdaous construction). Depuis, ce conglomérat familial s’est engagé dans un vaste programme d’investissements et de diversification de ses activités.

Réussir la transmission

De Directoire et Conseil de surveillance, Diana holding est revenu au modèle de Société Anonyme à Conseil d’Administration, avec à sa tête en tant que PDG, Rita Maria Zniber, épouse de Brahim Zniber. Celle-ci occupait le poste de Présidente du Conseil de Surveillance jusqu’au 04 avril 2014. Mme Zniber a décidé de faire de Diana Holding un acteur mondial de la production de vins et de spiritueux. Et, son premier grand pas vers cette volonté d’internationaliser l’entreprise fondée par son mari, qui ne remonte qu’en mai dernier, a vu son groupe devenir l’actionnaire de référence du français Belvédère, faisant passer par ricochet le groupe français de spiritueux Belvédère sous pavillon marocain. Pour la famille Zniber, il s’agira d’un placement patrimonial à hauteur de 13,1%, à l’époque estimé entre 13 et 15 millions d’euros.

En mai 2016, Diana Holding se lance dans l’industrie de la conserverie de poissons, en s’offrant la société Atlantic Sardine anchovies Tan Tan, faisant partie du groupe El Jabri. L’opération devrait se traduire par l’investissement dans une nouvelle unité de conserves de sardines et de maquereaux, basée à Agadir et l’un des premiers exportateurs, focalisée sur l’Europe et les Etats-Unis.

Le groupe Zniber est devenu au fil des ans un des plus importants producteurs agricoles dans le Royaume, avec 8.300 hectares de terres en exploitation, 4.000 emplois directs, soit plus de 1,1 million de journées de travail, sur 25 sites de production. La holding se présente comme le 7e plus important groupe privé au Maroc, avec un chiffre d’affaires de 3 milliards de DH et 6.500 emplois directs.

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Jihane Benslimane, Experte en management Hera Consulting

Al Bayane : Quels sont les spécificités d’une affaire familiale ?

Jihane Benslimane : Selon mon opinion, les dirigeants d’entreprises familiales sont à la quête d’un accroissement de valeur sur du long terme car ceux-ci souhaitent transmettre une entreprise saine à leurs enfants. Cette vision de pérennité met en valeur certains avantages comme la stabilité, la résilience, la frugalité, la prudence et la prise de décision rapide. En effet, d’après certaines études, les PME familiales ont deux fois moins de risque de déposer le bilan que les autres. L’explication est financière dans un premier temps mais aussi psychologique. Lorsque le patrimoine de la famille est en totalité investi dans une entreprise, le risque de s’aventurer dans une spéculation hasardeuse qui mettrait en péril l’emploi et la sécurité de la famille devient trop important. Aussi, en cas de crise ou de difficultés passagères, les entreprises familiales s’en sortent mieux que les autres. Pourquoi ? Tout simplement, les actionnaires familiaux comprennent mieux que d’autres les impératifs de gestion et peuvent réduire, ou supprimer, temporairement les dividendes perçus pour renforcer la solidité de leur entreprise. Par ailleurs, le capitalisme familial est moins gourmand que le capitalisme boursier. Une part non négligeable des bénéfices réalisés est mise de côté, pour renforcer le haut de bilan et la trésorerie. De même, la croissance se fait souvent par autofinancement et grâce au faible taux de distribution des dividendes. Les dirigeants cherchent à faire plus avec moins, ce qui les pousse à être ingénieux et parcimonieux.

Dans une affaire familiale, l’échange entre les dirigeants et les actionnaires est fluide. Aussi, le dialogue est plus humain avec les salariés et représentants syndicaux. Ce qui minimise les difficultés liées aux ressources humaines, qui fidélise, qui mobilise au projet et qui renforce l’esprit d’appartenance des employés à l’entreprise.

Néanmoins, ces nombreux atouts peuvent également se transformer sur la durée en inconvénients. La prudence face à la dette peut aussi devenir un refus obstiné de s’endetter comme le faisaient les prédécesseurs. A trop vouloir se préserver, le dirigeant héritier peut laisser passer certaines opportunités intéressantes.La stabilité qui préserve le patrimoine familial peut se transformer en peur de prendre des risques. La balance risque/bénéfices du dirigeant sera toujours sur le même niveau et entraînera la stagnation du le chiffre d’affaires. Lorsqu’il y a opposition entre actionnaires et dirigeants sur la vision ou la stratégie à mener, il peut y avoir une paralysie totale de l’entreprise complétée d’une dégradation des relations familiales.

Diana Holding est l’une des entreprises familiales qui représentent des success stories ? Quel est le secret?

Au total, trois cents familles d’intérêts environ ont de plus en plus tendance à se structurer sous forme de groupes économiques scindant ainsi, la conception de l’entreprise familiale en deux visions extrêmement opposées : les grands groupes familiaux qui détiennent la fortune du pays et les très petites entreprises qui ne peuvent pas être représentatives de la majorité des entreprises familiales au Maroc. Nous comptons dans la réalité marocaine des parcours exceptionnels d’entrepreneurs stratèges qui ont donné naissance à des success stories d’entreprises familiales comme : Diana Holding, les eaux Oulmès- Holmarcom, Tomates Aîcha, Ynna Holding, BMCE Bank, Akwa Group, Wafabank, Amoud, Addoha, Menara Holding,…

Leur évolution est basée essentiellement sur la passion autour du projet, le fait de ne pas avoir d’autres choix que de réussir ce qui a été entamé par le prédécesseur et ainsi porter avec fierté génération après génération les valeurs et la mission familiales.

Ensuite, ils utilisent positivement la complémentarité entre les membres dirigeants de l’entreprise familiale, le Leadership et l’esprit entrepreneurial de chacun.

Qu’est-ce-qui régit la transmission, surtout lorsque les familles sont grandes?

L’entrepreneur doit s’interroger sur sa motivation et sur le devenir de la société. Elle sera déterminante dans le choix du type de cession. Quand il y a plusieurs candidats dans une grande famille, le choix du successeur s’avère être un exercice difficile pour les chefs d’entreprise. De ce fait, l’élu n’est pas toujours celui auquel tout le monde pense et cela peut créer beaucoup de jalousie et de conflits.

Pour beaucoup de chefs d’entreprise, il ne suffit pas d’avoir donné de son temps pour pouvoir prétendre au trône, il faut aussi démontrer ses capacités à manager, à être le leader. La course au pouvoir démarre généralement assez tôt et s’accentue lorsque le dirigeant en place approche d’un âge «critique».

Nous assistons parfois à des «ratés» dont les origines peuvent être diverses : le choix du mauvais repreneur, un contexte environnemental défavorable (mutations technologiques, secteur d’activité, concurrence), un blocage ou la pression des actionnaires et une difficulté de transmission liée aux cédants (présence trop étouffante, mainmise sur le pouvoir).

Kaoutar Khennach

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