Expropriations et démolitions à l’Océan : Les députés montent au créneau

Rabat en pleine mutation

Najib Amrani

Alors que les bulldozers continuent de transformer le paysage du quartier de l’Océan à Rabat, la colère gronde. Nadia Touhami et Rachid Hamouni, du groupe parlementaire du PPS, interpellent le gouvernement sur la légitimité des expropriations, dénonçant une opacité persistante et des pratiques jugées abusives. Entre défense de l’intérêt général et respect des droits des citoyens, le débat s’enflamme sous la Coupole. Le bras de fer entre citoyens, élus et autorités s’annonce long. À l’Océan, chaque maison qui tombe ravive la détermination de ceux qui refusent de voir leur quartier disparaître sans résistance. La bataille pour la mémoire et la justice ne fait que commencer.

Le quartier de l’Océan, à Rabat, est méconnaissable. Les façades colorées et les petites ruelles animées laissent peu à peu place à des terrains vagues, témoins silencieux des démolitions qui s’enchaînent. Ce bouleversement urbain, censé servir des projets d’utilité publique, suscite une vague d’indignation qui a fini par franchir les portes du Parlement. Plusieurs députés, toutes tendances politiques confondues, ont adressé des lettres ouvertes au gouvernement, dénonçant des méthodes qu’ils qualifient de « brutales » et « arbitraires ». Ces courriers, empreints d’émotion mais aussi de fermeté, interpellent sur le sort des habitants délogés, souvent sans alternative viable ni indemnisation jugée équitable.

Les élus s’accordent sur un point : si l’intérêt général peut justifier certaines expropriations, encore faut-il que les procédures respectent le cadre légal et, surtout, les droits fondamentaux des citoyens. Plusieurs lettres évoquent des familles expulsées du jour au lendemain, sans préavis clair ni solution de relogement adaptée. « Il est inacceptable que des citoyens se retrouvent à la rue sans compensation adéquate ni accompagnement social », martèle un député de l’opposition.

Certains parlementaires pointent également du doigt l’absence de concertation avec les riverains. « Les habitants découvrent la destruction de leur maison au bruit des engins de chantier », s’indigne une élue. Elle dénonce une politique du fait accompli, où la communication se limite à des arrêtés municipaux placardés tardivement.

Autre sujet brûlant soulevé par les députés : la distinction entre les expropriations pour cause d’utilité publique et les accords de gré à gré conclus avec certains propriétaires. Plusieurs lettres s’interrogent sur la différence de traitement entre les citoyens. « Pourquoi certains obtiennent-ils des compensations généreuses et d’autres sont-ils contraints d’accepter des montants dérisoires ? » demande un député. La question de la transparence des transactions est sur toutes les lèvres.

Certains soupçonnent même l’existence d’arrangements profitant à une poignée de privilégiés, au détriment des habitants modestes du quartier. « Nous exigeons une enquête indépendante pour faire la lumière sur ces pratiques », réclame un collectif de députés dans une lettre commune.

Le gouvernement, de son côté, défend la nécessité de ces transformations pour accompagner le développement de Rabat, capitale en pleine expansion. Les autorités assurent que les projets en cours – infrastructures routières, espaces verts, équipements publics – amélioreront la qualité de vie des habitants à long terme.

Mais pour les députés signataires des lettres, la modernisation ne doit pas se faire au prix de l’effacement de l’histoire et de l’identité des quartiers populaires. « Le quartier de l’Océan est une mémoire vivante de la ville. Le détruire sans réfléchir à sa réhabilitation, c’est arracher une partie de l’âme de Rabat », déplore un parlementaire.

Face à la pression parlementaire, le ministre de l’Aménagement du territoire a promis une « évaluation approfondie » des procédures en cours. Toutefois, aucun chantier n’a été suspendu à ce jour, et les habitants continuent de vivre dans l’incertitude.

Les députés, eux, ne comptent pas en rester là. Plusieurs d’entre eux envisagent de déposer une proposition de loi visant à encadrer plus strictement les expropriations, en imposant notamment une obligation de relogement systématique et une transparence totale sur les indemnisations.

Le bras de fer entre citoyens, élus et autorités s’annonce long. À l’Océan, chaque maison qui tombe ravive la détermination de ceux qui refusent de voir leur quartier disparaître sans résistance. La bataille pour la mémoire et la justice ne fait que commencer.

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