Mohamed Nait Youssef
Elle est poétesse, chanteuse, danseuse, interprète, compositrice et défenseuse acharnée de la culture amazighe. Fatima Tabaamrant a incarné le modèle d’une artiste amazighe autodidacte et engagée. De son vrai nom, Fatima Chahou est née en 1962 à Id Salm, dans la région du Souss, au milieu des montagnes de l’anti-Atlas. Une enfance difficile. Orpheline de mère à l’âge de trois ans. Un mariage forcé à l’âge de 15 ans. L’artiste a trouvé dans la poésie son échappatoire.
Très jeune déjà, elle s’est mise à écrire ses premiers textes, à l’âge de 14 ans. Il fallait attendre l’année 1983 pour que la chanteuse fasse ses débuts sur la scène artistique amazighe en entamant une carrière artistique prometteuse aux côtés de l’artiste Raiss Jamaâ El Hamid, et par la suite avec les troupes de musique comme celles des Rwayes Said Achtouk et Moulay Mohamed Belfkih. A la fin 1985, sa vie artistique connaitra un véritable changement, notamment avec l’enregistrement de son premier album où elle avait interprété ses propres poèmes avant de se lancer une nouvelle aventure musicale en créant sa propre formation musicale, et ce en 1990. Tabaamrant, depuis les débuts de sa carrière, a développé une passion pour le verbe et la poésie avec plus de 160 poèmes à son actif.
Elle écrivait ses textes avant de les chanter. «Je n’ai jamais chanté une chance sans l’avoir écrite. J’écrivais toutes mes chansons, sauf une seule de mon premier album sorti en 1985», a-t-elle confie. Dans les nouvelles chansons de l’album, en l’occurrence «Adur Talat» «Atbir amzigh», la chanteuse fait appel à l’amour de la vie et à la vénération des valeurs humaines et celle de la société. Une militante acharnée des droits et des arts amazighs, la chanteuse n’a ménagé aucun effort pour défendre sa culture et son identité par le biais de l’écriture poétique et de la musique. En 1991, l’artiste a défendu l’enseignement de la langue amazighe aux enfants des marocains d’ici et d’ailleurs.
Pour Tabaamrant, la musique amazighe n’est pas uniquement une simple passion, mais aussi un héritage à préserver. Notamment contre l’ennemi de tous les temps : le piratage. «Qu’il s’agisse de compositeurs, poètes ou de chanteurs, il y a un phénomène dangereux qui ne date pas d’aujourd’hui : le piratage sous toutes ses formes : électronique ou des marchés. J’espère que tous les artistes font face à cette vague permanente du piratage.», exhorte-t-elle. A cela s’ajoute l’entrave de l’archivage de la chanson amazighe. «Aujourd’hui, il y a un problème qui touche également tous les artistes, à savoir que les producteurs sont en faillite et qu’ils exercent d’autres métiers. Personnellement, j’ai sauvegardé tout mon héritage.
Il y a un problème d’archivage de la musique amazighe, délaissée à son sort.», déplore-t-elle. La diffusion reste un des problèmes auxquels fait face la chanson amazighe. «Je souffre encore du problème de diffusion, et ce depuis des années.», conclut-elle. Pour la chanteuse, l’art est un message qui reste après la mort physique de son créateur ; aussi est-il, selon elle, une boussole pour chaque société, et une bougie qui illumine les voies de nombre de gens dans la vie. Fatima Tabaamrant a interprété ses fameux titres dont «Izd Atiwizi Tamazight», «Allah Achahwa Tghlit», «Tirra n yils», «Rwaht Awdi », «Tayri Nnoun A Yamarg», «Afrak», «Ighab L’ghaib», «Isgharn Dwamane», et bien d’autres sur les différentes scènes au Maroc et à l’étranger.