La résilience africaine face au Coronavirus ne peut pour le moment être étudiée qu’au vu de la résilience structurelle des pays africains, c’est-à-dire leurs propres capacités à faire face à la pandémie, souligne un récent article du think-tank marocain Policy Center for the New South (PCNS) intitulé «la résilience en Afrique face aux crises : Cas du Covid-19».
«Politologues, économistes, médias, politiciens et sociologues s’accordent à annoncer un drame futur en Afrique, du fait de la dissémination du virus Covid-19. Pourtant, en dehors des Afriques des extrêmes (Nord et Sud), le continent semble, pour le moment, relativement épargné par rapport à l’ampleur du désastre aux Etats-Unis d’Amérique (USA) et en Europe, mais aussi en Chine», écrit l’auteur de l’article, Abdelhak Bassou, Senior Fellow au PCNS.
Au vu des instruments généraux de résilience (infrastructure, cadres, niveau de recherche, niveau économique, capacités de coordination et structures de gestion de crise), l’Afrique ne parait pas présenter des facteurs de résilience face à la crise mondiale du Coronavirus, fait-il observer.
«La crise trouve l’Afrique dans un état d’indigence grave en termes d’infrastructures sanitaires. De plus, son économie se trouvera affectée au plus haut point», affirme le chercheur, relevant que l’arrêt des structures industrielles dans le monde diminue la demande en matières premières, d’où une chute des prix de ces ressources minières et pétrolières.
Et de relever que le tourisme, source de revenus de plusieurs pays africains, est bloqué par le gel de la circulation entre pays du monde et les transferts financiers des diasporas se trouvent affectés par la crise dans les pays de séjour.
Pour faire face à la crise sanitaire ou limiter ses retombées économiques, l’Afrique ne peut compter que sur une aide conséquente de la communauté internationale, estime M. Bassou, précisant que la résilience du continent à la crise est en fonction de la dimension de l’aide des autres pays.
«Reste à savoir si, devant le Covid-19, les autres pays sont en mesure de fournir une aide conséquente, à un moment où eux-mêmes font face à des manques flagrants en moyens de lutte ?», s’interroge-t-il.
Toujours concernant la résilience en Afrique, M. Bassou écrit qu’au niveau structurel, la faiblesse des infrastructures, aussi bien dans les domaines du transport, de l’éducation, de la santé et de la communication, représente une vulnérabilité importante et un handicap majeur au développement de la résilience dans plusieurs pays africains.
«L’insuffisance en cadres formés et à même de faire face aux crises dans les domaines de la gouvernance, de la sécurité et de l’économie, aggrave la vulnérabilité et affaiblit la résilience. Des cerveaux africains préfèrent s’expatrier pour différentes raisons et leur génie profite aux pays où ils se sont établis. Il en résulte que le niveau de la recherche, du développement et de l’innovation est très précaire dans le continent (…)», fait-il observer.
Quant au niveau de la résilience organisationnelle, il estime que les problèmes de gouvernance que connaissent certains pays du continent entravent l’établissement d’un processus de prise de décision assurant à la fois fiabilité et rapidité, caractéristiques indispensables à l’organisation en temps de crise.
«Le manque de structure de communication et de couverture, par les autorités, de l’ensemble de leur territoire nuit à la coordination sur le terrain en temps de catastrophe ou de crise», analyse-t-il, notant que «si les capitales sont au centre des mesures de réponse aux catastrophes, les périphéries souffrent souvent de leur éloignement des centres de décision».
Évoquant le caractère dépendant de la résilience en Afrique, M. Bassou relève que les pays du continent sont en effet «très dépendants» de l’extérieur pour surmonter les affres d’une catastrophe.
Si la solidarité internationale est un facteur nécessaire pour tous les pays du monde, cet apport n’est qu’un complément aux capacités intrinsèques dans les pays développés, note-t-il.
«En Afrique, l’essentiel des actions et moyens pour faire face à une calamité reste dépendant du soutien extérieur», révèle-t-il, faisant savoir que «cette aide n’arrivant généralement pas à temps, les pays africains subissent de lourdes pertes avant que la solidarité internationale ne franchisse les lourdeurs administratives et ne surmonte les difficultés logistiques».
Et de conclure que le seul véritable salut de l’Afrique face à la pandémie est, selon lui, qu’elle soit épargnée ou que la propagation se limite à des dimensions contrôlables par les seuls moyens de bord locaux.