«Même s’il a perdu son califat territorial, l’Etat islamique en Irak et en Syrie a renforcé ses capacités insurrectionnelles en Irak et a repris ses activités en Syrie ce trimestre».
C’est ce qui ressort ce mardi d’un document émanant du Pentagone. Publié deux semaines après qu’un rapport de l’ONU ait alerté sur une «éventuelle résurgence» de l’organisation terroriste, le texte rédigé par le Pentagone évoque la «solidification des capacités d’insurrection du groupe armé en Syrie» et note, par ailleurs, que l’organisation terroriste a pu «regrouper et soutenir des opérations» dans les deux pays car les forces locales se trouvent dans l’incapacité «de maintenir des opérations à long terme, de conduire des opérations simultanément ou de garder le territoire qu’elles ont dégagé».
Pour rappel, après avoir annoncé, à la fin de l’année 2018, une «victoire totale» contre l’organisation jihadiste, Trump avait retiré quelques 2000 soldats américains ne laissant que quelques troupes au nord-est de la Syrie – une région qui échappe au contrôle des militaires de Bachar Al-Assad – et demandé aux autres forces de la coalition de renforcer leur présence dans la zone. Cette décision qui n’était pas du goût du Secrétaire d’Etat à la Défense Jim Mattis, avait «contraint» ce dernier à la démission.
Annoncée à diverses reprises, la fin de l’organisation Etat islamique en Syrie n’a donc toujours pas vu le jour car, tel phénix, le groupe terroriste, maintes fois militairement vaincu, renaît toujours de ses cendres et, si l’on en croit Thomas Pierret, chargé de recherche au CNRS, spécialiste des mouvements islamistes et du conflit syrien, il pourrait même «se maintenir dans les contextes les plus défavorables» du fait de sa «longue expérience de la clandestinité».
Dans son rapport, le Pentagone fait, également, état de la multiplication des «cellules dormantes» du groupe en Syrie et son redéploiement dans une partie du désert de l’Anbar où se cacheraient probablement son chef Abou Bakr Al Baghdadi et ses lieutenants. Ainsi, bien qu’ayant été affaiblie, l’organisation jihadiste conserverait une très forte capacité de nuisance.
Il semblerait même qu’elle se soit renforcée après que le retrait partiel des forces américaines malgré les incessantes demandes par lesquelles les Forces démocratiques syriennes sollicitaient Washington de leur prodiguer la formation requise et de leur fournir plus «d’équipements pour les opérations anti-insurrectionnelles» afin de pouvoir faire face aux quelques 14.000 à 18.000 combattants jihadistes – dont près de 3.000 étrangers – qui seraient encore présents en Irak et en Syrie.
Ainsi, pour se maintenir en Irak, l’organisation Etat islamique attise les rivalités interethniques entre Kurdes et Arabes et l’opposition interconfessionnelle entre les chiites qui détiennent le pouvoir et les sunnites qui en ont été écartés après la chute de Saddam Hussein.
En Syrie, le groupe utilise la fragmentation du pays pour s’octroyer une certaine marge de manœuvre notamment au nord-ouest du pays dans les zones tenues par les kurdes alors que le retrait américain a fortement fragilisé les Forces Démocratiques Syriennes ; cette armée qui, en étant principalement dirigée par les kurdes, ne disposera pas, à Raqqa, Hasakah et Deir Ezzor du soutien des populations locales – en majorité arabes – qui l’assimileront à une armée d’occupation.
Enfin, cinq mois après la reprise de Baghouz aux combattants de l’organisation Etat islamique et la déclaration triomphante de Trump faisant état d’une «victoire à 100% sur le califat», l’organisation terroriste semble disposer encore d’une très forte capacité de nuisance. De quoi donc demain sera-t-il fait dans la poudrière du Levant ? Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi