Les travailleurs journaliers, victimes oubliés de l’état d’urgence

Karim Ben Amar

L’état d’urgence sanitaire est entré en vigueur au Maroc le vendredi 20 mars à 18h. Depuis, tout comme plus de la moitié de la planète, les marocains et résidents, sont appelés à rester confinés chez eux, seul moyen efficace pour endiguer la Covid-19. De ce fait, l’activité commerciale est en chute constante. Plusieurs corps de métier connaissent une crise sans précédant. C’est le cas des travailleurs journaliers que l’on retrouve à l’entrée des marchés dans tout le pays: Plombier, électricien, maçon. Tous attendent un hypothétique client pour conjurer le sort et ne pas rentrer  bredouille, comme c’est la plupart du temps le cas depuis le début de la crise sanitaire mondiale. A cet effet, l’équipe d’Al Bayane est entrée en contact avec des travailleurs journaliers postés au marché Bourgogne. Entre crise sanitaire et crise économique, ils nous disent tout. Reportage.

Depuis le vendredi 20 mars à 18h, date d’application de l’état d’urgence sanitaire, les Marocains, à l’instar de plus de la moitié de la planète, sont appelés à respecter scrupuleusement le confinement obligatoire, seul moyen efficace pour endiguer la pandémie mondiale liée au nouveau coronavirus.

Les agents de police, d’autorité ainsi que l’armée sont en première ligne dès les prémices de cette crise sanitaire mondiale. Ces corps sont les premiers à être exposés à ce virus mortel apparu en Chine dans la ville de Wuhan, en décembre 2019.

Mais il est à noter que plusieurs autres corps de métier sont réellement exposés aux risques de contamination au Covid-19. Parmi eux, les travailleurs journaliers qui risquent fortuitement la contagion, puisque ils passent le plus clair de leur temps, dans la rue, dans l’attente d’un éventuel client.  Bien que les gestes barrières sont respectés à la lettre, le risque zéro n’existe pas. Les précautions sont certes, de mises dans tous les marchés du pays, mais les travailleurs journaliers encourent tout de même un véritable risque de contamination.

Au-delà de leur sécurité, les journaliers s’inquiètent aussi pour les rentrées d’argent qui ont fondu comme neige au soleil. Tous s’accordent à dire que s’ils décident de se rendre au marché, c’est plus pour éviter les disputes de couple plutôt que d’espérer trouver un client.

Adil, un électricien d’une quarantaine d’années a déclaré que «Notre activité a connu un véritable déclin depuis le début de cette crise sanitaire. Les clients se font tellement rares, et donc pour nous autres, les rentrées d’argent aussi».

Mais bien que l’activité soit en berne, les factures d’eau et d’électricité ainsi que le loyer doivent être payées. «Au vu de la conjoncture actuelle, il est très délicat pour nous autres de pouvoir subvenir à nos besoins primaires. Concernant les charges fixes, c’est une autre histoire. Nous n’avons plus les moyens de les payer».

«Depuis le mois de mai, mon épouse, mes enfants et moi-même avons déménagé chez ma belle-famille, car je ne pouvais plus payer le loyer, et je supportais très mal les remontrances du propriétaire qui venait réclamer son argent» affirme-t-il.

Même en temps de crise, la solidarité marocaine est au rendez-vous. Il y a une véritable entraide entre les travailleurs journaliers. «Malgré les moments difficile que nous traversons, à l’instar de plusieurs corps de métiers dans notre pays, la solidarité prime. Seul un journalier peut se mettre à la place d’un autre ». Et d’ajouter «lorsqu’ un client sollicite l’un de nous, et bien que ce soit une tâche qui nécessite pas plus d’un homme, nous partons toujours à deux, et nous nous partageons la paye».

«Ainsi sur les 12 journaliers présents sur la marché Bourgogne, nous essayons de faire en sorte que chacun d’entre-nous rentre chez lui avec une somme d’argent, bien que modique», conclut-il.

Mustapha, un jeune carreleur âgé d’une vingtaine d’années, a souligné en réponse à une question d’Al Bayane qu’«hors période de pandémie, un journalier gagne entre 2500 et 3000 dhs par mois en moyenne. Depuis le 20 mars, date du début de l’état d’urgence sanitaire, pour atteindre le somme de 500 ou 700 dhs mensuellement, c’est la croix et la bannière».

«Mais honnêtement, je comprends les familles qui ne veulent pas prendre le risque d’engager un journalier par les temps qui courent. Je connais un monsieur qui a préféré s’éclairer à la bougie plutôt que de faire rentrer un journalier dans son foyer. Il m’a confié qu’il n’allait faire appel à un technicien qu’après la fin de l’état d’urgence sanitaire», rapporte-il.

Concernant les aides de l’état, les journaliers ont affirmé qu’une infime minorité a pu en bénéficier. Pour le reste, seul la solidarité du corps de métier leur permet de surmonter cette crise.

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