Une « magnifique consécration » selon Macky Sall
Un jeune écrivain inconnu du grand public et une star des ventes: le Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr a remporté mercredi le Goncourt, avec « La plus secrète mémoire des hommes », et la Belge Amélie Nothomb le prix Renaudot pour « Premier sang ».
Mohamed Mbougar Sarr devient le premier écrivain d’Afrique subsaharienne à être distingué par le plus prestigieux des prix littéraires français. Il est aussi, à 31 ans, un des plus jeunes lauréats.
Le président sénégalais Macky Sall s’est réjoui de cette récompense, sur Twitter, y voyant une « belle consécration qui illustre la tradition d’excellence des hommes et femmes de Lettres sénégalais ».
Comme Amélie Nothomb pour le Renaudot, Mohamed Mbougar Sarr faisait figure de favori, désigné comme tel par les journalistes littéraires qu’avait interrogés la revue Livres Hebdo.
Il l’a emporté dès le premier tour, avec six voix sur les dix du jury. « Je ressens beaucoup de joie. Tout simplement », a-t-il déclaré devant la presse. « Il n’y a pas d’âge en littérature. On peut arriver très jeune, ou à 67 ans, à 30 ans, à 70 ans et pourtant être très ancien ».
« Avec ce jeune auteur, on est revenu aux fondamentaux du testament du Goncourt. 31 ans, quelques livres devant lui. Espérons que le Goncourt ne lui coupera pas son désir de poursuivre », a affirmé le secrétaire de l’Académie, Philippe Claudel.
D’autres voix sont allées au Français Sorj Chalandon pour « Enfant de salaud » et au Haïtien Louis-Philippe Dalembert pour « Milwaukee Blues ». Aucune ne s’est portée sur Christine Angot avec « Le Voyage dans l’Est », qui avait remporté la semaine précédente le prix Médicis, ce qui compromettait ses chances.
Après une édition 2020 par visioconférence, le Goncourt était remis, comme le veut la tradition, au restaurant Drouant, dans le quartier de l’Opéra à Paris.
Son président, Didier Decoin, qui n’avait pas caché son admiration pour le roman de Mohamed Mbougar Sarr, a salué un « très beau livre » et un « hymne à la littérature ». « Ce que j’aime dans la littérature, c’est quand elle ouvre ses fenêtres. Je l’ai lu d’une traite », a-t-il déclaré.
Ce Goncourt était une confrontation entre deux éditeurs puissants, habitués aux récompenses, Grasset (groupe Hachette) et Flammarion (groupe Madrigall), et deux petits indépendants, novices dans ce domaine.
Mohamed Mbougar Sarr et Louis-Philippe Dalembert ont pour point commun d’être défendus par une maison qui porte le nom de celui ou celle qui l’a fondée et la dirige encore.
« Pour un éditeur de ma taille, un petit éditeur qui a moins de 20 ans d’existence, c’est un bonheur extraordinaire, c’est vraiment quelque chose d’indescriptible », s’est réjoui Philippe Rey, l’éditeur du lauréat, à l’AFPTV.
Le prix Goncourt, décerné par un jury de sept hommes et trois femmes, rapporte un chèque de 10 euros, mais il garantit des ventes en centaines de milliers d’exemplaires.
Le sacre en 2020 de « L’Anomalie », roman fantasque d’Hervé Le Tellier, avait généré en librairie un engouement jamais vu depuis « L’Amant » de Marguerite Duras en 1984, avec plus d’un million d’exemplaires vendus.
Cette année, les thèmes étaient plus graves: l’inceste chez Christine Angot, la mythomanie d’un père engagé avec les nazis chez Sorj Chalandon, le racisme et les violences policières chez Louis-Philippe Dalembert… et la difficulté de la littérature africaine à se faire reconnaître chez Mohamed Mbougar Sarr.
Encadré :
« La plus secrète mémoire des hommes », rupture de stock à Dakar
Art, culture et spectacles
Le président sénégalais Macky Sall a salué l’attribution du prix Goncourt à son compatriote Mohamed Mbougar Sarr comme une « magnifique consécration » pour un roman qui était mercredi en rupture de stock dans plusieurs librairies de Dakar.
L’attribution du plus prestigieux des prix littéraires français à cet écrivain de 31 ans est une « magnifique consécration qui illustre la tradition d’excellence des hommes et femmes de lettres sénégalais », a estimé Macky Sall sur Twitter.
Dès l’annonce du prix, les lecteurs à Dakar se sont rués dans les librairies.
« Le stock est épuisé dans nos quatre librairies », a confié à l’AFP une responsable de la librairie « Aux Quatre Vents », une des principales de la capitale sénégalaise, quelques heures après l’annonce du sacre du roman « La plus secrète mémoire des hommes ».
L’ouvrage était vendu 11.000 FCFA (16,70 euros), dans un pays classé parmi les plus pauvres au monde où le salaire minimum est de 75 euros.
La librairie n’a pas donné d’indication sur le nombre d’exemplaires vendus.
Le Goncourt a également dopé les ventes des ouvrages antérieurs de Sarr dont « Terre ceinte » (2014) et « Silence du coeur » (2017). Elles « se sont accélérées depuis l’annonce du sacre », a affirmé à l’AFP Paul Sarr, un autre responsable de la même librairie « Aux Quatre Vents », sans donner de chiffre.