On lisait et on faisait lire Al Bayane

Interrogé sur les souvenirs qu’il garde  des journaux Al Bayane des années 70, Said Sihida, membre du Comité central du Parti du progrès et du socialisme, a rappelé que le journal a vu le jour le 24 novembre 1972 pour prendre le relais de la presse du parti communiste et du parti de la libération et du socialisme.

Dans un entretien accordé à Mohamed Hajjioui, Sihida a souligné qu’avec la légalisation du Parti du progrès et du socialisme deux ans plus tard en 1974, le journal Al Bayane était devenu un quotidien qui accompagne les transformations intervenues dans les années 70, lesquelles ont été marquées par la récupération par le Maroc de ses régions du sud, le lancement du processus démocratique et la libération de plusieurs pays et peuples du joug colonial.

Le journal était la fenêtre, à travers laquelle les militants étaient tenus au courant des nouveautés et positions du parti, de ses analyses et de ses plans d’action. La lecture d’Al Bayane et en particulier, des éditoriaux de Si Ali était le petit café matinal pour bien commencer la journée sans lequel on avait mal à la tête.

 «LISEZ ET FAITES LIRE AL BAYANE»

Mieux encore, on lisait le journal qu’on devait également faire lire par d’autres, à travers notamment les ventes militantes du journal, organisées tous les dimanches et à l’occasion de la fête du travail avec la participation des militants, qui en profitaient pour rencontrer et discuter avec les citoyens pour les convaincre de la qualité des écrits du journal et de la justesse des positions du parti et de son projet social, tout en leur proposant de l’acheter.

Tous les militants participaient à ces opérations, abstraction faite de leurs fonctions ou responsabilités. C’est ainsi que le camarade Taib Chkili, à l’époque directeur de l’hôpital Razi ainsi que le Pr Berrada Mohamed participaient à Salé à cette action de vente et de prise de contact avec les habitants.

Mohamed Rouicha, Mohamed Hayani, Abdelhadi Belkhayat et Nass El Ghiwane chantaient pour le 10e anniversaire du journal :

Sihida a évoqué dans le même ordre d’idées la cérémonie organisée à la Foire internationale de Casablanca, à l’occasion du 10e anniversaire d’Al Bayane, fête qui a duré trois jours et à laquelle ont pris part des délégations du parti venues de toutes les régions du pays. Plusieurs activités ont été organisées durant cette fête qui a été animée par plusieurs artistes et chanteurs tels que les artistes Mohamed Rouicha, Mohamed Hayani, Abdelhadi Belkhayat et Nass El Ghiwane. Un public très nombreux a assisté à la fête dont la modération a été confiée à Taieb Seddiki, qui avait donné, à un certain moment, la parole à Si Ali, dont l’apparition sur scène avait suscité quelques inquiétudes chez certains camarades, qui craignaient une mauvaise réaction du public. Non on s’est trompé. L’allocution de Si Ali, qui avait duré une demi-heure environ, a été suivie avec grande attention par le public et accueillie avec des applaudissements très nourris.

Tous les articles portaient la signature de correspondant

 A l’exception des écrits des dirigeants du parti comme Ali Yata, Abdellah Layachi, Abdelmajid Douieb, Simon Lévy et d’autres, tous les autres articles en particulier ceux envoyés des provinces et régions portaient la signature de correspondant. C’était de la modestie et de l’abnégation, puisque l’écriture et la correspondance du journal étaient considérés comme un devoir militant de la part des militants du parti. C’était aussi une manière d’éviter les poursuites de l’appareil de répression.

Même l’envoi des articles au journal était entouré d’un ensemble de mesures préventives en envoyant via la CTM « hors sacs » leurs enveloppes à Casablanca. Ce qui nécessitait évidemment beaucoup de courage et de sacrifices de la part des militants, qui alimentaient le journal en informations, analyses et commentaires.

Tous les sujets traités dans le journal revêtaient une grande importance auprès du lectorat d’Al Bayane parmi les étudiants, les intellectuels, les femmes, les travailleurs, les fellahs. Ils s’y reconnaissaient tous et le journal publiait des dossiers spéciaux hebdomadaires comme « Al Bayane des jeunes », produit par la JMPS (Jeunesse marocaine du progrès et du socialisme). Je m’occupais de cette page en coordination avec Ahmed Salem Latafi et Moussa Karzazi, qui était bien accueillie par les jeunes, a-t-il dit.

Il y avait aussi «Al Bayane idéologique», que supervisait le camarade Ahmed Boukioud et auquel contribuaient d’autres camarades comme Simon Lévy, Ali Yata, etc…, «Al Bayane de la femme», qui prônait l’émancipation de la femme, à un moment où il était difficile d’en parler, « Al Bayane économique », qui reproduisait les travaux et thèses de grands économistes marocains ayant marqué les débats et les recherches au sein même de l’université marocaine.

 Au niveau des sections, toutes les couvertures des travaux étaient assurées par des camarades en application du principe selon lequel « le journal et un moyen d’organisation » (Lénine).

 Selon Sihida, le journal Al Bayane a aidé le parti dans son œuvre de développement durant et après la clandestinité jusqu’à nos jours. Sans lui, le PPS ne serait peut être pas ce qu’il est maintenant.

 A l’occasion du 1er mai, un numéro spécial d’Al Bayane était publié avec la contribution de tous les militants en rapport avec le milieu syndical. Il reproduit aussi le communiqué du Bureau politique et ses positions sur les questions de la classe ouvrière. Le numéro était vendu durant la marche de l’Union marocaine du travail (UMT).

Selon Sihida, la ligne éditoriale était double, nationaliste et de classe. Les détracteurs du journal s’attaquaient à ses éditoriaux et autres articles de fonds. C’est ainsi que le journal a fait l’objet de saisies répétées et de fermetures pendant de longues durées, et à chaque fois, il renaissait de ses centres pour reprendre le flambeau et ce, jusqu’à ce jour.

 Il ne fait guère de doute que le long et dur combat médiatique du journal se fondait surtout sur la lutte politique et intellectuelle du parti du progrès et du socialisme tout entier, qui tenait à en faire un journal au service de la nation et du peuple.

 C’est pourquoi, Al Bayane est considéré comme une grande école, qui se distingue par sa position particulière au sein du paysage médiatique national. De nombreux journalistes y ont suivi leur formation dont certains exercent toujours.

La célébration du 45ème anniversaire est celle de la maturité

D’après Sihida, la célébration cette année du 45e anniversaire de la naissance du journal Al Bayane constitue d’abord l’aboutissement d’une longue lutte quotidienne et des efforts déployés tous les jours pour sa publication, comme elle représente un hommage à rendre à tous les staffs qui se sont succédé pour lui assurer la pérennité, dans le but de disposer d’une presse objective, responsable et engagée au service des grandes causes du pays et du peuple et des objectifs sociaux et politiques que s’est fixé le parti sans oublier les grandes causes internationales que sont la paix, la sécurité et la coexistence.

Sans le soutien du PPS, et sans les sacrifices de ses militants, Al Bayane ne pouvait guère poursuivre sa mission et atteindre les objectifs qu’il continue de réaliser.

La nouvelle expérience que vit le journal Al Bayane et Bayane Al Yaoum doit être exploitée par les organisations du parti

 Après avoir mis en relief le sérieux et l’importance des efforts consentis par le nouveau staff du journal pour en assurer la publication et en améliorer le contenu, Sihida a estimé nécessaire pour les organisations partisanes d’exploiter comme il se doit la presse du parti au niveau régional, provincial et local dans le but d’intéresser l’opinion publique locale et renforcer l’action partisane dans le cadre du processus d’enracinement et d’ancrage du parti parmi les larges couches populaires. C’est pourquoi, il est impératif de faire publier dans le journal tout ce qui intéresse l’opinion publique locale et d’y défendre les causes légitimes des larges couches populaires comme le recommandait dans ses résolutions le comité central du parti lors de sa 8e session réunie le 30 octobre 2016, sans oublier de dénoncer ce qui doit l’être, saluer ce qui doit l’être, défendre les droits des citoyens, plaider leurs causes et les écouter dans le but évidemment de leur rendre service, mais également de servir le parti et le journal.

Il y va de l’intérêt du pays, de la démocratie, de la justice sociale et de l’édification de l’Etat de Droit et des institutions.

MT

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Akil Macao: «le porte-fanion Rouge d’Al Bayane»

Sa passion pour la photographie n’a d’égal que son amour pour sa petite famille. «Je suis né pour être photographe et rien d’autre», lance-t-il, avec un grand sourire. Et d’ajouter, la photographie, c’est toute ma vie, voire ma bouffée d’oxygène et une manière d’écrire l’histoire à ma façon. Car en fin de compte, le photographe n’est autre qu’un témoin qui relate le cours de l’humanité à sa manière».

Pour ce natif de la ville de Casablanca, wydadi de souche, même s’il a vu le jour au cœur du Derb Kabir, la photo n’immobilise pas l’instant, elle lui donne une deuxième vie. Comme tous les enfants de son quartier, le jeune Macao faisait souvent le déplacement à la place des Sraghna pour contempler les photographes en action. A cette époque, visiteurs et touristes cherchaient à immortaliser leur passage à Casablanca en posant pour les photographes ambulants. «C’était pour moi le plus beau moment de la journée. Parfois, je me mettais de coté et ce, à leur insu… Bref, cela me procurait énormément de plaisir», explique-t-il.

A l’âge de 15 ans, notre photographe va faire connaissance d’Abdellatif Berrada qui possédait un studio à Derb Bouchentouf. Ce dernier va lui proposer de travailler chez lui. «C’est grâce à lui que j’ai appris le b.a.-ba du métier, et ce fut d’ailleurs mon premier job». Après quelques années de labeur et après avoir développé ses compétences, Akil Macao va proposer ses services à plusieurs supports de presse écrite pour assurer la couverture des compétitions de football amateur. Son parcours commence au quotidien Al Bayane», note-t-il, tout en soulignant que cet organe de presse a façonné sa vision du monde. «Al Bayane, c’est plus qu’une école… Al Bayane, c’est ma vie. C’est une expérience qui m’a permis, outre d’aiguiser mes compétences, de rencontrer de grandes personnalités et des militants qui ont fait l’histoire du Royaume, en l’occurrence feu Ali Yata, Ismaïl El Alaoui, Nabil Benabdallah,…», se rappelle-t-il. Qui plus est, ajoute Macao, cette institution m’a permis de poursuivre des formations pour élargir davantage mes connaissances. A l’Institut supérieur de l’information et la communication, Akil Macao a eu le privilège d’assister à des cours de formation donnés par Pascal Rossignol, un photographe de la prestigieuse agence de presse Reuters. «Je n’oublierai jamais le jour où il a dit à mes collègues de rester collés à leurs appareils et d’être souvent patients, tout en leur conseillant de me prendre pour exemple», raconte-t-il. «Ce fut un moment de fierté et de reconnaissance», se souvient-il.

Khalid Darfaf

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