Presse imprimée: le sempiternel jeu de survie!

Les mutations profondes qui ont marqué le champ médiatique ces dernières décennies ont plongé la presse imprimée dans une crise sans précédent. La révolution numérique   agissant comme un rouleau compresseur a favorisé une pullulation de sites électroniques d’information et a complétement chamboulé le comportement du lectorat.

Ce dernier devient de plus en plus féru de l’information instantanée. Ainsi, l’information n’est plus mesurée par sa qualité, son importance ou sa véracité, mais en termes de clics qu’elle génère. Une telle situation a fait que la majorité des annonceurs ont migré vers la sphère digitale, privant la presse imprimée d’une source importante de ses revenus. D’ailleurs, au Maroc, ces recettes n’ont cessé de baisser année après année, ce qui suscite une sérieuse  préoccupation  sur le devenir du secteur.

En termes plus clairs, les recettes publicitaires ont  connu une baisse significative passant de 20% à 10% en seulement trois ans, soit l’équivalent de 600 millions de DH, alors que le lectorat s’effrite. Et la crise imposée par la pandémie due au Covid-19 a aggravé davantage la santé financière des entreprises de presse. Certains parlent même d’un coup d’estocade.  Il faut dire qu’en dépit de la crise imposée par le confinement sanitaire, les journaux imprimés ont continué à assumer leur mission en adoptant le format PDF diffusé gratuitement sur les plateformes électroniques.

Aujourd’hui, «le grand défi est celui de la survie», comme le souligne Bahia Amrani, présidente de la Fédération marocaine des éditeurs des journaux (FMEJ). Pour elle, il faut mettre en place un «Plan Marshall»  pour sauver la presse en général». «Les professionnels doivent le concevoir dans le cadre d’une large concertation et le défendre auprès de tous les potentiels intervenants concernés par sa mise en œuvre», note-t-elle en substance.

Même son de cloche chez Fatima Zahra Ouriaghli, directrice de la publication «Finances News Hebdo» qui met l’accent sur trois composantes pour sauver la presse : les pouvoirs publics, les entreprises de presse et les journalistes. «Ces trois composantes doivent intégrer le rôle que joue la profession pour défendre et protéger la démocratie et la liberté d’expression», indique-t-elle. Et d’ajouter que Fatima Zahra Ouriaghli, directrice de la publication «Finances News Hebdo» «l’Etat est tenu d’accompagner «valablement» les entreprises de presse structurées afin qu’elles puissent s’acquitter de  leur noble mission qui est d’informer juste».

Sauvez la presse, requiert également de revoir le business-modèle. Cela étant, «l’offre gratuite de l’information en se contentant des recettes publicitaires est un modèle caduc», souligne Nourredine Miftah, président de la Commission de l’entreprise de presse et de la mise à niveau du secteur au sein du Conseil national de la presse (CNP).

«Les entreprises de presse doivent diversifier leurs offres pour qu’elles soient partagées entre le format papier et celui PDF», affirme-t-il. Elles sont également  tenues à développer le volet électronique pour se mettre au diapason du diktat technologique et ce en créant  des chaines digitales, des radios en ligne tout en veillant au développement de l’abonnement via le net» insiste le fondateur de l’hebdomadaire arabophone «Al Ayame».

La réhabilitation du champ médiatique devrait aussi être conditionnée par le renforcement des règles déontologiques de la profession. Autre point non moins important est que  le corps journalistique doit s’atteler à la lourde tâche de renforcer l’indépendance du secteur et faire preuve d’un professionnalisme élevé. «Cela ne pourrait se faire sans une véritable requalification du secteur et la mise en place de plans de formation en faveur des journalistes tout en veillant à  instaurer des conditions strictes pour l’accès à la profession»,  insiste notre interlocuteur.

Enfin, la presse papier est aujourd’hui dans l’obligation de se rénover. «Il est impératif qu’elle se réinvente, qu’elle surprenne par des sujets inattendus, des angles de traitement inédits, des interpellations du durable et non de l’éphémère si prisé par le digital», souligne avec insistance Jamal Eddine, président du Réseau Orbicom des Chaires Unesco en communication.

Il avait présidé Le Dialogue national «Médias et société», initié en mars 2010 et publié ses conclusions et recommandations et un plan de réformes et de mise à niveau de la presse. Pour lui, cela devrait se faire conformément à «une logique et une gouvernance de complémentarité entre le papier et le numérique, mais sans mimer celui-ci afin de garder son spécifique rôle par rapport au besoin de savoir la vérité et de la mission de l’offrir complète, intelligible et utile pour le durable de la vie des gens».

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