Rencontre-débat du GPPS et le Forum Parité-Egalité
Plaidoyer pour un code civil et moderne en phase avec les mutations de la société
Reportage réalisé par M’Barek Tafsi
La réforme du code de la famille est un chantier d’envergure, dont le lancement ne doit souffrir d’aucun retard pour mettre fin au déphasage de ce texte vieux de 18 ans avec les changements rapides de la société et aux inégalités que cette loi perpétue à l’encontre de la femme marocaine, a-t-on indiqué lors d’une conférence organisée, mercredi 15 juin par le groupe parlementaire du progrès et du socialisme en partenariat avec le forum Parité-Egalité, une organisation parallèle du PPS.
Au cours de cette manifestation, placée sous le thème : « la réforme du code de la famille…maintenant …et impérativement », les participants sont en effet revenus sur l’évaluation des 18 années d’application de ce code et tenté de présenter des réponses aux questions sociales qui se posent et aux problématiques juridiques que soulève ce texte, qui semble être dépassé par les changements rapides qui s’opèrent au sein de la société. A travers cette rencontre, les organisateurs aspirent notamment à contribuer et à enrichir le débat en cours au sujet de tous les problèmes en rapport avec ce texte, dont certaines dispositions ne sont plus conformes à l’esprit et à la philosophie de la Constitution de 2011, à l’évolution que connait la société marocaine et aux conventions internationales afférentes au sujet ratifiées par le Maroc et publiées au Bulletin Officiel.
Mohammed Nabil Benabdallah, SG du PPS
« Un chantier qui requiert la participation de tous »
Prenant la parole, le Secrétaire Général du PPS Mohammed Nabil Benabdallah a indiqué que la réforme du code de la famille est un chantier urgent, qui requiert pour sa réalisation la participation de tous les acteurs concernés : partis politiques, associations et organisations de la société civile, centres spécialisés et institutions de l’Etat.
Au-delà de l’organisation de cette manifestation, les structures du parti aspirent à faire avancer en douceur les choses dans le but de contribuer à ce chantier d’envergure, comme ce fut le cas en 2004, a-t-il dit.
Pour l’instant et comme indiqué dans l’intitulé de cette rencontre « la réforme du code de la famille maintenant et impérativement », il s’agit d’intensifier le plaidoyer et la mobilisation pour l’élaboration d’une loi plus conforme aux dispositions de la Constitution de 2011 en ce qui a trait notamment à l’égalité homme-femme dans toutes ses dimensions sociale, politique, culturelle et au niveau des droits humains et des valeurs. Pour lui, l’égalité homme-femme est d’une importance cruciale dans le but d’assurer aussi bien au processus de renforcement de la démocratie qu’à l’œuvre du développement du pays toutes les conditions de réussite. Et ce dans la sérénité et le calme et tout en faisant preuve de fermeté, a-t-il expliqué.
Selon lui, il s’agit d’un chantier vital car il porte sur la vie en famille entre les conjoints et dans l’intérêt des enfants dont il faut protéger les droits dans toutes les situations. C’est pourquoi, le PPS plaide pour doter le pays d’un code de la famille moderne en phase avec les nouveautés et les changements qui s’opèrent dans la société.
Charafat Afailal, présidente du Forum Parité-Egalité
« Un chantier urgent et d’une impérieuse nécessité »
Exposant la plateforme de cette conférence, sa modératrice Charafat Afailal, présidente du Forum Parité-Egalité, a d’entrée souligné qu’il s’agit d’un chantier d’une grande urgence et d’une impérieuse nécessité pour doter le pays d’un code aussi avancé que la Constitution de 2011 et qui tient compte des dispositions constitutionnelles, des progrès de la société et des engagements pris dans le cadre de l’adhésion du Maroc aux conventions internationales.
Selon elle, les organisateurs sont animés par la volonté de contribuer sincèrement à la recherche de réponses aux interrogations que soulève à présent le code de la famille du 3 février 2004, dont la réforme avait constitué en son temps un grand pas en avant par rapport à toute une série d’imperfections. Depuis lors, a-t-elle rappelé, le Maroc a connu de grands changements au niveau social et économique et adopté la Constitution de 2011 et tout récemment un nouveau modèle de développement dont il faut désormais tenir compte à travers la réforme des textes juridiques qui encadrent cette évolution, dont en premier lieu le code de la famille.
A travers l’organisation de cette manifestation avec la participation de plusieurs experts et représentants du ministère de la justice et d’organisations de la société civile, les organisateurs confirment leur aspiration à rechercher des réponses aux questions qui se posent dans un esprit d’ouverture, d’écoute, de pondération et de sérénité tout en s’inspirant des enseignements philosophiques et des objectifs modernistes de la Constitution de 2011 concernant notamment l’égalité homme-femme, qu’il importe d’intégrer à tous les niveaux, a-t-elle ajouté.
C’est dans ce cadre d’ailleurs que le PPS avait souligné la nécessité dans une récente proposition de loi d’abroger les articles 20, 21 et 22 de l’actuel code de la famille pour lutter contre le mariage précoce des jeunes filles, un phénomène nuisible qui a pris des proportions alarmantes dans la société. Initialement conçue comme une exception, laissée à l’appréciation du juge, cette pratique du mariage précoce est malheureusement devenue la règle qu’il faut à tout prix combattre à travers l’abrogation des articles précités et qui portent atteinte aux droits de ces enfants dont la place est à l’école et non pas au foyer pour s’occuper des enfants et assumer toutes les responsabilités du ménage qui en découlent.
Il en est aussi de l’incapacité de ce texte, dans sa version actuelle, à faire face aux obstacles qui entravent la réalisation de l’égalité homme-femme entre les conjoints telle que prévue dans la constitution de 2011 et conformément aux conventions internationales ratifiées par le Maroc et aux droits humains dans leur acception universelle, a-t-elle ajouté.
Pour les organisateurs, il s’agit surtout d’élaborer des recommandations visant à la réforme des dispositions actuelles de cette législation dans le but de faire de la famille un véritable noyau pour la promotion d’une société harmonieuse, soudée, équitable, juste et sereine et garante des droits égaux de ses membres et sans discrimination, indépendamment de leurs sexe, couleur ou langue.
C’est pourquoi, il est logique, en ce qui concerne le mariage précoce, d’unifier la législation en fixant l’âge du mariage à 18 ans révolus pour l’homme et la femme et d’abroger pour ce faire l’exception, devenue malheureusement la règle, a-t-elle dit, appelant tous les acteurs à soutenir la proposition du PPS dans ce cadre.
Il est également temps de rechercher des réponses à de nombreuses autres questions concernant notamment la tutelle juridique sur les enfants, les procédures favorables au mari en cas de divorce et la préservation des droits des enfants et de la femme dans cette situation en rapport notamment avec les biens acquis durant le mariage.
Le code actuel ne donne pas non plus de réponses satisfaisantes à plusieurs questions relatives à la garde des enfants et à la préservation de leurs droits et de leur mère et aux conditions compliquées auxquelles les femmes sont confrontées pour espérer bénéficier du fonds du Takafoul familial dont le soutien est somme toute insuffisant.
Elle a également plaidé pour assainir la prochaine version révisée du code de tous les termes et de tous les concepts dévalorisants et attentatoires à la dignité de la femme, émettant l’espoir de parvenir à un consensus, comme ce fut le cas en 2004 autour de la prochaine réforme du code de la famille. Elle a également estimé nécessaire d’ouvrir le débat de manière sereine, pondérée, responsable et plurielle autour des questions de l’héritage, dans le but de tenir compte des principes de l’égalité homme-femme, de la justice et de l’équité et des exigences réelles de la société pour permettre de réaliser davantage de progrès, de développement et de démocratie avec la participation de l’ensemble des citoyennes et des citoyens.
Rachid Hamouni, président du GPPS à la Chambre des représentants
Les députés du PPS disposés à porter les revendications de la société au sein du Parlement
Pour sa part, le président du groupe du progrès et du socialisme à la Chambre des représentants, Rachid Hamouni a souligné que les députés (es) du parti ont besoin du soutien de toutes les bonnes volontés et de leurs avis et suggestions pour porter au Parlement toutes les questions qui préoccupent la société dont celles que soulève actuellement le code de la famille.
C’est ainsi que le groupe, a-t-il rappelé, a déposé au bureau de la chambre des représentants une proposition de loi visant à combattre le phénomène inquiétant du mariage précoce des jeunes filles, à travers l’abrogation des articles 20, 21 et 22 de cette loi.
Il est également nécessaire de mettre fin à des situations aberrantes de demander selon l’actuelle loi en vigueur l’autorisation d’un père absent pour pouvoir opérer son fils amené aux urgences par sa mère. Il est également incompréhensible d’exiger de la mère répudiée l’autorisation du père pour inscrire leur enfant dans un établissement scolaire, a-t-il dit, citant d’autres imperfections qui entachent l’actuelle loi.
Rachida Tahiri, membre du conseil de la présidence du PPS et militante des droits de l’homme
« Il est temps de passer à un code civil »
D’entrée, Rachida Tahiri, fervente défenseure de longue date des droits de l’homme et membre du conseil de la présidence du PPS a appelé à une réforme courageuse dans le but de passer d’un code à référentiel hybride dominé par la Chariaâ à un code civil, destiné à régir des relations humaines en rapport avec la vie quotidienne des gens.
Pour y parvenir, a-t-elle estimé, le gouvernement actuel n’a qu’à écouter attentivement tous les acteurs et les organisations de la société civile concernées dont les rapports sont riches en propositions à ce sujet.
Après avoir souligné que l’actuel code de la famille adopté en 2004 est en déphasage par rapport au dispositions de la Constitution de 2011 et aux orientations du nouveau modèle de développement, elle a rappelé que le Maroc a adhéré récemment au protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits politiques et civils et au protocole facultatif à la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Cette adhésion, a-t-elle ajouté, impose au Maroc de nouveaux engagements en matière de respect et d’adaptation des lois nationales à ces instruments internationaux dont le code de la famille, a-t-elle expliqué.
Elle a également rappelé que cette adhésion va ouvrir la voie aux individus et aux groupes et institutions d’ester en justice.
Revenant sur le principe d’égalité homme-femme, tel que consacré par la Constitution (art 19), elle a estimé nécessaire de faire avancer le chantier constitutionnel relatif notamment à la mise en place de l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination dans le but de donner un contenu concret à l’égalité homme-femme et de donner à la femme les moyens de défendre ses droits.
Elle s’est en outre interrogée sur les changements intervenus au niveau de la signification de la famille, eu égard aux mutations qui s’opèrent au sein de la société.
Si au niveau international, la famille traditionnelle (époux, enfants, foyer) ne représente plus que 38% contre 62 % de familles monoparentales, au Maroc le modèle traditionnel est toujours prédominant (59%) contre tous les autres modèles, selon le Haut commissariat au plan, a-t-elle indiqué, estimant nécessaire de réaliser de nouvelles études pour avoir une idée plus précise sur la place de tous les ménages et le rôle des femmes dans la réalisation du PIB, malgré tous les obstacles qui entravent son ascension.
Elle s’est interrogée aussi au sujet de la portée de l’institution du mariage en l’état actuel des choses, tout en soulignant l’incapacité du code de la famille à accompagner les mutations sociales et en appelant ardemment à une réforme fondée sur le principe structurant de l’égalité véritable homme- femme.