Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
L’ambassadeur des Etats-Unis à Prétoria, Reuben Brigety, avait annoncé, la semaine dernière, lors d’une conférence de presse, que ses services disposent de solides informations prouvant qu’en dépit de la neutralité qu’elle affiche dans le conflit qui oppose Moscou à Kiev, l’Afrique du Sud aurait envoyé, clandestinement, des armes à la Russie; ce qui constitue un tournant dans les relations entre Washington et Prétoria qui avaient déjà fait l’objet d’un coup de froid, en Février dernier, à la suite de la tenue de manœuvres militaires tripartites entre la Russie, la Chine et l’Afrique du Sud au large de Durban.
Rappelant, en outre, qu’en décembre dernier, le cargo russe, «Lady R», soumis aux sanctions américaines, avait fait une escale secrète dans la base navale de «Simon’s Town» près du Cap, le diplomate américain s’était dit convaincu « que des armes avaient été chargées sur ce navire » et que ceci est «fondamentalement inacceptable» dès lors que depuis le début du conflit opposant la Russie à l’Ukraine, l’Afrique du Sud a toujours affirmé adopter une position de neutralité et de non-alignement.
En faisant suite aux propos tenus par l’ambassadeur américain, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a diligenté une enquête à l’effet de vérifier si des armes ont été chargées à bord du cargo battant pavillon russe pendant son escale à la base de «Simon’s Town» et en réaffirmant, par ailleurs, dans son message hebdomadaire à la Nation, la neutralité de l’Afrique du Sud dans le conflit opposant la Russie et l’Ukraine, le président Ramaphosa a rappelé que, pour ne point mettre en péril les relations qu’entretient son pays avec d’autres Etats, l’Afrique du Sud restera ferme sur sa «position de non-alignement» et ne sera jamais «entraînée dans une compétition entre puissances mondiales».
Ainsi, sans nier que le fameux cargo russe ait fait une escale à «Simon’s Town», le gouvernement de Prétoria qui a démenti que l’objectif de cette « visite » ait été une vente officielle d’armes sans, pour autant, exclure qu’une transaction ait pu avoir lieu, a indiqué que l’Afrique du Sud et la Russie vont renforcer leur coopération.
C’est à ce titre, d’ailleurs, que, ce lundi, le chef de l’armée sud-africaine a rendu visite à son homologue russe à Moscou et qu’il ressort du communiqué publié à l’occasion de cette rencontre, qui avait été planifiée bien avant les accusations du diplomate américain, et qui a été effectuée dans le cadre d’un « accord de longue date» et à l’invitation de l’armée russe, que «les deux parties ont discuté de questions de coopération militaire et de la mise en œuvre de projets visant à améliorer la préparation au combat des armées des deux pays» puis signé «des accords concernant le développement de la coopération entre les forces terrestres dans divers domaines».
La délégation sud-africaine a procédé, par la suite, à la visite de certaines installations «éducatives et de formation» de l’armée russe ; ce qui confirme que la coopération militaire entre Moscou et Prétoria va en se renforçant.
Il y a lieu de signaler, en outre, que dans son fameux discours hebdomadaire à la Nation, le président sud-africain avait laissé entendre que son homologue russe va venir à Prétoria en Août prochain dans le cadre d’une réunion des dirigeants du BRICS, ce bloc économique qui regroupe le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud.
Mais, en considérant que la participation du Président Poutine à ce sommet risque de plonger l’Afrique du Sud dans un imbroglio diplomatique particulièrement complexe dans la mesure où, en sa qualité de signataire du traité portant création de la Cour Pénale Internationale (CPI) qui a émis, en mars dernier, un mandat d’arrêt à l’encontre de ce dernier, elle est tenue de l’arrêter, rien n’indique que le président russe va prendre le risque de faire ce déplacement mais attendons pour voir…