Un combat incessant

Quand on proclame, à l’instar de l’écrivain français, Albert Camus que « le journal est une sorte de conscience du monde et de l’humanité », on croit que tout est pour ainsi bientôt dit et d’une manière définitive. On peut en rester là, après et s’en retourner à ses propres affaires courantes – calme et serein.

Hegel, en philosophe conséquent, considère, que c’est une chose qui peut valoir, pour les lecteurs d’un journal quotidien, une sorte de prière rituelle s’il est régulièrement assimilé.

Mais, ce ne sont là que des mots. Aussi puissants qu’ils puissent l’être, l’affaire reste beaucoup plus compliquée que tout cela. Et il n’a que peu à voir avec les évolutions remarquables – proprement fantastiques souvent ! – Des diverses technologies qui s’imposent à l’Humanité face à son mouvement, avancée incessante, et ininterrompue.

Il ne s’agit pas seulement des diverses spécificités, ici ou là, marquant l’Humanité dans son mouvement, de son évolution et de … ses convulsions diverses.

Son mouvement ininterrompu et proprement irrésistible, que l’homme essaie de maîtriser autant qu’il peut le rêver.

Pour ne prendre que le cas du Royaume du Maroc, le nôtre, quand on y réfléchit un tant soit peu, on se sent obligé, malgré soi quand on se veut réellement indépendant et vraiment imbu de tendance à la liberté – dans le sens plein du terme philosophique – de s’armer aussi prudemment que possible – d’une forte dose de volontarisme assumé et d’esprit d’aventure réel ainsi que de véritable courage.

Tous ceux qui, depuis le début des Temps appelés « Modernes » se sont investis dans ce mouvement, somme toute exaltant, dès qu’il s’agit de faire œuvre positive et utile, le savent pertinemment.

Ici chez nous (au Maroc) depuis des décennies, force est d’obéir à cette traction qui semble – superficiellement quelque fois – s’opérer indépendamment, ou même à l’insu – des choses et des hommes. Tant cela paraît l’évidence même quand elle s’insère dans le combat global pour plus de dignité et de liberté.

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A la fin des années quarante et lors des débuts de celles terribles du début de la décennie cinquante, le militant marocain Ali Yata qu’on expulsait vers l’Algérie colonisée, reprenait inlassablement le chemin d’Oujda pour se rendre à Casablanca au nez de ses ennemis, autant de fois que cela lui était imposé par les autorités étrangères du moment.

En septembre 1972, après laquelle Ali Yata put faire paraître les deux titres d’ «Al Bayane» en arabe et en français pour qu’enfin en 1974 prenne place en toute légalité dans le paysage national le « Parti du Progrès et du Socialisme ». Avec énergie et persévérance, cette haute figure de proue de la gauche nationale s’installait à la place éminente qui lui était due, pour tout son passé de lutte opiniâtre et sa persévérance. Lorsqu’il fut décidé de bâtir les fondements de l’union institutionnelle entre les partis nés du mouvement national afin d’enraciner dans la nation, durablement et solidement, la culture du régime de la monarchie démocratique et constitutionnelle, le lutteur militant, chef de file de la mouvance néo-communiste devenait incontournable. Il le restera, respecté et écouté par ses pairs jusqu’à sa disparition, passant le flambeau à de dignes successeurs pour tenir le gouvernail du PPS : à Ismaïl Alaoui, puis à Mohamed Nabil Benabdallah, aux profils et caractères peut-être pas dissemblables mais réellement différents.

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Le quotidien francophone-marocain, reflétant les positions du PPS, n’a pas échappé lui aussi, me semble-t-il, aux tourments de la censure qualifiés dans les sphères du pouvoir pour les besoins – au moment propageant de «soft», à ne pas «transgresser». La plupart du temps en des telles occurrences diverses.

Autres temps, vraiment ?

En de telles évocations d’un irascible Berthold Brecht dans ses pièces de théâtre et tout le long de ses nombreux poèmes souvent corrosifs…

Et enfin, le ventre de « la bête immonde est toujours fécond », il ne faut jamais, au grand jamais, baisser la garde, laissant s’insinuer, d’une manière ou d’une autre, s’installer les mauvaises manières si opposées à l’exercice serein de la liberté de s’exprimer par l’écrit, le discours – aussi restreins soit-il.

De la vigilance donc. De tous les instants ! Il faut rester debout et aux aguets, l’œil vif et les réflexes à l’avenant.

On ne saurait jamais être suffisamment et toujours sur ses gardes. L’autre côté de la barricade – est toujours prompt à saisir, avec toute la gamme de la sévérité qui lui est toujours disponible- quoi qu’on en dise!

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Mohamed Brini, ancien directeur du quotidien Al Ahdath Al Maghribia

«Une valeur ajoutée indéniable»

Il me serait difficile d’apporter un témoignage pour relater le parcours des journaux Al Bayane. Cela étant,  un témoignage ne pourrait jamais être exhaustif pour décrire la trajectoire des organes de presse dont la valeur ajoutée au champ médiatique demeure indéniable.

Ainsi, je saisis cette occasion pour souhaiter longue vie aux supports d’Al Bayane pour qu’ils puissent assumer la mission pour laquelle ils ont été créés par feu Ali Yata, celle de contribuer au renforcement de la liberté d’opinion et d’expression et la défense des classes laborieuses et opprimées.

Je saisis également cette occasion pour rendre un grand  hommage à la mémoire de feu Nadir Yata. Pour être impartial, il faut reconnaitre que feu Nadir fut l’un des pionniers du développement de la presse partisane, qui a entamé une démarche qui s’inscrit aux antipodes des visions traditionnelles voire surannées. Autrement dit,  feu Nadir Yata, par ses écrits, a innové dans le champ médiatique au moment où la presse partisane était prisonnière des conceptions anciennes et où l’esprit d’innovation était péjorativement perçu.

Je me souviens encore de nos réunions  qui ont eu lieu au Syndicat national de la presse marocaine, en présence des regrettés Ali Yata et son fils Nadir, où le débat a été principalement axé sur le renforcement de la presse partisane et les moyens qui devraient être mobilisés pour s’affranchir des contraintes imposées par le gouvernement à l’époque.

Ainsi, il faut saluer grandement le rôle qu’ont joué les journaux Al Bayane en matière de défense du droit de manifester, la liberté d’expression et ce, conjointement avec les autres organes de presse du mouvement national.  A l’occasion du 45 e anniversaire de la création des journaux Al Bayane, je souhaite à l’ensemble de la direction, les journalistes et le staff technique, plein succès et bonne continuation.

Tout ce que nous avons accompli en matière de liberté d’expression, de démocratie revient en grande partie à l’action militante des journaux, aux efforts déployés par les journaux de la presse partisane durant les années de plomb, nonobstant  les procès devant les  tribunaux,  les fermetures abusives et les tentatives d’étouffements de la presse. Je fais évidemment allusion à la presse des partis du mouvement national, notamment le Parti du progrès et du socialisme (PPS), l’Union socialiste des forces populaires (USFP)  et le Parti Istiqlal (PI).   Il est certes vrai que le chemin est encore long, car la question qui se pose aujourd’hui : la presse partisane peut-elle faire face aux défis numériques ?  A mon humble avis, j’estime qu’il est temps que la presse partisane se mette au diapason de la nouvelle ère et qu’elle devienne  plus ouverte sur son environnement immédiat,  tout  en reflétant le pluralisme et les tendances qui traversent la société…

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