Maladies chroniques et le jeûne: «Il appartient aux sociétés savantes de chaque spécialité de statuer sur la question»

Quatre questions au Dr Mohamed El Hassan Gharbi

Par Fadwa EL GHAZI- MAP

Jeûner ou pas ? C’est la question qui taraude l’esprit des patients souffrant de maladies chroniques, à l’approche du mois sacré du Ramadan.

Pour éclairer notre lanterne sur ce sujet, la MAP a approché Dr Mohamed El Hassan Gharbi, Endocrinologue et Professeur à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat pour faire le point sur la démarche à suivre.

Quel est l’impact du jeûne chez les personnes souffrant de maladies chroniques notamment les diabétiques, les hypertendus, les cardiaques, entre autres pathologies chroniques?

L’impact du jeûne chez les patients souffrant de maladies chroniques ne peut être que délétère, car s’abstenir de manger et de boire en journée est incompatible avec la prise médicamenteuse prescrite. Pour peu que la maladie impose une prise des médicaments à des horaires précis comme c’est le cas dans le diabète ou encore l’hypertension artérielle et encore plus dans les maladies cardiaques où les ordonnances sont souvent très chargées et le malade devra se plier à une gymnastique inutile qui va le pousser à prendre ses médicaments de nuit plutôt que deux jours sachant que la majorité des médicaments sont efficaces quand ils sont pris au courant de la journée en raison de l’existence d’un rythme qu’on appelle circadien dans les différentes sécrétions de l’organisme et les réactions qui s’y produisent.

Alors, doivent-ils jeûner du point de vue religieux et médical?

D’un point de vue religieux, toute personne malade chronique est autorisée à manger et à boire pendant le mois sacré. Elle doit cependant s’acquitter de ce devoir en donnant à manger à sa fin à un pauvre ou nécessiteux si sa maladie risque de s’aggraver par le jeûne. La liste des maladies chroniques qui relève de cette solution ne peut pas être arrêtée aussi facilement. Il appartient aux sociétés savantes de chaque spécialité de statuer sur la question et d’émettre un avis clair à son sujet. Mais le message à faire passer rester que le malade a le droit de ne pas observer ce rite religieux en toute sécurité. Plus que cela, il ne doit pas jeûner, mais recourir à la solution de remplacement précitée.

Par contre, s’il s’agit d’une maladie guérissable non-chronique, la solution est plus simple puisque le patient devra rembourser les jours où l’abstention n’aura pas été observée.

Si ces malades désirent quand même jeûner, est-ce qu’ils le peuvent ?

Si le malade désire quand même jeûner, personne ne peut l’empêcher. Le médecin devra lui donner le temps nécessaire pour lui expliquer les risques qu’il court et le mettre en garde et si jamais il n’en fait qu’à sa tête, ce même médecin sera toujours là pour lui venir en aide, en cas de besoin.

Autre point à soulever, pendant la nuit, l’organisme est généralement en repos. On ne doit pas lui imposer des changements d’habitudes inopinés. C’est vrai que lorsque le patient est sous un seul médicament qu’il prend une seule fois par jour, on peut se poser la question, mais à quoi bon puisqu’il n’est pas nécessaire de lui faire courir un risque qui peut être évité. Aussi, si le malade chronique ne jeûne pas, aucun grief ne lui est fait sur le plan religieux puisque Allah lui-même lui a permis de ne pas jeûner.

Certains spécialistes encouragent leurs patients souffrant d’une ou plusieurs maladies chroniques à jeûner. Cette démarche est-elle saine ?

Certains médecins encouragent leurs patients atteints de maladies chroniques à observer ce rite et comme pour se donner bonne conscience, ils leur disent : vous pouvez Jeûner, mais en cas de problèmes ou malaises rompez-le !

Ceci est un non-sens parce que l’essence de ce quatrième pilier de l’Islam se perd avec un tel raisonnement. Le patient doit avoir l’intention de s’y plier (“Niyato Ssiyam”) et non pas l’intention de le rompre à la veille du mois sacré. S’il jeûne avec l’idée qu’il va, peut-être, le rompre, ceci n’est plus un rite religieux, mais uniquement une privation dénuée de sens.

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