Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
« Je voudrais vous signaler que (…) le parquet financier a ouvert une enquête portant sur moi-même et sur mon chef de cabinet » a déclaré, ce mercredi, à Vienne, devant un parterre de journalistes, le jeune chancelier autrichien Sebastian Kurz. Ajoutant qu’en ayant « toujours répondu honnêtement à toutes les questions », il est étonné de se voir visé par une enquête du parquet sur des soupçons de « fausse déclaration » devant une commission parlementaire chargée d’examiner plusieurs dossiers de corruption, le chancelier autrichien a déclaré « s’attendre », néanmoins, à une mise en examen.
Cette procédure a été lancée à l’initiative de l’opposition sociale-démocrate et libérale qui accuse le chancelier autrichien d’avoir menti, l’année dernière, aux députés qui avaient cherché à savoir s’il était intervenu dans la nomination de Thomas Schmid, un de ses proches, à la tête d’une holding publique.
Mais si, en s’exprimant sous serment, le jeune chancelier avait nié toute intervention, l’échange de SMS entre les deux hommes révélé, par la presse, ces derniers mois, a confirmé le contraire puisque, dans un message accompagné d’emojis affectueux, le chancelier aurait bel et bien écrit : « Tu obtiens tout ce que tu veux » ; ce à quoi Thomas Schmid aurait répondu : « Je suis tellement heureux. J’adore mon chancelier ».
Un tel délit étant passible de trois années d’emprisonnement, Sebastian Kurz, qui a été immédiatement accusé par des dirigeants de l’opposition de « saper l’Etat de droit », a été sommé de démissionner.
Or, en affirmant, dans une interview accordée à la radio publique autrichienne ORF, qu’il avait « tout fait pour dire la vérité », le chancelier autrichien, qui a ouvertement critiqué le « jeu » auquel se livre l’opposition dans le seul but de lui nuire, a déclaré qu’il ne démissionnerait pas même si le ministère public a commencé à porter des accusations contre lui sans préciser, toutefois, s’il le ferait ou non s’il était reconnu coupable.
Si les Verts, non seulement présents dans la coalition gouvernementale dirigée par l’ÖVP mais, également, détenteurs du ministère de la Justice, se sont abstenus de tout commentaire sur l’éventualité de la démission du chancelier et ont réaffirmé leur « pleine confiance dans le système judicaire » du pays, c’est un autre son de cloche qui a été entendu du côté de l’opposition lorsque Christian Deutsch, un dirigeant du SPÖ, a tenu à préciser que « dans tous les Etats de droit civilisés et démocratiques, un responsable gouvernemental démissionne lorsqu’il est poursuivi ».
Pour rappel, après « l’Ibizagate » durant lequel une vidéo montrant l’ancien vice-chancelier Heinz-Christian Strache, dans une villa à Ibiza, en train de négocier des financements occultes avec un oligarque russe, avait fait tomber, en mai 2019, la coalition droite-extrême-droite et déclenché plusieurs enquêtes, cette nouvelle affaire a vu le jour après l’implication d’un autre ami du chancelier – à savoir, son ministre des finances, Gernot Blümel – dans une sombre affaire de financement occulte du parti conservateur ÖVP, par le géant mondial des jeux d’argent Novomatic et après la perquisition effectuée au domicile de ce dernier à laquelle elle avait donné lieu et qui, en son temps, avait été publiquement critiquée par Sebastian Kurz. Ce dernier était même allé plus loin lorsqu’en imputant, au parquet, des « fautes professionnelles », il avait fait part de son intention d’y « apporter des changements en urgence ». Or, en jugeant, attentatoire à leur indépendance, la position prise par le chancelier, les magistrats autrichiens l’avaient condamné, avec la plus grande fermeté.
Enfin, s’il est clair que le jeune chancelier autrichien est vraiment dans l’œil du cyclone, rien n’indique, néanmoins, qu’il ne pourra pas encore, une fois, surmonter les obstacles mis sur son chemin. Alors, attendons pour voir…