Un bilan qui pourrait «doubler», avertit l’ONU
Les sauveteurs ont sorti vivants un bébé et une adolescente des décombres dimanche avant l’aube, près d’une semaine après le puissant séisme qui a fait plus de 28.000 morts en Turquie et en Syrie, mais dont le bilan pourrait « doubler », selon l’ONU.
« Tu es un miracle »: dans une vidéo partagée par l’agence turque Anadolu sur Twitter, une fille de 13 ans est extraite des décombres à Gaziantep en Turquie, bien après la période de 72 heures considérée cruciale.
Dans la province de Hatay (sud), un petit garçon de sept mois, Hamza, a aussi été retrouvé vivant, recroquevillé sous une dalle où il a passé plus de 140 heures, a rapporté dans la nuit l’agence de presse IHA. Une fillette de deux ans, Asya, a été sauvée dans la même région.
Opérant dans un froid glacial, des sauveteurs ont également retiré vivante des décombres une femme de 70 ans dans la province turque de Kahramanmaras, au milieu des applaudissements et des cris, selon une vidéo diffusée par la chaîne publique TRT Haber. « Le monde est-il là? », a-t-elle demandé en revenant au jour.
L’agence de presse turque Anadolu a également mentionné le sauvetage d’une mère de 35 ans et de sa fille de six ans, dans un immeuble détruit de la province d’Adiyaman.
D’après les derniers bilans officiels, le tremblement de terre d’une magnitude de 7,8 a fait au moins 28.191 morts: 24.617 en Turquie et 3.574 en Syrie.
En visite à Kahramanmaras en Turquie, le chef de l’agence humanitaire de l’ONU Martin Griffiths a déclaré à Sky News que le bilan « doublera ou plus ».
« On n’a pas encore réellement commencé à compter le nombre de morts », a-t-il dit.
« Bientôt, les personnes chargées des recherches et des secours laisseront la place aux agences humanitaires dont le travail consiste à s’occuper, au cours des prochaines mois, du nombre extraordinaire de personnes affectées », a aussi déclaré M. Griffiths samedi, dans une vidéo postée sur son compte Twitter.
A Gaziantep, où quelque 2.000 personnes ont péri, les déplacés font la queue par des températures en dessous de zéro pour recevoir un repas chaud offert grâce à une vague de solidarité des restaurants de la ville.
Le restaurant de Burhan Cagdas a distribué gratuitement quelque 4.000 plats aux survivants.
« Notre personnel se retrouve dans une situation impossible, explique-t-il. Ils ont des victimes au sein de leurs propres familles et leurs maisons ont été détruites ». La famille de Burhan Cagdas lui-même a dormi dans des voitures depuis lundi.
Mais la vague de solidarité n’en est que plus forte. « Nous voulons aider », résume-t-il.
Près de 32.000 personnes sont mobilisées pour les opérations de recherche et de secours en Turquie, ainsi que plus de 8.000 secouristes étrangers selon l’agence turque chargée des catastrophes naturelles.
Un point de passage a en outre été ouvert entre la Turquie et l’Arménie, pour la première fois depuis 35 ans, pour permettre l’arrivée d’aide humanitaire.
Samedi, l’armée autrichienne a suspendu pendant quelques heures ses opérations de sauvetage, invoquant « la situation sécuritaire » sur place. Une décision similaire a été prise par l’Agence fédérale allemande pour le secours technique (THW), ainsi que par une ONG allemande spécialisée dans l’assistance aux victimes de catastrophes naturelles.
Dans l’après-midi, deux maîtres-chiens autrichiens ont pu reprendre les recherches « sous la protection de l’armée turque », selon un porte-parole de l’armée à Vienne.
L’effondrement brutal des bâtiments, qui trahit leur médiocre construction et n’ont laissé pratiquement aucune chance à leurs résidents, suscite la colère dans le pays.
Les médias turcs ont annoncé l’arrestation d’une douzaine d’entrepreneurs du secteur du bâtiment dans le sud du pays. D’autres arrestations sont attendues.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 26 millions de personnes pourraient avoir été touchées en Turquie et en Syrie, dont « environ cinq millions de personnes vulnérables », et a lancé samedi un appel urgent pour collecter 42,8 millions de dollars.
Mais si l’aide internationale afflue en Turquie, l’accès à la Syrie en guerre, dont le régime est sous le coup de sanctions internationales, s’avère plus compliqué.
En visite à Alep, le nord-ouest de la Syrie, durement frappée par le séisme, le chef de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus a dit avoir « le coeur brisé en voyant les conditions auxquelles les survivants sont confrontés – un temps glacial et un accès extrêmement limité aux abris, à la nourriture, à l’eau, au chauffage et aux soins médicaux ».
Les organisations humanitaires s’inquiètent particulièrement de la propagation du choléra, réapparu en Syrie.
Le gouvernement syrien a autorisé vendredi « l’acheminement des aides humanitaires à l’ensemble » du pays – y compris les zones tenues par les rebelles – où 5,3 millions de personnes risquent de se retrouver sans abri.
Damas a précisé que la distribution de l’aide devrait être « supervisée par le Comité international de la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge syrien », avec l’appui de l’ONU.
Jusque-là, la quasi-totalité de l’aide fournie aux zones rebelles transitait au compte-gouttes, à partir de la Turquie par le point de passage de Bab al-Hawa, le seul actuellement garanti par les Nations Unies.