Sur la route des Zaers, vers la ville d’Ain Aouda, à un jet de pierre du mythique Royal Golf de Dar Es Salam, un panneau de signalisation intrigue depuis quelques mois. Il y est écrit: « Musée de voitures de collection, entrée gratuite », une flèche vers la gauche, pointant une grande villa des plus banales.
Les conducteurs usagers de cette route, ou encore les pique-niqueurs accros à cette bouffée d’air pur généreusement ravitaillée par les chênes de Dar Es Salam, finissent tôt ou tard par céder à la curiosité. Or, même à l’intérieur de la villa rien ne semble sortir de l’ordinaire, sauf cette Renault 4 de 1988 suspendue au-dessus du portail d’accès au musée. Ce n’est qu’après avoir accéder à la salle d’exposition que l’on se rend compte de l’énormité d’un trésor fabuleux.
A l’entrée, au début d’un long couloir, une « Chrysler DeSoto Fireflite » noir de 1957 se dresse fièrement devant les amoureux des anciens bolides, qui, agréablement surpris par la valeur et l’état des voitures exposées, retrouvent rapidement un esprit enfantin. L’éclat dans leurs yeux rappelle en effet celui d’un gamin à sa première visite d’un parc d’attraction.
La galerie des classiques américaines n’en finit pas d’émerveiller. Quelques pas en avant l’on peut admirer la « Cadillac (GM) Sedan DeVille » de 1957, la couleur noir chatoyante qu’on dirait tout juste sortie des fameuses usines Detroit-Hamtramck Assembly au Michigan.
Produite en 23.813 exemplaires, c’est la voiture la plus vendue aux Etats Unis en 1957, un succès fulgurant dans une lutte homérique dans laquelle la marque s’est tirée la bourre contre les « Buick Limited » et les « Oldsmobile Starfire 98 Holiday », des icônes de cette fin des années 50s.
Et puis, à deux doigts, une autre œuvre d’art s’affiche hardiment, la Cadillac (GM) Coupe DeVille (1959). La bien-aimée d’Elvis Presley avec laquelle il s’est inlassablement affiché. Une icône de toute une génération et probablement l’un des symboles les plus emblématiques chantés dans la culture populaire nord-américaine.
Et voilà qu’elle fait toujours le bonheur des visiteurs et amateurs marocains des voitures anciennes qui prennent leur fade au Musée national marocain des automobiles classiques, une initiative de Sheikh Hamad Ben Hamdan Al-Nahyan.
Pour Sheikh Hamad, qui a décidé voilà 12 ans de s’installer au Maroc, « pour n’avoir tout simplement trouvé ni plus stable ni plus beau », la voiture classique est d’abord une question d’histoire racontée par les traits et les silhouettes de chacun des bolides.
« A travers ce musée, c’est un voyage dans le temps que nous proposons aux visiteurs », dira, dans un entretien à la MAP, Sheikh Hamad Ben Hamdan Al-Nahyan, présentant une Lincoln Continental rouge à couper le souffle.
Un modèle tragiquement connu à l’international. C’est sur les coussins d’une voiture quasi-identique que l’ancien président américain John Kennedy fut assassiné à l’arme à feu, ce jour du 22 novembre 1963 à Dallas (Texas).
Et c’est avec le même sentiment de remonter le cours de l’histoire, que Sheikh Hamad Ben Hamdan Al-Nahyan parle de sa Chevrolet (GM) Caprice Classic, la seule voiture du musée fabriquée en 1975.
Au-delà de sa valeur historique incommensurable, la Caprice Classic, qui, par sa popularité jamais démentie durant toute son existence, a passé sous silence les Lalmpala, les Bel Air ou encore les Biscayne, rappelle à ce grand collectionneur et amateur de la transformation de voitures un évènement qui fait sa fierté, celui de la Marche Verte.
La fierté est telle que Sheikh Hamad Ben Hamdan Al-Nahyan a veillé à ce que cette voiture se rende, habillées aux couleurs nationales et aux portraits de SM le Roi Mohammed VI, à la ville de Laâyoune en célébration du 40è anniversaire de la Marche verte.
Chez l’homme qui semble n’avoir lésiné sur aucun moyen pour offrir au public un service, certes gratuit, mais irréprochable, seul l’amour pour le Maroc semble pouvoir l’emporter sur celui des voitures, notamment celles des années 50s aux années 70s, « l’âge d’or de l’industrie automobile ».
L’attachement au Maroc de Sheikh Hamad n’est pas à démontrer. Il est raconté d’abord par l’idée de mettre en place ce musée au Maroc. Un musée dont le point d’orgue des trois grands couloirs du musée est un poster gigantesque reprenant un des pans de la devise nationale « Dieu, la Patrie, le Roi ».
Ainsi, il inscrit son œuvre dans un esprit de partage. « Sortir ces voitures de leurs granges opaques est pour nous l’objectif ultime. C’est dire si permettre aux Marocains, notamment les jeunes, de se cultiver et de s’informer de l’histoire de l’industrie automobile, surtout américaine », explique-t-il.
L’équipe de transformation de voitures comprend plusieurs compétences marocaines qui ont fait leur preuve, notamment dans la construction du gigantesque « Spider » (6m de long, 2m10 de hauteur), joyau du musée qui a nécessité un travail de 6 mois, le tout dans le respect des principes d’efficience, de fonctionnalité et de singularité de l’œuvre, se félicite Sheikh Hamad Ben Hamdan Al-Nahyan.
A l’opposition du « Spider ». En fait au bout de l’extrême opposition. Une si petite voiture à trois roues est stationnée vers la sortie du musée. Il s’agit de la plus petite voiture jamais fabriquée selon le Guinness Book, avec 1m34 de long et ses 59 kg, cette microvoiture anglaise de 1962 est tellement petite qu’elle peut se tirer à la main grâce à une poignée.
De la plus minuscule à la plus gigantesque et de la plus ancienne à la plus originale, au Musée national marocain des automobiles, premier et plus grand en son genre en Afrique et deuxième au Maroc après celui de Zagoura dédié aux 4×4, il y a de quoi satisfaire à tous les goûts des amoureux des voitures classiques et insolites.
Khalid Attoubata (MAP)