Les voix amazighes s’élèvent pour appeler à une amélioration de la situation de l’amazigh qui, de l’avis des acteurs, associations et activistes amazighs, ne se porte pas bien. L’enseignement de l’amazigh est en «recul» et des lois organiques encore sur les bureaux de la première chambre. Les associations amazighes réfutent cet état de choses et appellent à un «débat sérieux» pour que leurs revendications soient prises en compte.
16 ans après le discours royal d’Ajdir qui a annoncé la création de l’IRCAM en 2001, des acquis ont été réalisés, mais un long chemin reste à parcourir. « En ce qui concerne la mission de l’IRCAM, on peut parler de deux niveaux depuis sa création en 2001. Le premier c’est le niveau consultatif où l’IRCAM a joué un rôle consultatif, comme force de proposition. Il a proposé son avis au Palais royal par rapport à la gestion de la culture et de la langue amazighe dans les institutions.
Mais malheureusement, ce rôle n’a pas abouti puisque l’IRCAM n’a pas de tutelle sur les autres institutions», nous indique Ahmed Assid, président de l’Observatoire amazigh des droits et des libertés. Le deuxième volet sur lequel l’IRCAM a accompli pleinement sa mission c’est l’aspect académique et scientifique, a-t-il déclaré. Cette institution, affirme-t-il, a joué un rôle historique dans la vie de l’amazigh, dans l’Histoire des Imazighens.
«Il a fait un dictionnaire, des manuels scolaires utilisés dans l’enseignement à l’école primaire. Pour la première fois, il y a eu un budget colossal pour le rayonnement des associations culturelles aux quatre coins du pays», a-t-il déclaré. D’après lui, l’IRCAM a formé 14.000 enseignants. «Malgré tous ces efforts, nous avons connu à partir de 2004 / 2005, des départs volontaires. Nous nous sommes retrouvés dans une situation difficile, avec un manque sérieux de cadres et de ressources humaines», a-t-il martelé. Tous ceux qui ont été formés pour enseigner l’amazigh sont devenus des enseignants de l’arabe et de français, confie-t-il.
«Nous avons tout préparé pour généraliser l’enseignement de l’amazigh, mais ça ne peut avancer puisqu’il n y a plus d’enseignants. Depuis l’officialisation de la langue amazighe en 2011, les responsables de l’enseignement attendent toujours un débat sérieux sur la loi organique afin qu’il y ait des rectifications parce qu’il y’a eu une atteinte aux acquis réalisés depuis 2002/2003», conclut-il.
Pour Ahmed Arrehmouch, coordinateur de la Fédération nationale des associations amazighes (FNAA), l’amazigh est en réanimation. « Loin des surenchères, l’amazighe est en régression dans tous les domaines. La situation de l’amazigh est très catastrophique au niveau de l’éducation, de l’administration, des médias et de la justice qui reste encore pire», nous confie-t-il. «Et si on comparait la situation de l’amazighe avant et après 2011, je préférerais sa situation en 2011 parce que cette année a été un point de départ très intéressant en matière de promotion et de préservation de l’amazigh. Par contre, aujourd’hui, même les acquis des dernières années sont bafoués par les décideurs », ajoute t’il.
L’amazigh aura-il un avenir prometteur après la mise en application des lois organiques?
«Cela dépend de la loi organique. Les lois organiques actuelles ont été réfutées par les associations amazighes, ainsi que le grand nombre des acteurs du mouvement amazigh. Il faut passer à la vitesse supérieure en matière de traitement positif des lois organiques qui sont actuellement en stand-by au parlement, et ouvrir des voies de dialogue avec les acteurs du mouvement afin de prendre en considération leurs remarques et critiques sur ce projet actuel qui est à la première Chambre», indique le coordinateur de la Fédération nationale des associations amazighes (FNAA).
Quid de l’enseignement de l’amazigh?
D’après Ahmed Arrehmouch, l’amazighe vit aujourd’hui un recul considérable en matière du nombre d’étudiants, qui est passé de 547.000 en 2011 à 317.000 en 2017. « Le recul des enseignants est passé à après de 314, celui des inspecteurs, de 80 à 15. » explique t-il.
Abdellah Badou, président d’Azetta amazigh, n’y va pas par quatre chemins. Selon lui, après 2011, l’amazigh au lieu d’évoluer, a connu une forte régression. « A titre d’exemple, il y a eu une régression au niveau des professeurs qui enseignent la langue amazighe. L’Etat n’offre pas les garanties institutionnelles et législatives assurant les droits de ces professeurs qui exercent le métier d’enseignant de la langue amazighe. Certains ont changé de cadre volontairement ou sont utilisés pour combler le vide en matière de ressources humaines».
Mohamed Nait Youssef