Six ans après la disparition du Dr Simon Lévy, un nouvel hommage lui a été rendu, jeudi soir, à l’initiative de l’Association Mimouna en partenariat avec la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc pour ses recherches et enquêtes compilées dans sa thèse de doctorat en études hébraïques, réalisée sous la direction de Haïm Zafrani et soutenue en 1990 à Paris 8 sous l’intitulé: «Parlers arabes des Juifs du Maroc: particularités et emprunts (histoire, sociolinguistique, géographie dialectale).
Présentant lui-même de manière résumée son travail, Simon Lévy écrivait que «jusque dans les années 1950, les Juifs du Maroc parlaient judéo-arabe, judéo-berbère, judéo-espagnol (Hakitiya), selon les régions. Le judéo-berbère a disparu durant les quarante dernières années. La Hakitiya a été réabsorbée par l’Espagnol moderne.
Les parlers arabes des juifs sont des modalités de l’arabe dialectal pré-hilalien. Ils présentent des particularités phonétiques, morphologiques et lexicales. On retrouve tout ou partie des particularités phonétiques et morphologiques dans les parlers pré-hilaliens. Ma thèse est fondée sur une enquête linguistique datant de 1972-1974: textes enregistrés, entretiens, questionnaire lexical. La recherche a porté sur les conditions d’établissement des communautés juives, sur le processus de différenciation de leurs parlers. Jusqu’à quel point les périodes de bilinguisme (arabe-berbère; arabo-espagnol; arabo-français) ont-elles influé? Les traits phonétiques permettent de regrouper les parlers juifs en trois groupes: 1. Fès, Meknès, Rabat-Salé, Séfrou; 1. Tafilalt, Wad Dra, Debdou 3. Marrakech, Essaouira, Safi, El Jadida, Azemmour».
Son travail englobe donc toutes les régions du pays, à l’exception de la région des Jabla dans le nord du Maroc où il a participé à une entreprise similaire menée en partenariat avec le Dr émérite Dominique Caubet de l’université de Paris 8 et le Dr Angeles Vincente de l’université de Saragosse qui participaient à cette cérémonie d’hommage.
Pour les deux linguistes, Simon Levy a été d’un grand apport pour mener à bon escient leurs recherches sur le parler des juifs du Maroc dans la région des Jbala dans l’ex-zone du protectorat espagnol.
Elles sont évidemment revenues sur leurs rencontres avec le professeur et collègue Simon Lévy, soulignant au passage ses qualités irréprochables de chercheur méticuleux, de travailleur infatigable et de perfectionniste.
Sur ce point, le modérateur de la rencontre Mohamed Hatim de la Faculté des lettres de Fès n’a pas tari d’éloges envers «Ssi Simon» qu’il a présenté comme étant «un homme à part».
Selon lui, Simon était un homme intègre et un militant de cœur porté plutôt sur l’action.
Après plusieurs années d’action et de militantisme politique et syndical, le juif qui somnolait en Simon l’a poussé à créer le Musée juif de Casablanca où il a rassemblé une riche documentation sur le passage des juifs au Maroc et leur legs culturel, patrimoine que ses héritiers ont d’ailleurs remis comme don à la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc (BNRM) et aux Archives du Maroc.
Simon se disait Marocain d’abord et accessoirement juif, a-t-il rappelé.
Et de poursuivre : Simon ne s’affichait jamais. Son abnégation l’amenait à se placer toujours derrière au cours de toutes les manifestations.
Mais Simon était aussi un bon vivant qui aimait la bonne bouffe et les choses gaies de la vie, dira encore Hatimi.
Il savait aussi devenir agréable quand il obtient satisfaction, a-t-il noté. Ce qui n’exclut pas qu’il était aussi capable de piquer des colères quelquefois insupportables, a affirmé Dr Hatimi.
La soirée s’est poursuivie par un autre hommage rendu cette fois-ci par le directeur des Archives du Maroc, Jamaâ Baida à Germain Ayache, cet autre historien de confession juive, venu à la discipline par un concours de circonstances.
Militant communiste depuis le milieu des années 30, il a été congédié pendant la deuxième guerre mondiale de son poste d’enseignant au Lycée Lyautey, ce qui lui a laissé le temps de faire des recherches sur l’histoire du Maroc et en particulier, sur «la fin de l’indépendance du Maroc (1880-1912).
Selon Dr Baida, qui a passé en revue toute l’œuvre de «son professeur et collègue», Germain Ayache, le militant et le chercheur voyait en l’histoire non pas un travail de recherche pour la recherche mais une véritable science utile pour le bien de la société.
M’barek Tafsi