Saoudi El amalki
Au tout début des années 80, naissait «la rencontre du théâtre amateur». L’idée émanait d’Agadir, mais germait dans la scène de l’art dramatique un peu partout au Maroc. Un groupe de fervents eut donc le mérite de se constituer en «union provinciale du théâtre amateur», regroupant une dizaine de troupes, en particulier d’Agadir et d’Inezgane. Puis, 1980, naquit la première édition du rassemblement autour de l’art théâtral. Une première dans les annales de la pratique du théâtre engagé!
Avec des moyens très limités, on arrivait donc à tenir, chaque année, ce rendez-vous auquel étaient conviés tous les mordus du théâtre national. Certes, il y avait, à l’époque, le festival national de théâtre amateur que tenait le ministère de la jeunesse et sport, en coordination avec la Fédération nationale du théâtre amateur. Mais, celui d’Agadir avait ce cachet singulier de «théâtre engagé», qui ouvrait la porte à tous les spectacles sérieux du Royaume, sans passer par la phase éliminatoire au préalable, souvent entachées de censure.
Durant environ une quinzaine d’années, la rencontre d’Agadir qui drainait des centaines de festivaliers de toutes les régions du pays, cette noce conviviale de partage ressuscitait, au fur et à mesure, les sommités du théâtre marocain qui s’étaient recroquevillées sur elles-mêmes. C’est ainsi que réapparaissaient, au grand bonheur de larges générations montantes d’académiciens des années 80, des ténors de haute renommée nationale et ailleurs, tels Dr Hassan Mnii, feu Med Keghat, Salem Kouindi, Med Kaouti et bien d’autres.
Au fil des années, la rencontre gagnait en maturité et, en plus des représentations de haute qualité qu’elle proposait à l’assistance grandissante, elle débattait des thématiques de l’art dramatique de haute acuité, en corrélation avec les préoccupations de l’heure en matière de recherche esthétique et patrimoniale. Peu à peu, la rencontre d’Agadir devenait une référence, un modèle et un bastion de la création pratique et de l’échange théorique. En dépit des contraintes et entraves, souvent dictées par des calculs politiciens, cette riche expérience a pu résister jusqu’en 1994.
Mais, avant de rendre l’âme, cette tradition théâtrale avait contaminé nombre de structures associatives, notamment Rouad Al Khachaba de Meknès qui avait pris le relai avec sa propre rencontre. Cette dynamique mettait beaucoup de tonus dans le corps du théâtre engagé qui contribuait, à cette époque cruciale de l’histoire de la nation, au relèvement de la pensée éclairée et de la conscience collective. Aujourd’hui, tout cet effort bénévole, motivé par le civisme et la militance, suscitait la fierté d’une poignée d’hommes et de femmes qui ont fondé et concrétisé cette idée ayant enchanté et interpellé des milliers d’amoureux de l’art dramatique engagé. Une pensée de reconnaissance aux bâtisseurs de cet édifice étincelant de la rencontre d’Agadir qui sont, entre autres, Abdelkader Ababou, feux Abdelaziz El Farouki et Hassan Souabni, Lahoucine Echaabi, Mohamed Oubihi…